« D’une élection à l’autre, nous revivons le même scénario et on nous sert les mêmes promesses de modifier le mode de scrutin. Sans résultat. Le dernier à nous laisser en plan est le gouvernement Legault qui, même après des consultations fructueuses et prometteuses, a abandonné le chantier. Alors qu’il débute la deuxième moitié de son mandat, le gouvernement a encore le temps de redresser la situation et de nous démontrer la valeur qu’il accorde à la démocratie », a souligné madame Roberge en présentant les résultats de sa recherche qui sera mise en ligne aujourd’hui sous l’appellation Élections québécoises 2022 et précédentes : S’indigner et remplacer le système électoral.
Élections 2022 : le pouvoir de décision entre les mains d’un seul parti !
Pour madame Roberge, notre système électoral, qui ne tient compte que du nombre de sièges obtenus, entraîne des défectuosités qui portent clairement atteinte à notre vie démocratique. Depuis les élections du 3 octobre 2022, les décisions sont monopolisées par un seul parti alors que le vote était diversifié comme le montre le graphique indiquant le pourcentage de votes et de sièges.
Les résultats de 2022 sont spectaculaires, mais pas exceptionnels puisque les élections antérieures regorgent d’illustrations des mêmes défectuosités ; à titre d’exemple, le balayage de 1973 au profit du Parti libéral du Québec de Robert Bourassa. De telles monopolisations de l’Assemblée nationale se sont manifestées au cours de 20 élections.
Surreprésentation et sous-représentation, voilà deux effets pervers du mode de scrutin québécois. En 2022, la Coalition avenir Québec (CAQ), avec 41 % des votes, a raflé près de trois quarts des sièges. À l’opposé, le Parti conservateur du Québec (P.C.Q.) a recueilli 13 % des votes et n’a aucun siège. Quant à elle, l’opposition officielle est formée par le Parti libéral du Québec (PLQ) alors qu’il est arrivé 4e en pourcentage de votes. « Cette totale inadéquation entre le pourcentage de votes et le rôle occupé par un parti équivaut tout simplement à un reversement de la volonté populaire », a affirmé madame Roberge.
Les régions durement touchées !
Le dysfonctionnement de notre système électoral se manifeste durement à l’échelle régionale. À titre d’exemple, la CAQ a remporté 100 % des sièges dans 9 régions et de 80 % à 91 % dans 4 autres régions tout en n’y recueillant que 47,4 % des votes en moyenne. Autre exemple : les 21 sièges PLQ ne se retrouvent que dans 4 régions. L’opposition officielle est donc absente dans les trois quarts des régions du Québec.
La mauvaise représentation peut être mesurée par ce qu’il est convenu d’appeler « l’indice de distorsion ». Plus le chiffre est élevé, plus la distorsion est forte entre les votes exprimés et la représentation obtenue. Avec un taux de 25,8, l’indice de distorsion québécois de 2022 est 4 fois plus élevé que chez les pays utilisant une formule proportionnelle pour distribuer les sièges ; l’indice de distorsion s’élève même entre 30 et 51 dans 13 régions, ce qui se situe dans la moyenne des élections des 15 années précédentes.
La chercheuse souligne l’incidence négative de notre système sur l’accès à une représentation diversifiée ; le score national de 46 % de femmes élues n’étant atteint que dans 7 régions tandis que l’élection de personnes racisées ou nées à l’étranger n’atteint le niveau national de 16 % que dans 4 régions.
Des votes inégaux et sans valeur : 2 millions de votes perdus en 2022 !
La recherche de madame Roberge souligne que les votes qui n’ont pas désigné la personne gagnante pour la circonscription sont perdus puisqu’ils ne se transposent pas en une représentation adéquate pour le territoire donné. C’est le cas pour 2,1 millions de votes en 2022 (53 %). Dans 12 régions, les votes perdus varient entre 50% et 65,7%.
