Édition du 5 novembre 2024

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Économie

Un sommet des BRICS en Russie qui n’offre pas d’alternative

Le 16e sommet des BRICS a abouti, le 23 octobre 2024, à une déclaration finale en 134 points, qui indique clairement que ce bloc ne constitue pas une alternative favorable aux intérêts des peuples.

29 octobre 2024 | tiré du site d’Inprecor | Photo : Kazan a accueilli la première session plénière du 16e sommet des BRICS en format « Outreach/BRICS+ ». © President.az, CC BY 4.0
https://inprecor.fr/node/4393

Il n’y a aucun doute qu’il faut combattre la politique des grandes puissances impérialistes traditionnelles : les États-Unis et ses partenaires européens ainsi que le Japon. Il n’y a pas de doute que les pays impérialistes les plus agressifs sont de loin les États-Unis et Israël, dans le sillage desquels se placent l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie, le Canada… qui acceptent tout ce qu’accomplit le gouvernement fasciste israélien.

Il y a un tel dégoût pour la politique de ces puissances impérialistes traditionnelles qu’une partie de la gauche considère que la politique des BRICS constitue une alternative encourageante même si beaucoup sont contre l’invasion de l’Ukraine par la Russie, tout en considérant que l’OTAN et Washington ont leur part de responsabilité.

C’est important d’analyser le contenu de la déclaration finale des BRICS adoptée à Kazan le 23 octobre 2024 afin de vérifier si ce bloc met en avant une alternative au modèle et aux politiques qui sont imposées par les puissances impérialistes traditionnelles (regroupée dans le G7 : États-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Japon, Italie et Union européenne). De toute manière, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’émerge une alternative favorable aux peuples d’un conglomérat de pays tous dominés par une logique capitaliste (même si c’est à des degrés divers) et parmi lesquels les gouvernements qui répriment leur peuples sont majoritaires. Le résultat de la lecture de la déclaration finale dans son intégralité est sans appel : même au niveau des mots, on ne trouve pas de véritable différence avec les discours, les déclarations des principales puissances impérialistes traditionnelles et des institutions qu’elles dominent. Si, en plus, on prend la peine d’analyser la politique concrète des BRICS, on ne peut que conclure que pour promouvoir une alternative favorable à l’émancipation des peuples, pour renforcer la lutte contre les différentes formes d’oppression et pour affronter la crise écologique, il ne faut pas compter sur l’aide et l’action des BRICS.

Pour passer en revue les points les plus importants de la déclaration finale du sommet des BRICS, tenu en Russie, je suivrai, sauf à un endroit, l’ordre dans lequel les différents points se succèdent. Ceux et celles qui veulent lire l’ensemble de la déclaration, la trouverontsur le site du gouvernement russe et sur d’autres sites officiels.

Pas de remise en cause du FMI et de la Banque mondiale :

Dans le point 11, les BRICS réaffirment le rôle central que doit jouer le Fonds monétaire international (FMI) :

11. « Nous réaffirmons notre volonté de maintenir un filet de sécurité financier mondial solide et efficace, avec en son centre un FMI »

Les BRICS se félicitent des discussions en cours au FMI sur l’évolution des droits de vote en son sein :

« Nous nous félicitons des travaux en cours du Conseil d’administration du FMI visant à élaborer, d’ici juin 2025, des approches possibles pour guider la poursuite du réalignement des quotes-parts ». « Il s’agit également de féliciter le FMI pour son intention de permettre aux pays d’Afrique subsaharienne, scandaleusement sous-représentés dans la direction du FMI, d’obtenir en son sein un siège supplémentaire. »

Les BRICS n’émettent aucune critique à l’égard des politiques néolibérales imposées par le FMI aux pays qui font appel à ses crédits.

Les BRICS n’exigent aucun changement de la part de la Banque mondiale et se contentent de dire à son propos : « Nous attendons avec intérêt l’examen de la participation de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) à l’horizon 2025. »

On ne trouve dans la déclaration aucune demande et aucun engagement pour l’annulation des dettes.

Suit, au point 12, une déclaration purement abstraite et sans intérêt sur la nécessaire amélioration du système monétaire et financier international.

