L’État dont il est question ici n’est pour l’instant qu’une province qui ne fait que quelques millions d’habitants et d’habitantes dans un pays qui n’est pas réputé pour avoir une armée très musclée. La situation aux États-Unis et pour les autres plus grandes puissances mondiales est donc d’une tout autre ampleur. Ce rapport de force entre l’État et sa population pose de nombreuses questions, dont celle-ci : le bras armé de l’État serait-il désormais si hypertrophié qu’il constituerait une entrave à la démocratie et plus particulièrement, à l’influence des mouvements sociaux ?
Ce genre de questionnement peut paraître quelque peu étrange tant il est fréquent de ne discuter de la démocratie qu’en termes de valeurs ou de mécanismes électoraux. Cependant, il faut avouer qu’en y pensant bien, un État potentiellement ébranlable par sa propre population se retrouverait dans un rapport de force particulier où le respect des mouvements sociaux deviendrait une nécessité, ce qui n’est pas le cas lorsque l’État est armé jusqu’aux dents. À titre d’exemple, il est possible de citer le cas de l’Islande qui, suite à la crise économique de 2008, a connu une sorte de révolution tranquille sous l’impulsion des mouvements populaires. Cette mini révolution n’a pas donné tous les résultats escomptés à cause des défaillances de certains mécanismes de représentation. Toutefois, il est remarquable qu’alors que les autres États renflouaient leurs banques, les Islandais et les Islandaises ont pour leur part voté contre une bonne partie du remboursement et le directeur de la Banque Centrale du pays a été poussé à la démission.
Au même moment, de puissants mouvements ont également agité de nombreux autres pays, que ce soit les « Indignados » en Espagne ou encore « Occupy Wall Street » aux États-Unis. Mais l’on compte bien peu de gains directs si ces mouvements sont comparés au cas de l’Islande. Quant aux scènes de brutalité policière, elles sont nombreuses et peuvent être trouvées en grande quantité sur internet. La puissance répressive a-t-elle joué un rôle dans l’impact de ces mouvements ? Tout indique que ce fut bel et bien le cas.
Or, s’il est admis qu’un État dans un rapport de force trop déséquilibré face à sa population est peu susceptible d’écouter les revendications n’allant pas dans le sens de l’agenda de ceux et celles qui occupent les postes de pouvoir, que faire ? Deux voies semblent se dessiner. La première est celle qui a traditionnellement été celle de la droite et consiste à vouloir permettre à la population de s’armer pour défendre sa propriété contre l’État (car ce sont moins les mouvements sociaux que la propriété privée individuelle que cette droite défend.)
De l’autre côté, la voie de gauche a traditionnellement été antimilitariste et particulièrement soucieuse de limiter le pouvoir policier. Dans les deux cas, le rapport de force vis-à-vis l’État tend bel et bien à se rééquilibrer. Du moins, en théorie seulement, puisque le cas américain démontre que la voie de droite débouche sur une spirale sans fin de surarmement. Cela s’explique par le fait que la population s’arme de plus en plus et que, parallèlement, l’État continue de gonfler son armement en prétextant que cela est nécessaire pour défendre la population non armée contre les personnes armées.
Reste donc la voie de gauche. Autrement dit, le combat antimilitariste et contre la toute-puissance policière n’est pas qu’ancré dans la volonté de mettre fin à des violences injustes, il s’agit également d’une lutte nécessaire pour accroître le potentiel démocratique au sein des États. Le fait que le bras armé de l’État puisse étrangler sans difficulté la contestation a certes l’avantage de stabiliser la vie politique, mais il a aussi un coût : celui d’une démocratie saine.
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