Édition du 22 octobre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La réponse canadienne aux sans-abris est de l’ordre du crime contre l’humanité

Prodiguer un abri devrait être déclaré : « droit humain » et pas qu’un simple abri mais abri adéquat. Un autobus ne peut être qualifié d’abri adéquat.

Tiré de Rabble.ca
Cathy Crowe, 8 octobre 2024
Traduction, Alexandra Cyr

Le mois dernier, j’ai écrit sur les dangers et le jargon autour de l’itinérance dans notre langage. J’ai une nouvelle façon de voir.

Il y a 26 ans, le 8 octobre, des avocats.es déclaraient l’itinérance « désastre national ». La suite est de l’histoire, une mauvaise histoire. Les mauvais.es joueurs.euses des trois niveaux de gouvernement ont permis que l’itinérance empire de manière draconienne durant ces 26 ans. Il en résulte un désastre humanitaire dû à une négligence intentionnelle qui a causé de sévères maladies, des blessures et fait des centaines de morts prématurées. Cela s’appelle un meurtre social.

Les plus récents exemples de la négligence intentionnelle du gouvernement sont évidents dans les villes les plus importantes et les plus riches du pays.

Peut-on croire que Toronto ne peut trouver mieux comme abri que les autobus de la Toronto Transit Commission (TTC) ? Je crois que oui. Les élus.es de la ville pourraient ouvrir de véritables abris mais ne le font pas. Pourquoi ? Je pense que la mairesse, Mme Olivia Chow, attend l’argent du provincial.

Toronto a établi les plus bas standards en abris d’urgence de tout le pays. Je ne suis pas une avocate mais je pense que les décisions des hauts fonctionnaires de la ville et encore plus significativement celles de la mairesse et du conseil municipal devraient être considérées comme des crimes contre l’humanité. Ne rien faire est un refus de protéger la santé et la vie (des itinérants.es).

La solution de se servir des autobus comme abris n’arrive pas du tout au niveau des standards des Nations Unies dans ce domaine. Nulle part dans le monde on la considérerait comme une forme acceptable d’abri.

Un véritable abri doit comporter minimalement un lit, au moins un lit de camp, des provisions de bouche dont au moins un repas chaud par jour, des toilettes, des douches, un personnel qualifié et surtout (une obligation de) ne pas réveiller les gens pour qu’ils et elles quittent le refuge à cinq heures du matin. On peut se demander pour aller où ? On peut penser que pour éviter des abris dangereux, ont ait établi des standards d’hébergement. Ils sont là pour garantir le respect, la dignité des personnes tout en leur offrant la protection, les soins et l’attention.

Dans un autobus c’est impossible d’offrir cela aux personnes les plus vulnérable de la ville.

Les autobus chauffés, comme la ville les désigne, font maintenant partie de notre vocabulaire. Mais ce ne sont pas que des mots nous les intégrons comme des solutions à l’itinérance et c’est un problème dangereux.

Malgré des décennies de preuves que les refuges de la ville sont chroniquement à capacité, ses bureaucrates proposent de se servir des autobus pour retirer les itinérants.es des couloirs du métro et de les transporter vers des refuges. Si, et c’est un énorme « si » selon un fonctionnaire, les refuges sont pleins, les personnes sans-abris pourront passer la nuit dans les autobus. Ce programme a été baptisé « Transit Bus Initiative ».

Pour être honnête envers la TTC et la ville, les services en santé mentale, le soutien multidisciplinaire ont été introduit comme réponse aux problèmes plus larges de sécurité dans les transports en commun. Cela va de vérifications du bien-être, au support infirmier pour arriver à former le personnel des transports en commun sur les interventions de désescalade pour y assurer la sécurité.

Après la saison hiver-printemps 2023-24, d’utilisations des autobus chauffés comme refuge, la plupart des avocats.es, le public et les médias ont été sans nouvelles sur les résultats du programme ou sur les plans de la ville en vue des hébergements pour le futur.

Lors de sa réunion de juillet dernier, le TTC a tenu un discours sans grande cohérence à propos du TTC’s Partnership Approach to Community Safety, Security and Well-being on Public Transit. Il traitait du temps de réponse de la police, de la vétusté du système PA, des coûts du programme des autobus chauffés, et comment minimiser la dépendance de la ville sur les refuges dans les transports pour la saison froide à venir.

