Le monde capitaliste est sous le « choc » (une fois de plus) ! C’est la panique, particulièrement dans notre beau Canada (a mari usque ad mare) depuis que l’agent Orange à Washington a brandi ses menaces tarifaires qu’il appliquera une fois qu’il sera bien installé dans le Bureau Ovale. Ce n’est pourtant que le commencement d’une série de « coups de gueule », de provocations, de déclarations à l’emporte-pièce venant du Mâle dominant qui veut impressionner ses éventuels opposants et montrer clairement au reste de la planète qui est le « Cheuf » et qui aura la priorité lorsque viendra la période du « rut », c’est-à-dire au moment où il faudra choisir avec qui il sera plus facile de « forniquer » pour servir ses intérêts idéologiques et partisans. D’où le ridicule de la situation…
« Ridicule » parce que l’arme protectionniste que brandit Trump pour faire peur est, en fait, une lame à double tranchant qui, si elle est utilisée telle qu’il le déclare de façon aussi tonitruante et péremptoire, peut faire autant sinon plus mal à l’économie américaine qu’à celle des partenaires traditionnels des États-Unis, dont le Canada. Pour la simple et bonne raison que, aussi improbable à prime abord que cela puisse paraître en ce qui le concerne, l’Oncle Sam n’a pas les moyens d’effectuer ce repli stratégico-identitaire dans le but de redonner à l’Amérique sa grandeur soi-disant perdue (MAGA) et de reprendre sa place hégémonique dans l’arène internationale (America first !), elle aussi supposément usurpée par le reste du monde qui exploiterait les pauvres Américains !
Dans l’état actuel de l’économie-Monde, toute mesure protectionniste doit s’accompagner d’un plan costaud de réindustrialisation et de réinvestissement dans l’économie locale et nationale afin de compenser les pertes de pouvoir d’achat qui s’ensuivront inévitablement d’une augmentation des tarifs douaniers telle qu’envisagée par Trump et son équipe de clowns et d’acrobates, ramassis de « têtes brûlées » aussi incompétentes les unes que les autres. Or, à moins qu’il nous réserve une surprise ou qu’il sorte promptement un « joker » qu’il aurait caché derrière son dos, l’agent Orange n’a rien prévu de tel parce que dans son logiciel politico-populiste, toute planification, toute organisation rationnelle des fonds publics (et même privés), toute stratégie qui fait sa part à une certaine prudence afin d’anticiper d’éventuels dérapages qui nuiraient à la collectivité dont il est responsable et au Bien Commun dont il doit se préoccuper sont à rejeter du revers de la main car associées à des politiques « gauchistes », à un manque de confiance dans les capacités illimitées du capitalisme à mener à bien n’importe quel projet mégalomane, la confrontation avec le « réel » qu’imposent nécessairement les limites inhérentes à la volonté de puissance n’étant pas à l’ordre du jour.
Comme le soulignent plusieurs observateurs avisés de la politique américaine et des relations qu’entretiennent les États-Unis avec d’autres grandes puissances économiques (voir Emmanuel Todd, La Défaite de l’Occident), à l’heure actuelle, le pays vit au crochet du reste du Monde, en particulier de la Chine qui finance le « trou noir » (à moins que ce ne soit devenu de l’« antimatière ») qui tient lieu de dette publique (« abyssale » si elle en est une) de l’État fédéral et son déficit commercial, non moins vertigineux ; comme un serpent qui se mord la queue (dans ce cas-ci, il s’agirait plutôt d’un « dragon »), la force et la prééminence du dollar (surévalué ?) à l’échelle internationale permettent aux classes moyennes américaines de vivre au-dessus de leurs moyens par une sur-consommation de biens manufacturés en provenance de l’Empire du Milieu (et aussi, de plus en plus, de l’Asie du Sud-Est), participant ainsi à la croissance économique chinoise, croissance qui, en retour, donne les outils financiers nécessaires à la Chine pour soutenir, par l’entremise des grandes fortunes constituées depuis la libéralisation de son économie, capables d’investir massivement à l’étranger, le déficit budgétaire du Trésor américain.
Ainsi se perpétue le cercle vicieux : plus les Américains consomment made in China, plus la Chine s’enrichit, plus la Chine s’enrichit, plus les Américains consomment made in China, ainsi de suite ad infinitum, creusant toujours plus l’écart entre la puissance « réelle » de l’économie américaine (le calcul de son PIB intégrant une large part d’activités non-productives) et sa capacité, surestimée, de constituer un marché inégalé de consommateurs capables d’engloutir tout ce qui peut se produire de biens et services dans le monde industrialisé. Équilibre éventuellement voué à se rompre à un moment « critique », lorsque la capacité d’endettement aura atteint sa limite (comme lorsqu’une bulle financière éclate au grand jour), réservant de mauvaises surprises aux nostalgiques de l’America first, croyant à tort que « … quand y en plus, y en a encore ! ».
Pour ces « optimistes » qui ne doutent jamais de la grandeur de l’Amérique, les nouvelles ne sont pas bonnes ; le précieux « dollar » qui sert encore de référence majeure pour les échanges commerciaux mondialisés est battu en brèche et concurrencé par le yuan chinois qui va devenir de façon imminente la monnaie d’échange des pays regroupés sous la bannière des BRICS, coalition qui va s’élargissant et dont les interactions vont constituer de plus en plus une alternative prisée à la mainmise des États-Unis sur le système monétaire international. Avec un dollar affaibli, ne pouvant plus faire la pluie et le beau temps sur la planète, la seule façon pour l’Amérique de Trump de maintenir son niveau de vie (sa légendaire American way of life alimentée par l’American dream) sera de réorienter son économie de « rentiers », telle qu’elle est à l’heure actuelle, en une économie beaucoup plus axée sur les exportations (comme l’est celle du Canada et qui a permis à la Chine de s’élever à la tête du commerce mondial ― même si le mouvement semble vouloir s’inverser, le PCC constatant la dépendance du pays aux importations pour la consommation de biens de premières nécessités).
Mais exporter quoi, peut-on se demander ? À part la Silicon Valley et son obsession pour les innovations technologiques, que peuvent offrir les Américains au reste du Monde qui n’est pas déjà produit par les Asiatiques qui ont profité de la grande vague de délocalisations des années 1990-2000 en provenance de l’Amérique convertie au libre-échangisme, à la déréglementation tous azimut, à la mondialisation « heureuse » des marchés supposée apporter bonheur et prospérité à la Terre entière ? Il n’y aura pas de retour de pendule et à moins d’avoir une baguette magique, Trump ne redonnera pas sa grandeur à cette Amérique fantasmée avec ses menaces « tarifaires » sauf de façon tout à fait « symbolique », cette montée de testostérone qui lui sert de politique économique ne pouvant pas faire long feu si elle n’aboutit pas à des résultats « concrets » pour le peuple américain, à savoir, une réduction des inégalités entre classes sociales, un réinvestissement dans les services à la population, la fin du travail précaire, le retour des bons emplois, un rééquilibrage des rapports de force entre Capital et Travail, bref, l’amélioration « générale » des conditions de vie.
Même les économistes les plus conservateurs made in USA anticipent des conséquences désastreuses pour le pays si cet élan protectionniste devient trop compulsif, transformé en soupape d’évacuation pour le trop plein de ressentiments d’un Président qui a déjà commencé à « péter les plombs ». C’est bien pour dire...
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