En calculant le nombre moyen de votes par parti pour obtenir un siège, un constat s’impose : les votes ne sont pas égaux. Ainsi, la CAQ a obtenu un siège avec aussi peu que 18 729 de votes en moyenne et, pour sa part, le PQ a eu besoin en moyenne de 200 236 votes. Cela signifie qu’un vote pour le PQ a eu 11 fois moins de poids qu’un vote pour la CAQ.
« Se pourrait-il que cette réalité explique en partie le faible taux de participation aux élections et le désenchantement de citoyennes et de citoyens qui auraient l’impression que leur vote ne servira pas à grand-chose ? En 2022, le taux de 66,1 %, déjà très bas, de participation nationale n’était même pas atteint dans 8 régions », questionne la chercheuse.
Un système proportionnel mixte compensatoire : l’urgence de l’adopter d’ici 2026 !
Deux projets de loi ont été présentés pour remplacer le système électoral québécois par un système proportionnel mixte compensatoire : le projet de loi 39 (2019) par le gouvernement et le projet de loi 499 (2023) par deux partis d’opposition. On reconnaît donc la nécessité de remplacer le mode de scrutin actuel. Ces projets suggèrent des améliorations importantes qui peuvent constituer une base de discussion à reprendre d’urgence et cela, à la lumière de la recherche déposée aujourd’hui par madame Roberge.
« Le gouvernement Legault doit tout mettre en œuvre pour adopter un nouveau système électoral avant les prochaines élections. Un système proportionnel mixte compensatoire bien conçu limiterait autant la surreprésentation que la sous-représentation et mettrait fin aux énormes et inacceptables écarts entre les votes exprimés et les sièges détenus. Le partage du pouvoir, en respect de la volonté populaire, devrait aller de soi dans une démocratie », a conclu madame Roberge en réitérant le fait que le premier ministre a encore la moitié de son mandat pour nous démontrer qu’il croit en la démocratie et qu’il respecte la voix des citoyennes et citoyens du Québec.
Présentation de l’autrice
Mercedez-Roberge - JulesTomi photographe
Originaire du Saguenay, Mercédez Roberge travaille et milite dans le milieu féministe et communautaire depuis 1980. Que ce soit professionnellement ou par militance son parcours est orienté par la quête de l’égalité, le respect des droits, l’amélioration des conditions de vie et l’exercice de la citoyenneté, ainsi que la représentation des idées et des personnes, selon une vision globale des enjeux démocratiques.
Elle a publié en 2019« Des élections à réinventer - Un pouvoir à partager » aux Éditions Somme toute, comme outil de référence sur l’amélioration de la démocratie représentative (408 pages). S’intéressant à la représentation des idées et des personnes, elle a présidé le Mouvement démocratie nouvelle (2003-2010), lequel lui a décerné le prix RÉFORMERA (2014) pour son engagement et son expertise.
Militante féministe depuis toujours, elle est co-autrice de « Histoire du mouvement des femmes au Saguenay-Lac-Saint-Jean » de la Collective La Chambarde, en 1988. Elle s’est impliquée dans de nombreux événements et comités de la Fédération des femmes du Québec et du Collectif féminisme et démocratie (dissous).
Au niveau professionnel, elle a travaillé pour de nombreuses organisations communautaires et féministes, contribuant notamment à laMarche des femmes contre la pauvreté« Du pain et des roses » en 1995, ainsi qu’à sa célébration 20 ans plus tard, de même qu’à l’organisation internationale de la première édition de la Marche mondiale des femmes (1998-2002). Depuis 2007 elle est coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, laquelle rassemble près de cinquante regroupements agissant pour l’amélioration globale de la santé de la population et rejoint plus de 3 000 groupes communautaires autonomes partout au Québec.
En octobre 2024 elle diffuse Élections québécoises de 2022 et précédentes : s’indigner et remplacer le système électoral, une étude exhaustive dans l’objectif d’alimenter la lutte des militantes et des militants. Le document peut être téléchargé en entier et ses sections peuvent être consultées sur le site internet de l’autrice.
*****
Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.
Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.
Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :
Abonnez-vous à la lettre
Le programme PAFI, vous connaissez ? PAFI pour programme d’aide financière à l’investissement.
Un message, un commentaire ?