Satisfecit pour les COP qui pourtant n’apportent aucune solution probante et soutien au marché du carbone

Au point 16, concernant les initiatives pour faire face à la crise écologique et au changement climatique, la déclaration ne fait aucune allusion à la profonde crise écologique et se félicite des avancées que représentent les derniers sommets COP sur le climat :

« Nous félicitons l’Égypte d’avoir accueilli la COP27 à Sharm El-Sheikh en 2022, où le Fonds de réponse aux pertes et dommages a été créé, et les Émirats arabes unis d’avoir accueilli la COP28 à Dubaï en 2023, où le Fonds a été rendu opérationnel. Nous nous félicitons du consensus obtenu par les Émirats arabes unis lors de la COP28, notamment de la décision intitulée « Résultats du premier bilan mondial », et du Cadre des Émirats arabes unis pour la résilience climatique mondiale. Nous nous engageons à ce que la COP29 en Azerbaïdjan soit couronnée de succès… Nous soutenons le leadership du Brésil qui accueillera la COP30 en 2025 et saluons la candidature de l’Inde qui accueillera la COP33 en 2028. »

Alors que les COP n’aboutissent sur aucun résultat probant et que les derniers ont été des caricatures, les BRICS se retrouvent de fait très proches des grandes puissances industrielles impérialistes traditionnelles en refusant de reconnaître que jusqu’ici les politiques adoptées ne permettent pas de fournir des réponses à la hauteur des enjeux. Malgré leurs désaccords et les tensions qui marquent leurs relations, les deux blocs s’entendent en pratique lors des COP pour ne pas adopter de mesures contraignantes suffisamment fortes pour faire face à la crise écologique. Chaque bloc défend les intérêts des industries polluantes. C’est frappant de constater que les BRICS ne dénoncent pas la politique irresponsable des anciennes puissances impérialistes et des grandes entreprises qui vivent des énergies fossiles.

De plus au point 85, les BRICS déclarent leur soutien au marché des permis d’émission de carbone

« Nous reconnaissons le rôle important que jouent les marchés du carbone en tant que l’un des moteurs de l’action en faveur du climat, et nous encourageons le renforcement de la coopération et l’échange d’expériences dans ce domaine. » (pour plus loin).

Le marché du carbone est au cœur du capitalisme vert, du greenwashing et de la poursuite de politiques prédatrices à l’égard de la nature.

Pour en savoir plus sur le marché du carbone, lire : Adam Hanieh, « Blanchissement de carbone — La « nouvelle ruée vers l’Afrique » du Golfe », publié le 14 août 2024

Condamnation d’Israël sans employer le mot génocide

Le point 30 aborde la situation en Israël-Palestine sans utiliser une seule fois le mot génocide pour désigner l’action criminelle du gouvernement israélien.

Nous réitérons notre grave préoccupation face à la détérioration de la situation et à la crise humanitaire dans le territoire palestinien occupé, en particulier l’escalade sans précédent de la violence dans la bande de Gaza et en Cisjordanie à la suite de l’offensive militaire israélienne, qui a entraîné des massacres et des blessures de civils, des déplacements forcés et la destruction généralisée d’infrastructures civiles. Nous soulignons la nécessité urgente d’un cessez-le-feu immédiat, global et permanent dans la bande de Gaza, de la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et détenus des deux camps qui sont illégalement retenus en captivité, de l’acheminement durable et sans entrave de l’aide humanitaire à grande échelle dans la bande de Gaza et de la cessation de toutes les actions agressives. Nous dénonçons les attaques israéliennes contre les opérations humanitaires, les installations, le personnel et les points de distribution. (…) nous saluons les efforts continus de la République arabe d’Égypte, de l’État du Qatar et d’autres efforts régionaux et internationaux en vue de parvenir à un cessez-le-feu immédiat, d’accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire et le retrait d’Israël de la bande de Gaza.

Les BRICS ne décrètent pas une rupture ou une suspension des relations commerciales et des traités de coopération avec Israël. Pire, comme Patrick Bond et d’autres auteurs l’ont montré, les BRICS continuent à fournir à Israël du pétrole, du gaz, du charbon, indispensables à ce pays pour continuer son effort de guerre. Cela est également vrai de la part du gouvernement d’Afrique du Sud qui bien qu’ayant déposé à juste titre une plainte contre Israël devant la Cour de justice internationale, continue de lui fournir du charbon.

