2 novembre 2023 | tiré de la revue Frustrations | Photo : manifestation parisienne empêchée par la police le 29 octobre 2023, par Serge D’Ignazio
En général, la discussion démarre par une formule du style “Tu as vu aux infos, c’est horrible ce qui se passe en Israël !” et elle peut vite s’envenimer, si elle s’enchaîne sur “Oui, mais quand même, tu ne peux pas nier ce que subissent les Palestiniens !” (et inversement selon les interlocuteurs). Pour rester objectifs et que ça ne dérape pas trop, il peut être bien de garder en tête que :
Avoir de la compassion pour les victimes de Tsahal ne signifie pas justifier les attaques du Hamas.
Avoir de la compassion pour les victimes du Hamas ne signifie pas justifier la colonisation israélienne.
Expliquer n’est pas excuser. Contextualiser une situation ne signifie pas s’en rendre complice, mais simplement essayer de la comprendre pour chercher des solutions pour y remédier.
La discussion peut aussi vite dériver sur l’antisémitisme et s’éloigner en réalité du sujet initial en confondant l’antisionisme, c’est-à-dire l’hostilité envers l’État d’Israël, et l’antisémitisme, c’est-à-dire l’hostilité envers les Juifs. Gardons la tête froide :
Le fait que des antisionistes soient antisémites ne signifie pas que tous les antisionistes sont antisémites.
Le fait que de nombreux antisionistes ne soient pas antisémites ne signifie pas qu’aucun antisioniste n’est antisémite et que l’antisionisme ne mène pas dans certains cas à l’antisémitisme.
“Oui mais quand même les Israéliens ont bien le droit de se défendre, tu devrais les soutenir après les horreurs commises par les Palestiniens qui tuent des bébés et prennent des otages pour faire des boucliers humains !”. A cette assertion de votre cousin Albert qui commence à s’énerver, vous pouvez répondre tranquillement :
Quand le pouvoir décide de massacrer une population, cela ne signifie pas que sa population en est responsable, mais seulement ceux qui soutiennent activement et participent à cette politique. Pour rappel, le Hamas a remporté les élections législatives en janvier 2006, avec 74 sièges sur 132 qui composent le Conseil législatif palestinien. Mais depuis, aucune élection n’a eu lieu. Ça fait quand même plus de 17 ans. Arrêtons donc de dire « les Palestiniens » pour évoquer les horreurs commises par le Hamas.
Quand le pouvoir d’un pays décide de bombarder une région, cela ne signifie pas que sa population en est responsable. Quand Sarkozy a décidé de bombarder la Libye, faisant de nombreuses victimes civiles, ce ne sont pas les Français qui en étaient responsables. Pour rappel, Benjamin Netanyahou est revenu au pouvoir en 2022, avec seulement une courte majorité de 64 élus sur les 120 que compte la Knesset (dont 32 pour son parti le Likoud). Ses décisions n’engagent pas sa population, mais seulement ceux qui soutiennent activement et participent à cette politique. Arrêtons donc de dire « les Israéliens » pour évoquer les exactions de son armée, décidées par son gouvernement. Parlons plutôt de l’État d’Israël et de son gouvernement d’extrême-droite. Et ne confondons pas les Israéliens qui vivent dans les territoires reconnus par l’ONU, et ceux qui vivent au sein des colonies dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, qui constituent une violation du droit international.
Ne pas attribuer un « soutien inconditionnel » à Israël ne signifie pas que l’on considère que cet État n’a pas le droit de se défendre, mais simplement qu’il n’a pas le droit de se défendre en massacrant volontairement des milliers de civils (oui, n’en déplaise à Caroline Fourest, les bombes déversées sur Gaza ne font pas la différence entre un civil et un combattant du Hamas). Tout comme le Hamas n’a pas le droit de se défendre ou de prétendre défendre les Palestiniens en massacrant volontairement des milliers de civils.
Ce n’est pas parce qu’un pays est en guerre qu’il a tous les droits. La guerre a, bien heureusement, des règles, celles du « droit international humanitaire ». Elles ont pour objet de fixer ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire dans les conflits.
La guerre menée par Israël, ce n’est pas celle d’une démocratie qui se défendrait contre des barbares. Comme le dit Rony Brauman, « l’attaque effroyable du 7 octobre n’est pas le début d’une guerre, mais un épisode de plus dans un long conflit dit de basse intensité jalonnée de moments littéralement explosifs. ».
“Oui mais quand même, on voit bien que les islamo gauchistes de Mélenchon sont complices du Hamas : ils ne veulent même pas dire que c’est un mouvement terroriste” !, appuie votre tante Lucienne qui sent son fils en difficulté. Gardez votre calme :
Choisir d’utiliser ou de ne pas utiliser le terme « terroriste » ne signifie pas qu’on euphémise les horreurs perpétrées par le Hamas ou qu’on banalise le terrorisme. L’AFP elle-même n’utilise pas le terme et s’en explique précisément. Ce terme regroupe trop de choses différentes et son utilisation est toujours politique. Dès lors, elle fait le choix de ne pas l’utiliser pour décrire les actions du Hamas. Et précédemment elle indique avoir fait le même choix pour décrire les actions de l’ETA, des FARC, de l’IRA, d’Al-Qaeda, etc. ce qui à l’époque ne choquait personne. « L’emploi du mot terroriste est extrêmement politisé et sensible. De nombreux gouvernements qualifient d’organisations terroristes les mouvements de résistance ou d’opposition dans leurs pays. De nombreux mouvements ou personnalités issus d’une résistance un temps qualifiée de terroriste ont été reconnus par la communauté internationale et sont devenus des acteurs centraux de la vie politique de leur pays. L’exemple le plus emblématique est sans doute Nelson Mandela. », précise l’AFP.”
“On n’entend pas beaucoup les joueurs de foot pleurer le sort des Israéliens”, intervient votre cousine Gilberte, sans trop vouloir attiser le débat. Répondez-lui tranquillement que :
Nous n’avons pas à demander aux juifs de se positionner par rapport à la guerre que mène l’État d’Israël et nous n’avons pas à demander aux musulmans (et encore moins à ceux qu’on imagine qu’ils le sont parce qu’ils sont basanés… ) de se positionner par rapport aux exactions commises par le Hamas. Le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit religieux, mais un conflit politique et territorial.
“De toute manière, il n’y a aucune solution, ces deux peuples se détestent, y a rien à faire ça a toujours été le bordel là-bas” tente de conclure cousin Albert.
Vous pouvez exprimer une dernière phrase et après changez de sujet sinon ça va vous pourrir tout votre après-midi:La paix ne passera que par la fin de l’oppression du peuple palestinien, c’est-à-dire par le retrait de l’armée israélienne des territoires occupés et la restitution des terres palestiniennes aux Palestiniens dans le respect des résolutions de l’ONU.
Guillaume Etiévant
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