11 novembre 2021 | tiré d’Alternative socialiste
L’appui électoral à Rosalie (11,98%) la place en 3e position dans son district, mais aussi comme la 3e candidature indépendante sur 17 ayant recueilli le plus de voix à Montréal. Cet appui dépasse d’ailleurs la majorité de celui donné aux candidatures du 3e parti en importance, Mouvement Montréal.
Ce succès montre qu’il est possible d’aller chercher du soutien avec un programme ouvertement socialiste et des méthodes d’action basées sur l’organisation militante des gens du quartier. L’appui à Rosalie montre l’attrait grandissant pour un changement politique radical au Québec, pour une alternative socialiste. Il démontre surtout l’intérêt porté à une équipe qui était déjà plongée au cœur des luttes des locataires et qui a continué de les animer durant la campagne électorale.
Le besoin de s’organiser sur le terrain
La campagne électorale de Rosalie a tiré sa pertinence du fait qu’elle ne s’est pas contentée de recueillir des votes pour faire siéger une conseillère à la mairie d’arrondissement. Le cynisme ambiant, les bas taux de participation aux élections et la polarisation politique soulignent le rejet de ce type de parlementarisme strictement électoral.
La chance a été donnée au coureur lors des élections municipales de 2017. Portés au pouvoir de manière majoritaire, Projet Montréal et sa mairesse Valérie Plante ont présidé à une gentrification accélérée des quartiers de Montréal, en particulier à Verdun. L’itinérance a doublé et les camps de fortune sont systématiquement détruits. Les services policiers sont inondés de nouvel argent, tandis que les services de transport en commun connaîtront les coupures.
Seul un rapport de force basé sur l’organisation militante et massive des Montréalais et des Montréalaises peut forcer l’administration à nous donner ce dont nous avons réellement besoin. La campagne de Rosalie est un premier pas modeste qui témoigne du potentiel qu’a ce type d’approche.
Aider l’organisation militante des locataires
La campagne a réussi très tôt à mobiliser une vingtaine de bénévoles non seulement pour donner de la visibilité à la candidate, mais pour aider les locataires de Verdun à s’organiser contre leur mauvais propriétaire et leur conseil municipal négligent. Organisatrice de la campagne Nos quartiers ne sont pas à vendre, Rosalie a su utiliser sa campagne électorale pour nourrir la lutte pour le droit au logement.
Les bénévoles ont sillonné les rues de Verdun pour distribuer plus de 6 500 dépliants et discuter de la lutte à la gentrification avec des centaines de citoyens et citoyennes. Les bénévoles se sont spécialement mobilisé·es pour aider les locataires de la rue Godin dans leur lutte contre un gentrificateur qui menace de les évincer. Rosalie et son équipe sont les seules personnes impliquées dans la course électorale à leur avoir prêté mainforte, malgré des appels à d’autres conseillers.
Ces locataires sont venues demander de l’aide à Rosalie lors du « comité d’accueil » organisé par son équipe lors du débat entre les personnes aspirantes à la mairie de Verdun, le 19 octobre. Cette action couverte par plusieurs médias a fait réagir à juste titre les candidatures d’Ensemble Montréal et Projet Montréal.
Impliquer les gens de Verdun
Durant la campagne de Rosalie, des dizaines de personnes ont fait des dons totalisant plus de 3 000$. Ce trésor de guerre a notamment permis d’imprimer des milliers de dépliants ainsi que d’acheter des pancartes et des affiches géantes sur lesquelles étaient bien visibles des demandes urgentes : « Stoppons les rénovictions ! », « Exproprions pour loger ! » ou encore « Taxons les super riches pour financer les services publics ! ».
L’approche militante de la campagne nous a valu bien des appuis dans les rues de Verdun, mais aussi provenant de l’international. La conseillère municipale socialiste de Seattle, Kshama Sawant – à l’origine de la victoire du salaire minimum à 15$/h ainsi que de la Taxe Amazon dans cette ville – a envoyé une lettre d’appui à Rosalie. En s’inspirant de Sawant et de son parti, Socialist Alternative, la lutte pour le droit au logement dans Verdun ne s’arrêtera pas avec les élections !
Derrière la victoire de Projet Montréal, un appui qui faiblit
Le ras de marée pour Projet Montréal le 7 novembre cache une chute de 26 226 voix des appuis à Valérie Plante par rapport aux élections de 2017. Les appuis à Denis Coderre ont baissé encore davantage, soit de 57 596. Créé en 2021, Mouvement Montréal est le seul parti à avoir fait des gains significatifs avec ses 30 200 voix. Mais le parti de Balarama Holness a échoué à faire élire qui que ce soit.
Les élections municipales montréalaises présentent un taux de participation électorale bas de 38,4%, une chute de 4% par rapport aux élections de 2017. À titre comparatif, les élections fédérales de 2021 ont connu un taux de participation bien plus haut à 62%, et celles de 2018 au Québec, de 66,45%. Dans ces deux cas, les taux de participation ont toutefois chuté de 5% par rapport aux élections précédentes.
À travers Montréal, on retrouve les plus hauts taux de participation dans les arrondissements les plus aisés, par exemple Outremont et L’Île-Bizard-Sainte-Geneviève. Inversement, les taux de participation les plus faibles se retrouvent parmi les arrondissements les plus défavorisés, par exemple Montréal-Nord et Saint-Laurent.
