On a fait grand cas du récent "divorce" Parti libéral du Canada/Nouveau parti démocratique. Plusieurs observateurs ont alors soutenu que cette "rupture de contrat" (conclu en mars 2022) allait favoriser le Parti conservateur de Pierre Poilieve qui caracole en ce moment dans les sondages. En déchirant l’entente qui le liait à Justin Trudeau au profit d’objectifs à court terme, Jagmeet Singh faciliterait donc l’arrivée au pouvoir du plus réactionnaire des partis en présence au Parlement d’Ottawa. On pourrait ajouter que le "gagnant" pour l’instant est le Bloc québécois qui détient la balance du pouvoir. Mais il n’aspire pas à exercer le pouvoir à Ottawa pour d’évidentes raisons puisqu’il s’agit d’une formation souverainiste.
Le NPD ne peut lui non plus espérer accéder au pouvoir mais pour des causes différentes. À l’exception de l’épisode Jack Layton (2003-2011), il n’a jamais vraiment essayé de percer au Québec. Le Québec, son talon d’Achille...
Depuis l’historique performance du parti en 2011 (59 députés élus au Québec, ce qui l’a propulsé au statut d’opposition officielle à Ottawa), le parti n’a cessé d’en perdre sous Thomas Mulcair et surtout Jagmeet Singh. Il ne subsiste plus qu’Alexandre Boulerice ; un type sympathique certes, mais dépourvu de charisme et qui, à première vue s’aligne sans rechigner sur les positions de Singh et de sa garde rapprochée. Dans le comté de Rosemont-La Petite-Patrie, on le réélit à répétition depuis 2011. Mais les gens votent peut-être davantage pour l’homme que pour le parti. Une fois qu’il aura démissionné (ce qui viendra bien un jour), son successeur arrivera-t-il à se faire élire ? Ça reste à voir. Si ce n’est pas le cas, le NPD ne disposera alors plus d’aucun représentant au Québec.
De toute évidence, la direction du parti ne comprend pas l’importance de réussir une percée majeure dans "la Belle province" si elle veut conquérir un jour le pouvoir à Ottawa. Après tout, le Québec est la province la plus peuplée (un peu plus de 9 millions d’habitants) après l’Ontario (15 millions) et par conséquent, possède le plus important réservoir de comtés en second lieu après la province voisine. N’est-ce pas déjà un motif majeur pour tenter d’y faire élire le plus de députés possible ?
Avant tout, le Québec forme une nation dont la plupart des francophones tiennent à divers degrés, à assurer l’autonomie, même à l’intérieur de la fédération canadienne.
Jagmeet Singh ne paraît pas mesurer toute l’ampleur de ce sentiment. Par exemple, lorsqu’il a insisté pour que François Legault adhère au programme de soins dentaires gratuits mis sur pied par le fédéral, il a qualifié l’opposition de celui-ci comme le résultat d’un refus fondé sur des "motifs académiques", c’est-à-dire secondaires et artificiels. Or, n’en déplaise à Justin Trudeau et Jagmeet Singh, le Canada est un État fédéral avec division des pouvoirs entre le niveau central et les provinces, un partage qu’on ne peut bousculer de manière désinvolte, même avec les meilleurs intentions du monde.
Au fond, comme beaucoup de socialistes dans le monde, la plupart des néo-démocrates considèrent le nationalisme comme un discours de diversion par rapport aux "vrais problèmes" sociaux et économiques, un discours qui aurait été inventé par des classes politiques dominantes pour asseoir leur pouvoir sur une société donnée. Ils refusent de voir la réalité en face : le nationalisme constitue un mode fondamental de rassemblement de gens qui partagent une histoire et une culture spécifiques. Il voit les francophones canadiens comme un tout, à l’instar de Justin Trudeau dont il partage par ailleurs le multiculturalisme. La spécificité québécoise, très peu pour lui.
Tant que le Nouveau Parti démocratique regardera le nationalisme québécois comme un obstacle à l’établissement de politiques sociales justes "from coast to coast" et qu’il ne déploiera pas les efforts requis pour s’y tailler une place, il se coupera de toute possibilité d’accéder un jour au pouvoir à Ottawa.
Espérons que le successeur du chef actuel acceptera de comprendre cette réalité élémentaire.
Jean-François Delisle
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