Édition du 5 novembre 2024

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Québec

Réplique à l’article de Louise Beaudoin

Les souverainistes soulagés par l’élection de François Fillion, de quelle souveraineté parle-t-on ?

Dans un article paru dans Le Devoir, l’ancienne ministre des Relations internationales sous le gouvernement du PQ Louise Beaudoin, affirme qu’avec la nette victoire de François Fillon dimanche à la primaire de la droite et du centre, le Québec peut s’attendre à avoir un solide allié à l’Élysée au cours des prochaines années. Selon elle les Québécois particulièrement les souverainistes peuvent déjà pousser un soupir de soulagement.

Elle tire son inspiration du fait de la coupure de Fillon avec la politique de Sarkozy qui avait pris ses distances avec la politique de non-ingérence/non-indifférence de la France et attaqué le mouvement souverainiste, le qualifiant de sectaire et de xénophobe. Elle salue le rapprochement vers la reconnaissance du Québec. « François Fillon reconnaît plutôt la naissance d’un « grand pays » où « la France s’est agrandie sans se diviser », s’est « étendue sans se rompre ». Mais elle n’est pas la seule qui s’intéresse à cet allié de la droite française, selon elle le Parti québécois a bien compris cet enjeu puisqu’il a délégué à Paris ces jours-ci son porte-parole en matière de relations internationales, Stéphane Bergeron.

Mais la France de Fillon comme il se plait à le définir lui-même « Ma France à moi » se revendique de l’héritage thatchérien. L’ancien premier ministre a annoncé que, chef de l’État, il demanderait au gouvernement choisi par lui de gouverner dans un premier temps par ordonnances, le temps de mener les réformes les plus radicales ou politiquement les plus explosives, qu’il s’agisse de la suppression définitive des 35 heures, ouvrant la voie à des accords d’entreprise sur la durée légale du travail pouvant aller jusqu’à 48 heures hebdomadaires ; d’une nouvelle simplification des procédures de licenciement, ou encore d’un électrochoc du régime d’assurance chômage, avec des indemnités devenant dégressives.

Il défend par ailleurs une baisse massive de la fiscalité des entreprises et des plus riches en proposant de baisser les charges patronales de 40 milliards, ce en quoi il diffère très peu de son adversaire, qui propose une baisse de 35 milliards, avec un allègement de 10 milliards de l’impôt sur les sociétés. Il propose également la suppression de l’impôt sur la fortune et le plafonnement de la taxation des revenus du capital.

Pendant ce temps François Fillon promet une purge dans la dépense publique et mise sur 100 milliards d’économie sur le quinquennat. Sa mesure phare : supprimer 500 000 postes de fonctionnaires en passant un coup de force contre la résistance sociale qui selon lui est surestimée. « Nous, on a envoyé la gendarmerie, cela s’est très bien passé (lors des blocages contre la réforme des retraites en 2010). S’il faut le faire, on le refera ! » avait-il lancé lors d’une réunion publique en septembre devant un parterre d’associations libérales.

En ce qui concerne le droit des femmes et des personnes LGBT, son leitmotiv est « Ma France doit protéger la famille et ses valeurs. » Il propose de réécrire le droit de la filiation pour figer le principe selon lequel un enfant est toujours le fruit d’un père et d’une mère. De ce principe découlent des conséquences : réserver l’adoption aux couples hétérosexuels. Une telle normalisation n’est pas surprenante pour un homme ayant voté contre la dépénalisation de l’homosexualité (1982), contre le Pacs (1999)( Pacte civil de solidarité,partenariat contractuel établi entre deux personnes majeures indépendamment de leur sexe) et contre le mariage pour tous (2013). En ce qui concerne l’avortement, l’ancien premier ministre répète à qui veut l’entendre que tout, dans son for intérieur, y répugne.

Il avait déjà en tant que premier ministre sous Sarkozy effectué une purge de 80 000 postes dans l’enseignement, il annonce maintenant la suppression de 500 000 fonctionnaires.

Comme Alain Juppé, il souhaite que le Parlement fixe chaque année le nombre de personnes maximum susceptibles d’être « accueillies ». L’ancien premier ministre veut également autoriser les « statistiques d’origine » pour permettre « de fixer un cadre à notre politique migratoire ». Une sélection par origine qui paraît constitutionnellement difficile à faire passer.

En ce qui concerne les questions internationales, François Filion appui le président syrien Bachar al-Assad ainsi que son allié le gouvernement russe. Quand on l’interroge sur les raids aériens russo-syriens contre les secteurs d’Alep-Est sous contrôle rebelle, qui ont fait plus de 500 morts et 2 000 blessés depuis le 22 septembre, selon l’ONU, il refuse de parler de « crimes de guerre ». À aucun moment, François Fillon ne prend en compte le fait que la rébellion anti-Assad lutte elle aussi contre l’EI et que 90 % des frappes russes ne visent pas Daech, mais bien la rébellion.

Madame Beaudoin reproche à Sarkozy ses thèmes de campagnes proches de l’extrême droite, alors que le PQ a utilisé et utilise encore le terrain identitaire et de peur (comme l’a fait Lisée avec ses kalachnikovs cachées sous des burkas). À cet effet elle devrait peut-être se préoccuper d’une extrême droite qui est venue jouer directement dans sa cour l’été dernier en la personne de Marine Le Pen qui a appuyé publiquement son parti. Peut-être aura-t-elle vu dans la campagne politique menée par le PQ concernant la charte des valeurs un terrain fertile pour ses idées d’exclusion, même si le nationalisme québécois est plus complexe.

Il est certes étonnant de constater que madame Beaudoin n’a pas tenu compte des politiques rétrogrades de François Fillon et défende un personnage qui joue sur le même terrain des valeurs patriotiques et familiales que l’extrême droite qu’elle réprime, et qui s’en prend aux femmes et aux minorités. Si la politique internationale est l’extension de la vision qu’on a de la politique dans son propre pays, ne pas tenir compte de ces questions au seul service de la reconnaissance du Québec est un indicateur de la façon dont elle-même ainsi que son parti considèrent la politique québécoise, ce qui n’est pas très inspirant pour le moins.

Elle concluait son article en affirmant que l’arrivée possible de François Fillon en tant que président de la République sera un événement historique. À cet effet s’il est historique c’est que la population française s’apprêtera à livrer un combat majeur pour la sauvegarde de ses institutions, de ses emplois, pour le respect de la diversité sociale, sexuelle et culturelle et contre une ouverture sans précédent dans l’histoire récente de la France à l’enrichissement des mieux nantis et au néolibéralisme.

Texte produit à partir de l’analyse de Médiapart.

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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