Pour en savoir plus sur la poursuite des relations commerciales entre les BRICS et Israël pendant le génocide, lire en anglais ou en espagnol : Patrick Bond, ‘The Blessing’ for genocide publié le 1 octobre 2024, - En Espagnol : La “bendición” para el genocidio

Certes ils condamnent au point 31. , « la perte de vies civiles et les immenses dégâts causés aux infrastructures civiles par les attaques menées par Israël contre des zones résidentielles au Liban et nous demandons la cessation immédiate des actes militaires » mais ils s’en tiennent à cela.

Au point 32, ils condamnent, sans désigner comme responsable le gouvernement d’Israël, « l’acte terroriste prémédité consistant à faire exploser des appareils de communication portatifs à Beyrouth, le 17 septembre 2024, qui a fait des dizaines de morts et de blessés parmi les civils » .

Condamnation sans les mentionner explicitement des actions Houthis qui tentent d’entraver les relations commerciales avec Israël

Au point 33, ils condamnent, sans les nommer, les actions des Houthis qui s’attaquent aux bateaux qui commercent avec Israël. Les BRICS affirment

« qu’il importe de garantir l’exercice des droits et libertés de navigation des navires de tous les États en mer Rouge et dans le détroit de Bab Al-Mandab ».

Absence de condamnation de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et absence de critique explicite à l’égard de l’OTAN

Au point 36, les BRICS ne condamnent pas l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils écrivent :

« Nous rappelons les positions nationales concernant la situation en Ukraine et dans les environs, telles qu’elles ont été exprimées dans les enceintes appropriées, y compris le Conseil de sécurité des Nations unies et l’Assemblée générale des Nations unies. (…). Nous prenons note avec satisfaction des propositions pertinentes de médiation et de bons offices, visant à un règlement pacifique du conflit par le dialogue et la diplomatie. ».

Le fait qu’on ne trouve pas de critique de l’OTAN est vraisemblablement dû au fait que la Turquie était invitée au sommet.

Soutien aux partenariatx public-privé qui en réalité favorisent les grandes entreprises privées aux détriments des biens publics

À partir du point 61, les BRICS reviennent sur les questions financières. Ils se prononcent pour les partenariats public-privé en déclarant :

« Nous reconnaissons que le recours au financement mixte est un moyen efficace de mobiliser des capitaux privés pour financer des projets d’infrastructure. »

Ils ajoutent : « nous saluons les travaux du groupe de travail des BRICS sur les partenariats public-privé et les infrastructures ».

Soutien aux activités de la Nouvelle banque de développement créée par les BRICS en 2015 en parlant des crédits en monnaie locale alors que l’essentiel du financement passe toujours par le dollar des États-Unis

Au point 62, ils soulignent « le rôle clé de la Nouvelle banque de développement (NDB) (voir encadré sur la NDB) dans la promotion des infrastructures et du développement durable de ses pays membres. » Ils promettent une amélioration de sa gestion : « Nous soutenons la poursuite du développement de la NDB et l’amélioration de la gouvernance d’entreprise et de l’efficacité opérationnelle en vue de la réalisation de la stratégie générale de la NDB pour 2022-2026 ». Pour comprendre la référence à l’amélioration de la gouvernance de la NDB, il faut certainement prendre en compte l’avis du brésilien, Paulo Nogueira Batista qui a représenté de 2007 à 2015 le Brésil au FMI sous la présidence de Lula, et qui a été ensuite vice-président de la Nouvelle banque de développement (créée par les BRICS) de 2015 à 2017. Bien qu’il exprime un soutien enthousiaste aux BRICS, il n’a pas manqué de critiquer la mauvaise gestion de la direction de la NDB :

« La Banque a accompli beaucoup de choses mais n’a pas encore fait la différence. L’une des raisons est, franchement, le type de personnes que nous avons envoyées à Shanghai depuis 2015 en tant que président·es et vice-président·es de l’institution. Le Brésil, par exemple, sous l’administration Bolsonaro, a envoyé une personne faible pour devenir président de la mi-2020 au début 2023 - techniquement faible, orientée vers l’Occident, sans leadership et sans la moindre idée de la manière de mener une initiative géopolitique. La Russie ne fait malheureusement pas exception à la règle : le vice-président russe de la NDB est remarquablement inapte à ce poste. La faiblesse de la gestion a souvent conduit à un mauvais recrutement du personnel. »1

Ceux-ci annoncent qu’ils soutiennent la NDB dans l’expansion continue des financements en monnaie locale, ce qui est positif mais ils omettent de dire que l’essentiel du financement de la NDB se fait en dollars par l’émission de titres sur les marchés financiers.

