Édition du 19 novembre 2024

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Québec

Où est l’humanité de François Legault ?

« Nous, ce qu’on veut, c’est que la moitié des demandeurs d’asile qui sont actuellement au Québec soient transférés dans d’autres provinces. » Tels sont les propos tenus par François Legault le 2 octobre dernier lors d’une intervention à Paris. D’où vient ce besoin de cibler les personnes immigrantes ? Comment justifier un tel manque d’humanité ?

Demandeurs et demandeuses d’asile

Le nombre de demandeurs et de demandeuses d’asile est croissant depuis de nombreuses années, non seulement au Québec ou au Canada mais partout sur la planète. Les guerres (Ukraine, Gaza, Liban) et les conflits armés intérieurs (Soudan, Haïti) forcent le déplacement d’un nombre grandissant de personnes. Les reculs démocratiques dans maints pays forcent à l’exil des milliers de personnes dont les vies sont en danger.

Toute personne qui demande l’asile recherche la protection du Canada. Cette demande peut être faite lors de son arrivée au pays ou une fois sur place, à titre de détenteur ou détentrice d’un visa de visiteur, d’un permis de travailleur temporaire ou d’un permis de résident temporaire l’autorisant légalement à étudier au Canada. Si la demande est approuvée, la personne obtient le droit de rester et de présenter une demande de résidence permanente. Cette approche est conforme aux prescriptions de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés auxquelles le Canada et le Québec souscrivent.

Politique d’immigration canadienne et québécoise

Depuis 2021, le Canada a indiqué sa volonté de voir le nombre de résident-es permanent-es augmenter pour atteindre 500 000 nouvelles admissions par an d’ici 2025. Cette ouverture est motivée par le fait qu’il cherche à combler les emplois vacants partout au pays alors que les besoins de main d’œuvre sont réels et que les provinces peinent à les combler malgré des efforts de recrutement à l’étranger. Au cours de la même période, le nombre de personnes réfugiées illégalement et demandeuses d’asile a cru. Leur passage dans les aéroports de Toronto et de Montréal ont eu comme conséquence que c’est principalement dans ces 2 villes que leur nombre a mis sous pression les autorités municipales et provinciales.

Là où le bât blesse, c’est dans le clientélisme dont font preuve les gouvernements du Canada et du Québec. Tous deux veulent plaire aux employeurs en favorisant l’arrivée de travailleuses et de travailleurs étrangers temporaires, cette main d’œuvre étant reconnue comme étant corvéable et bon marché. Alors qu’elle devait initialement combler les besoins dans les secteurs où, preuves à l’appui, il n’y avait pas de réponse positive parmi les travailleurs et travailleuses d’ici, la main d’œuvre constituée de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires arrive par milliers.

Initialement, c’est dans le secteur agricole que ces permis de travail restreints ont été attribués. Depuis, tous les secteurs de travail ont recours à une telle approche qui permet ce type d’embauche. On ne s’assure plus que le poste visé ne puisse être comblé par des travailleurs et travailleuses d’ici. Ainsi, les employeurs ont accès à une main d’œuvre qui détient un permis de travail temporaire d’une durée déterminée ( 3, 6 ou 12 mois), après quoi on peut la retourner dans son pays d’origine, selon le bon vouloir de l’employeur. L’apport économique est ce qui prime. C’est pourquoi bon nombre d’employeurs qui ont financé la venue de travailleuses et travailleurs temporaires par un démarchage privé n’ont pas pris en compte les besoins sociaux et de logement de celleux-ci.

À cette cuvée appréciable s’ajoutent les immigrant-es économiques, que le Québec, tout comme ses homologues des autres provinces, veut choisir et les étudiantes et étudiants étrangers que l’on accueille par dizaines de milliers au Québec. Cette deuxième cuvée recherchée permet de combler le financement des institutions post-secondaires et de procurer un bassin de main d’œuvre spécialisé, hautement scolarisé dans nombre de cas. La filière tant québécoise que canadienne doit permettre d’accroître l’économie tant du Québec que celle du Canada. Les demandeurs et demandeuses d’asile sont les trouble-fêtes qui créent des besoins nouveaux auxquels le Québec doit répondre sans avoir la garantie d’en récolter des gains financiers pour le gouvernement.

Legault à Paris et son inhumanité

Exaspéré par les problèmes politiques qui lui tombent dessus, le premier ministre du Québec « pète sa coche » et se défoule sur le chef du gouvernement canadien en prenant pour bouc émissaire les demandeurs et demandeuses d’asile. Le projet Northvolt bat de l’aile, la baisse de popularité du gouvernement Legault se confirme dans les sondages, les réformes de structures du secteur de la santé (PL 15), de celui des ressources énergétiques (PL 69) et de la mobilité (PL 61) ne garantissent pas l’efficience recherchée. À tout cela s’ajoute un manque criant de logements sociaux, de places en garderie, des fermetures de groupes de francisation et de classes spéciales dans les commissions scolaires qui génèrent de la grogne dans la population.

Il ne reste à François Legault que la fuite en avant en prenant pour cible tous les demandeurs et demandeuses d’asile, non seulement celleux qui arrivent mais aussi celleux qui ont obtenu la reconnaissance de leur statut et peuvent se prévaloir d’une demande de résidence permanente. Il pousse l’arrogance jusqu’à demander la déportation forcée ailleurs au pays de 80 000 des 160 000 personnes réfugiées intégrées au Québec. Prenant la France pour exemple, il va même jusqu’à évoquer la mise en place de camps de détention jusqu’à leur obtention d’un statut légal de travailleur temporaire ou leur expulsion, si leur demande d’obtention du statut de réfugié est rejetée. Legault sait pourtant qu’il faut trois ans pour que le dossier d’un demandeur ou d’une demandeuse d’asile soit traité au Canada.

Déconnecté de tout projet de société rassembleur, il va de coup de tête en coup de tête. Après avoir unilatéralement interdit en août dernier le renouvellement de permis de travail temporaire dans la région de Montréal pour les bas salarié-es qui gagnent annuellement moins de 57 000$, il pousse le bouchon plus loin en parlant de déplacement forcé des demandeuses et demandeurs d’asile. Son gouvernement va même en Cour suprême pour contester l’accès à des places en garderie pour les demandeurs et demandeuses d’asile.

Ce discours anti-immigration est inacceptable. Plutôt que de discourir à l’encontre des demandeurs et demandeuses d’asile, le gouvernement devrait trouver comment répondre à la fois aux besoins de main d’œuvre des employeurs, à la consolidation des services publics et à la construction en urgence de logements sociaux.

Monsieur Legault, cessez cette rhétorique mesquine. Relevez le défi du vivre ensemble en faisant primer les droits humains sur ceux des corporations. Les politiques de votre gouvernement ne peuvent se résumer à un exercice comptable.

Ghislaine Raymond

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