Édition du 11 mars 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Monde

Le choix des mots La démocratie sans l’agora ? Sans nous ?

(Ce texte a d’abord été publié dans l’édition de mars du journal Ski-se-Dit.) S’il est un terme détourné de son sens original et galvaudé de nos jours, c’est bien le terme « démocratie » avec tous ses dérivés.

Les sans-voix que nous sommes se le voient répété sans cesse, dans un continuum politique et médiatique ahurissant, contre toute évidence. Sans surprise, il s’est retrouvé par exemple 106 fois dans les pages du quotidien Le Devoir seulement en janvier 2025.

Souvenons-nous que dans l’ancienne Athènes on entendait par « démocratie » le gouvernement direct du peuple assemblé à l’agora pour débattre, puis proposer des lois et les voter. Cette démocratie d’alors n’était bien sûr pas parfaite, puisqu’elle excluait de cette participation citoyenne les femmes, les esclaves et les métèques, mais elle correspondait bien à cette définition de gouvernement par le peuple. Il n’était alors pas question de se choisir collectivement un représentant pour penser, débattre, puis proposer et voter des lois à notre place en nous excluant de fait de cette prérogative.

« Démocratie représentative  » est un oxymoron, c’est-à-dire qu’il y a contradiction dans les termes ! La démocratie ne peut s’exercer que directement, elle ne peut être représentative. Elle doit s’exercer directement, comme le faisait le peuple d’Athènes, comme le faisaient aussi au Moyen Âge les hommes et les femmes des villages encore hors de portée des monarchies, comme nous l’explique Francis Dupuis-Déri dans son ouvrage « Démocratie – Histoire politique d’un mot  », et comme le faisaient aussi autour d’un calumet les peuples autochtones à l’arrivée des Européens, comme l’ont rapporté les «  Relations des jésuites ».

Il faut rappeler qu’après la disparition des pouvoirs monarchiques, les pères fondateurs des républiques étaient au XVIIIe et XIXe siècles totalement opposés à la démocratie, démocratie qu’ils méprisaient parce qu’elle aurait accordé au peuple le pouvoir de décision. Ils considéraient de ce fait le système représentatif comme un système antidémocratique nécessaire, éloignant efficacement le peuple du pouvoir. Des personnages politiques comme le premier premier ministre canadien John A. Macdonald, et le premier président des États-Unis Georges Washington dénigraient la démocratie et ils le faisaient probablement avec cette même hargne avec laquelle on dénigrera le communisme aux États-Unis à l’époque du maccarthysme.

L’emploi du mot démocratie pour désigner le suffrage n’apparaît que plus tard, vers le milieu ou la fin du XIXe siècle, le mot étant alors devenu inoffensif et plutôt positif pour des populations ayant assumé depuis belle lurette, dans l’impuissance, leur mise à l’écart. Des intellectuels de service se sont ensuite servilement appliqués à différencier la « démocratie directe », en fait la démocratie tout court, de la «  démocratie représentative », cette détestable contrefaçon de la démocratie.

La beauté de la démocratie, la vraie, voyez-vous, c’est qu’en mettant tous les citoyens et citoyennes sur le même pied, en les regroupant tous, disons-le de façon figurative, autour d’une même table, pour débattre, décider, proposer et voter des lois qui les concernent, en partageant le pouvoir en somme, jusqu’à sa dissolution, ils développent leur empathie les uns pour les autres et finissent par mettre en place une société égalitaire et pacifiste, fondée sur de meilleures relations humaines où l’être s’impose sur l’avoir, et en mesure de faire face aux graves défis environnementaux et sociaux auxquels nous sommes actuellement confrontés.

Le mot démocratie est aujourd’hui vidé de son sens. Nous le savons tous, dans le fin fond, sans avoir le courage de l’admettre…

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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