Or la cible est là, balisée par l’Accord de Paris, définie par nos gouvernements : il faut réduire les gaz à effet de serre de 30 % d’ici 2030. Dans ce contexte de crise climatique, si l’on se pose comme rationnel, raisonnable, capable de prendre un peu de distance, peut-on simplement s’appuyer sur un argument économique à court terme et déclarer : « Les entreprises veulent construire, agrandir ou remettre en état des pipelines au Canada parce qu’elles ont des clients qui sont intéressés à y transporter des produits » ? Répondre à la demande du marché, est-ce la seule finalité d’une activité économique ?
Permettre à l’industrie canadienne des hydrocarbures d’améliorer son efficacité, est-ce un objectif prépondérant ? S’il est souhaitable d’aider l’Alberta à améliorer sa situation, ne vaudrait-il pas mieux contribuer à réduire l’exploitation des sables bitumineux et développer le secteur de l’économie verte ?
Selon M. Pineau, « un pipeline ne crée pas des utilisateurs de pétrole, pas plus qu’il ne crée des producteurs ». Or l’aménagement d’un pipeline comme TransMountain ou Énergie Est vise avant tout à accroitre la production des sables bitumineux et à exporter ce pétrole vers les marchés asiatiques. On augmente l’offre, on favorise la hausse de la demande, tout cela pour des produits qui sont déjà en surproduction et dont on sait qu’ils devraient rester sous terre dans l’immédiat.
M. Pineau va aussi faire appel à un argument écologique : les pipelines favoriseraient la sécurité du transport du pétrole. C’est ignorer grossièrement les centaines de déversements ou de fuites imputables à des oléoducs.
M. Pineau n’aime pas les pipelines, mais considère que si nous ne pouvons pas nous en passer, c’est la faute aux consommateurs. « Aimons différemment dans nos choix de consommation et le marché du pétrole déclinera. » Le recours à cet argument social et moral est d’une hypocrisie sans nom. Au lieu de critiquer nos dirigeants politiques et économiques, qui favorisent une culture de consommation individuelle et notamment la perpétuation du règne de l’automobile, le professeur Pineau impute aux citoyens ordinaires la responsabilité des orientations toxiques du marché et de la société.
M. Pineau, vous qui êtes un expert, nous aimerions vous entendre appeler à une véritable lutte contre les changements climatiques, et à une véritable transition énergétique basée sur l’efficacité et l’innovation.
Denise Campillo et François Prévost
Roxton Falls
Le 1er décembre 2016