La Nouvelle banque de développement (NDB)

La NDB a été créée officiellement le 15 juillet 2014 à l’occasion du 6e sommet des BRICS qui s’est tenu à Fortaleza au Brésil. La NDB a octroyé ses premiers crédits à partir de fin 2016. Les cinq pays fondateurs ont chacun une part égale du capital de la Banque et aucun n’a le droit de veto. La NDB, outre les 5 pays fondateurs, compte comme membres le Bangladesh, les Émirats Arabes Unis et l’Égypte. L’Uruguay est en train de rendre effective sa participation. La NBD est dotée d’un capital de 50 milliards de dollars qui devrait être porté dans le futur à 100 milliards de dollars. Il y a rotation pour l’exercice du poste de président·e de la NDB. A tour de rôle pour un mandat de cinq ans, chaque pays a droit à exercer la présidence. Dilma Rousseff, la présidente actuelle, est brésilienne, le prochain ou la prochaine présidente sera russe et sera désignée en 2025 par Vladimir Poutine qui vient d’être réélu à la présidence de la Fédération de Russie jusque 2030. La Nouvelle Banque de Développement annonce qu’elle se concentre principalement sur le financement de projet d’infrastructures y compris des systèmes de distribution d’eau et des systèmes de production d’énergie renouvelables. Elle insiste sur le caractère « vert » des projets qu’elle finance, bien que cela soit très discutable.

Certains passages concernant la NDB donnent à entendre qu’il y a véritablement des tensions entre les pays membres des BRICS :

« Nous demandons instamment à la Banque de s’acquitter de sa mission et de ses fonctions, conformément aux statuts de la nouvelle banque de développement, de manière équitable et non discriminatoire. »

C’est probablement lié au fait que la NDB n’a octroyé aucun crédit en Russie depuis que les puissances occidentales ont pris des sanctions contre Moscou après l’invasion de l’Ukraine en février 2022. En effet la NDB qui se finance sur les marchés financiers a craint de subir une dégradation de sa note triple AAA au cas où elle aurait poursuivi les prêts à la Russie. Elle a donc refusé de financer des projets en Russie.

Ceci peut être vérifié sur le site de la NDB : où l’on constate que depuis début 2022, la NDB a approuvé le financement de plus de 50 projets différents dont aucun en Russie. Concernant les crédits vers la Russie, si on clique ici on peut constater que le dernier projet soutenu financièrement par la NBD en Russie remonte à septembre 2021.

Soulignons de nouveau le jugement négatif émis en mars 2024 par Paulo Nogueira, pourtant chaud partisan des BRICS, à propos de la NDB dont il a été vice-directeur en 2014-2015 :

"Pourquoi peut-on dire que la NDB a été une déception jusqu’à présent ? Voici quelques-unes des raisons. Les décaissements ont été étonnamment lents, les projets sont approuvés mais ne sont pas transformés en contrats. Lorsque les contrats sont signés, la mise en œuvre effective des projets est lente. Les résultats sur le terrain sont maigres. Les opérations - financements et prêts - se font principalement en dollars américains, monnaie qui sert également d’unité de compte à la Banque.

Comment pouvons-nous, en tant que BRICS, parler de manière crédible de dédollarisation si notre principale initiative financière reste majoritairement dollarisée ?

Ne me dites pas qu’il n’est pas possible d’effectuer des opérations en monnaie nationale dans nos pays. La Banque interaméricaine de développement, la BID, par exemple, possède depuis de nombreuses années une expérience considérable en matière d’opérations en monnaie brésilienne. Je ne comprends pas pourquoi la NDB n’a pas profité de cette expérience. »2

Les BRICS ne parlent plus du lancement d’une monnaie commune

En réalité en ce qui concerne les outils financiers dont se sont dotés les BRICS les résultats sont négligeables et aucune avancée sérieuse n’est annoncée dans la déclaration finale.