Le personnel du TTC a rapporté qu’il avait coûté 1,200 millions de dollars entre autre pour la modification des véhicules, pour les contrats en sécurité, pour des toilettes amovibles et pour le chauffage. 5,900 prestations d’aide ont été effectuées et pas qu’à des individus, seulement 296 personnes ont été transportées avec succès vers des refuges ou des centres chauffés. Il y avait rarement de la place. Au point de départ on prévoyait deux autobus pour passer à six puis à 8 avec un achalandage de 62 personnes demeurant dans les autobus au plus fort de la demande. Comme le déclarait la conseillère municipale également membre du conseil d’administration du TTC, Dianne Saxe : « c’était surement une très piètre qualité d’hébergement ».

Ce qui est préoccupant, c’est que nous n’avons rien su des impacts humains, à propos du genre, de l’âge, de la race, de l’accessibilité ou sur les soins de santé nécessaires et sur où les gens ont été dirigés ailleurs à cinq heures du matin. Ces renseignements n’ont pas été recueillis. Et le silence des partenaires qui dispensent les services dans les autobus chauffés est encore plus inquiétant. Pour ce que j’en sais, personne n’a exprimé de préoccupations sur le caractère inadéquat du programme, sur les besoins de refuges à caractère humain. Aucune de ces agences n’a été présente à la réunion du TTC en juillet.
Le conseiller municipal, Paul Ainslie, qui est aussi membre du conseil d’administration du TTC et qui détient une réputation enviable de suivi des informations pour tenir la ville responsable avec des données a exprimé sa frustration, avait fait adopter six mois plus tôt, une résolution au Conseil municipal qui exige que les données liées à l’utilisation des autobus (comme refuge), soient incorporées à celles des refuges de la ville. Mais rien n’a été fait. (P. Ainslie est responsable de la collecte des données sur les décès de sans-abris à Toronto).

Comme c’est souvent le cas, les décisions des instances civiles sont transformées ou reportées. Dans le cas présent, il s’agissait de revoir les comptes rendus depuis octobre précédent en rapport avec « des options pour minimiser la dépendance (de la ville) envers le système de transport en commun du TTC pour offrir des refuges durant l’hiver 2024-25 ». J’aurais préféré qu’on écrive : « Communiquer au Toronto Shelter and Support Services que le TTC n’est pas un dispensateur de service adéquat et qu’il est incapable de donner les services requis à l’avenir ».

En septembre, j’ai reçu un rapport de Transit Bus Initiative Usage, qui montre que 100 refuges avec des lits pourrait être disponibles immédiatement. Mais nous le savions déjà. Alors que les autobus recevaient des gens tous les soirs, j’ai colligé quelques données pour démontrer les besoins`

25 décembre : 14 personnes sont restées dans l’autobus. Je me demande si elles ont reçu leur part de souper à la dinde.

14 février : 64 personnes sont restées dans les autobus.

18 février : 90 y sont restées.

21 mars : 82 personne y sont également restées.
Cela donne une idée de l’achalandage. Évidemment le logement est la solution à long terme. Mais pour le moment, on peut fournir de véritables refuges et Toronto devrait prendre la tête des droits humains au refuge.

Pour la mairesse Olivia Chow et son équipe, les possibilités de créer des refuges sont presque infinies : utiliser les ressources municipales comme les centres communautaires ou les écoles non occupées, exproprier des propriétés pour les transformer en refuges, se servir d’un quatrième Sprung dome qui est déjà utilisé depuis quatre ans dans la ville comme lieu de relaxation, allouer un site pour un projet pilote de « Two-Step Homes » avec ses cabines communautaires, demander au gouvernement fédéral l’autorisation de se servir d’un de ses sites, sortir le personnel municipal des édifices municipaux pour convertir les salles de réunion en abris, louer ou exproprier les espaces de condominium vides pour y installer des refuges, en faire autant dans les salles de la Légion ou les édifices du Centre de l’exposition nationale canadienne.

Cessons de ne faire des plans que pour des refuges pour l’hiver à venir. Soyons créatifs.ives et déclarons que l’abris adéquat est un droit humain.

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