L’abstention et Projet Montréal
En 2017, les forts taux d’abstention semblent avoir joué en faveur de l’équipe de Valérie Plante. Cette situation s’est reproduite cette année. Dans les faits, le choix de seulement 19,56% de toutes les personnes aptes à voter à Montréal a été suffisant pour porter Valérie Plante au pouvoir.
En d’autres termes, Projet Montréal a été capable de gagner la mairie sans avoir à tenir compte de 80% des électeurs et électrices. Il a suffi au parti de mobiliser le vote des couches sociales éduquées et relativement aisées qui le soutiennent. Pire encore, de nombreuses personnes disent avoir voté pour Projet Montréal le nez bouché afin d’éviter un retour de l’équipe de Denis Coderre. L’avenue du « vote stratégique » pour la candidature la moins pire n’a pas stimulé les gens à aller voter, au contraire.
Ce qui crève les yeux, c’est que la vaste majorité des électeurs et électrices de Montréal – plus de 685 000 – n’a voté pour aucun parti ou candidature.
L’abstention, une question de classe
Faut-il vraiment se surprendre des faibles taux de participation – en particulier dans les arrondissements plus ouvriers – lorsqu’il n’existe aucun parti alternatif issu des mouvements ouvriers et sociaux ? Lorsque les discours politiques ne s’adressent pas aux travailleurs et aux travailleuses ordinaires ? Lorsque les personnes élues défendent d’abord et avant tout les intérêts des employeurs, des entrepreneurs et des propriétaires ?
L’écrasante majorité des gens sait bien que peu importe qui siègera à mairie, les coupures de services à la STM, les hausses de tarifs, les loyers trop chers et les jobs mal payés les attendront. La détérioration des conditions de vie de la majorité de la population s’est accélérée avec la crise économique et sanitaire. La classe ouvrière demeurera largement inactive sans une alternative politique dynamique qui s’engagera à inverser le cours des choses radicalement et à défendre ses intérêts. L’heure n’est plus au business as usual, mais à l’audace politique.
Une conscience sociale en développement
L’appui à Balarama Holness et à son parti, Mouvement Montréal, exprime en partie les nouvelles sensibilités populaires face aux enjeux de racisme systémique, de violences policières et de lutte aux inégalités. Créé cette année, ce nouveau parti a présenté 68 candidatures qui ont surtout performé dans les quartiers ouvriers où une très forte partie de la population est issue de l’immigration.
Cet appui laisse deviner un potentiel de radicalisation, mais ne reflète pas des dynamiques de luttes collectives vivantes dans les quartiers. Pour plusieurs personnes, l’intérêt de Mouvement Montréal concernait surtout les identités spécifiques de ses candidatures.
Bien qu’important symboliquement, la couleur de peau, l’origine ethnique ou encore le genre des candidatures ne sont pas un gage de transformation sociale. Dans la même veine, l’élite médiatique et politique petite-bourgeoise fait la même erreur en se réjouissant trop vite de « l’espoir » que fait naître l’élection de jeunes maires et mairesses carriéristes un peu partout au Québec.
Il ne peut pas y avoir de gentrification « féministe » ou de services policiers « antiracistes ». Il ne peut pas y avoir d’économie locale capitaliste « écologique » ou d’industries culturelles qui respectent les droits des peuples autochtones et québécois. Une politique municipale qui s’articule autour des intérêts des compagnies privées et des grands propriétaires maintiendra les oppressions et profitera de l’exploitation. Le vrai changement viendra avec ceux et celles qui s’attaqueront frontalement aux personnes qui achètent nos quartiers, polluent nos milieux de vie et paient des salaires de crève-faim.
Une politique de combat
La différence entre la candidature de Rosalie et toutes les autres, c’est que Rosalie appelle à bâtir un mouvement au-delà des élections, un mouvement militant de travailleurs, de travailleuses, de jeunes et de personnes à la retraite dans toute leur diversité. Si Balarama Holness se contente de nous donner rendez-vous en 2025, Rosalie Bélanger-Rioux propose de rester mobilisé et d’agir dès maintenant !
Projet Montréal ne réalisera ses promesses les plus ambitieuses – telle la construction de 6 000 logements abordables par an pendant 10 ans – que s’il est contraint de le faire. Seul un mouvement massif de la base pourra établir ce rapport de force. Organisons-nous dès maintenant pour réclamer l’expropriation des terrains et immeubles abandonnés, vacants ou négligés dès les prochaines séances des conseils municipaux ! Organisons la pression en mobilisant les gens du quartier, nos syndicats, nos associations étudiantes et nos organisations militantes ! Nous pourrons alors constater ce que valent vraiment les élu⋅es de Projet Montréal.
Un mouvement de protestation massif peut poser les bases d’une future coalition politique des forces ouvrières et sociales montréalaises actives dans leurs milieux de vie. Avec un projet socialiste commun, la représentation politique d’un tel mouvement social pourrait radicalement changer notre façon d’habiter Montréal.
Venez militer avec nous pour établir ce rapport de force ! Contactez-nous à pasavendre@alternativesocialiste.org pour joindre la lutte !
Un message, un commentaire ?