Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir prévenu. Quand on commence à toucher à un droit fondamental, c’est tous les autres qui y passent par la suite. Sauf ceux que la majorité dominante qualifie de « collectifs ». Et quand on s’en prend aux droits de la personne, il n’y a plus de place pour les droits de la Planète. Comble du cynisme, c’est Macron qui conceptualise la nouvelle bête immonde : l’internationale réactionnaire.
Celle-ci forme un continnum des extrêmes-droites les plus nauséabondes aux droites extrêmes les plus nationalistes. On reconnait leurs membres par une trumpisation du discours, une utilisation normalisée des fausses-nouvelles, une instrumentalisation des paniques morales, un repli identitaire basée sur une insécurité culturelle largement fabriquée et complotiste (Grand Remplacement). Partout elles sont en train de fusionner ou de se vampiriser.
En effet, pour les fachos, les majorités nationales – jamais vraiment définies, toujours autoproclamées, souvent mythifiées – craignent de se dissoudre dans la pluralité, paniquées par les effets interculturels de la mondialisation, de la numérisation et des migrations. Le Québec n’y échappe pas. Au contraire, il s’enfonce.
Car à la plus grande surprise des « experts » médiatiques et des « stratèges » politiques, la prime électorale à la xénophobie, doublée d’une gouvernance caquiste médiocre, profite aux séparatistes identitaires péquistes, qui ont enfin assumés de rejoindre la fachosphère, jusqu’à en adopter la posture populiste « anti-woke », anti-migration et illibérale.
On comprend ce qu’il y a derrière : le remplacement des « de souches » blancs catho-laïques francophones par les québécois « de papiers » aux cultures problématiques par essence. L’immonde lynchage politique et médiatique d’Haroun Bouazzi – les bêtes faisaient même partie de ses « camarades » – en dit long sur la dérive de l’entre-soi médiatico-politique, qui continue de qualifier le PQ de centre-gauche (sic.). La honte.
Euphémisation bien de chez nous
Et oui, ici, c’est aussi comme ça qu’on vit : on relativise le salut nazi du savant fou, les attaques contre la « théorie du genre », les saillies racistes des faiseurs de morale, etc. Et sur les questions identitaires, minoritaires, ou migratoires, Legault, St-Pierre-Plamondon comme Le Pen (exception catho-laïque en moins), partagent un même imaginaire et une même rhétorique avec Poilievre, Trump, Poutine, Modi, Meloni, Orban etc. Chavirant.
Mais parler d’extrême-droite au Québec est un véritable blasphème. Une insulte au « Peuple N Blanc d’Amérique ». Non, le Québec n’est PAS raciste. L’extrême-droite n’y existe pas, il n’existe qu’une droite (et une « gauche ») dites « identitaire ». Terminologie bien commode pour atténuer le réel et la direction devenue dominante qu’a prise le nationalisme québécois.
Désormais, la question nationale québécoise n’est plus seulement une problématique canadienne stricto sensu. Elle est aussi une problématique internationale (migration pas intégrable et qui risque de saper les « valeurs québécoises ») et interne (ennemi·e·s de l’intérieur mal intégré·e·s qui sapent les « valeurs québécoises »).
Dans ces conditions, comment QS va-t-il convaincre ?
La gauche c’est comme l’Amour, les paroles c’est bien…
Car le bilan n’est pas glorieux. Face à l’extrême-droitisation de la société québécoise, on a l’impression que les « élites » de gauche ne veulent ni le croire ni le voir. Comme un aveuglement volontaire sur le racisme, la transphobie ou le fémonationalisme de leurs adversaires. Alors même que QS ne rate pas une occasion de se joindre au concert d’instrumentalisation du Québec bashing. Double standard. Pour rassembler la gauche, c’est pas très winner.
Vous me trouvez dur ? OK. Mais quand même : à propos des paniques morales laïque, linguistique, wokiste et migratoire ; de la remise en cause des droits trans/non-binaires ; du travail du sexe ; du syndicalisme agricole ; du probable génocide du Peuple palestinien et de la criminalisation de sa dénonciation ; du « gouvernement des juges » ; du boycott des médias sociaux ; de la désobéissance civile…
C’était au mieux, le strict minimum, au pire, consternant. Le plus souvent : incompréhensible et toujours en réaction. Moi en tout cas, je ne suis pas satisfait. On va me rétorquer à juste titre que j’ai des griefs personnels et politiques envers le seul parti de gauche québécois crédible. J’en conviens parfaitement, je suis biaisé. Mais tout de même, pensons seulement au déshonneur à propos des problèmes internes et étouffés de féminisme ! (#NadinePoirier = Double honte).
Les actes c’est mieux…
Les nationalistes civiques nous jurent que leur approche n’est pas ethniciste. Mais les faits politiques, les silences gênés, prouvent le contraire selon moi. Chez QS, certains droits fondamentaux méritent une lutte, d’autres moins, et d’autres pas du tout. Les identités ne se valent pas toutes semble-t-il.
C’est sûr que ça me donne plutôt le gout de chanter Ô Canada.
Donc j’anticipe avec appréhension et honte les habituelles contorsions solidaires sur de l’état de droit auquel nous allons avoir droit quant aux projets de loi contre le droit de grève, ou celui pour limiter les signes religieux musulmans dans l’espace public : pour les droits syndicaux ce n’est pas bien, mais sur les signes religieux musulmans c’est autre chose, et la langue ça dépend laquelle. Aïe aïe aïe !
Le fait est que le grand rabougrissement des solidaires montre inlassablement ses effets contre-productifs : les sondages sont en chute libre, le PQ grignote des voix dans certains châteaux forts solidaires. Pour preuve, l’Assemblée générale annuelle de l’association solidaire de chez nous (Hochelaga-Maisonneuve) a pu compter 15 personnes il y a quelques jours. Une asso historique en termes politique et numéraire. Je serai à leur place, je serai inquiet.
Gauche usée ?
Au nom du Pays, à cause du Pays, on nous parle encore et toujours des mêmes stratégies soit radicales, soit réformatrices, mais toujours polies et nationalistes, qui ont déjà démontré leurs inefficacités : comme si les Femmes avaient obtenu leurs droits sans casser.
Et on s’acharne : « on ne parle pas assez du Pays, c’est ça le problème de la gauche québécoise : Le Pays, Pays, Pays ». Really ? En 2025 ?
Ben oui. Notre gauche parlementaire nous raconte ses histoires d’amour et de cabanes à sucre, se fait désirer à la mairie de Montréal, nous écœure avec ses enfants exemplaires de la loi 101 et ses député∙e∙s proche des Régions, du Monde et soi-disant pas d’un boys club. S’interroger sur le nationalisme et la colonialité qui légitiment et renforcent l’identitarisme, et donc l’extrême-droite ?
Non, cette gauche-là a démissionné, au sens propre comme au figuré. Elle nage à contre-courant de l’Histoire, et se retrouve – « au nom du Pays » – l’alliée objective de la contre-révolution néoconservatrice en cours. En tout cas, je n’ai définitivement plus confiance en elle pour défendre tous nos foyers et tous nos droits, ici ou ailleurs.
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