Rappelons que Lula, président du Brésil, lors du sommet précédent tenu en Afrique du Sud en août 2023 avait déclaré que les BRICS avaient

« approuvé la création d’un groupe de travail chargé d’étudier l’adoption d’une monnaie de référence pour les BRICS. Cela augmentera nos options de paiement et réduira nos vulnérabilités. »3

Peu après, Paulo Nogueira Batista, déjà cité, avait déclaré dans une rencontre en Russie :

« Nous avons la chance que la Russie préside les BRICS en 2024 et le Brésil en 2025 - précisément les deux pays qui semblent les plus intéressés par la création d’une monnaie commune ou de référence. Si tout se passe bien, les BRICS pourraient prendre la décision de créer une monnaie lors du sommet en Russie l’année prochaine »4 .

Rien de tel ne s’est produit. Dans la déclaration finale du 16e sommet des BRICS rendue publique le 23 octobre 2024, il n’y a aucune référence à la création d’une monnaie commune. Il s’agit donc d’un important pas en arrière. Or beaucoup de partisans des BRICS avaient annoncé en 2023 après que la rencontre des BRICS en Afrique du Sud qu’on était à la veille de la création de cette monnaie. La montagne a accouché d’une souri et le court point 67 en donne la mesure :

« 67. Nous chargeons nos ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales, selon le cas, de poursuivre l’examen de la question des monnaies locales, des instruments de paiement et des plateformes et de nous faire rapport d’ici la prochaine présidence. »

Pas un mot sur une monnaie commune.

Le Fonds monétaire des BRICS est au point mort

Sur un autre point, le bilan est carrément négatif, il s’agit du fonds de réserve en devises que les BRICS avaient décidé de créer en 2015, il y a près de 10 ans. L’acronyme de ce fonds est le CRA (Contingent Reserve Arrangement ). Il devait permettre à des pays membres des BRICS confrontés à un problème de manque de devises pour assurer leurs paiements internationaux de pouvoir puiser dans ce fonds (emprunter à ce fonds) les devises qui leur manquait. Cet instrument est important en particulier pour l’Afrique du Sud, le pays le plus faible des BRICS car celui-ci a fait face ces dernières années à un manque de devises. Ce problème concerne aussi une quantité importante de pays qui ont adhéré aux BRICS ou sont candidats pour en faire partie. On peut citer comme exemples l’Éthiopie, l’Égypte, l’Iran.

Or depuis que le Fonds a été créé sur papier en 2015 rien n’a avancé. Aucun crédit n’a été octroyé.

Ce Fonds devait remplir la fonction que joue le FMI quand un de ses membres fait face à un manque de réserves de change pour effectuer des paiements. Cela devait permettre aux pays membres des BRICS d’échapper aux conditionnalités imposées par le FMI.

Or, ce fonds bien que créé sur papier, n’est pas entré en activité et le sommet des BRICS qui vient de se conclure accouche d’une déclaration on ne peut plus timide :

68. Nous reconnaissons que l’accord sur les réserves contingentes (càd le fonds de réserve appelé CRA, note d’Éric Toussaint) des BRICS est un mécanisme important pour prévenir les pressions à court terme sur la balance des paiements et renforcer la stabilité financière. Nous exprimons notre soutien résolu à l’amélioration du mécanisme du CRA en envisageant d’autres monnaies éligibles et nous nous félicitons de la finalisation des modifications apportées aux documents relatifs au CRA. Nous saluons l’achèvement réussi du 7e test du CRA et la cinquième édition du Bulletin économique des BRICS sous le titre « BRICS Economies in a Higher-rate Environment » (Les économies des BRICS dans un environnement de taux plus élevés).

Se féliciter de l’édition d’un bulletin d’analyse et de la réalisation d’un 7e test, c’est reconnaître qu’après 9 ans le fonds de réserve (CRA) n’existe qu’à l’état de projet et n’a effectué aucune opération.

Paulo Nogueira déclarait à propos du CRA en octobre 2023 :

« Les deux mécanismes de financement existants des BRICS ont été créés à la mi-2015, il y a plus de huit ans. Permettez-moi de vous assurer que lorsque nous avons commencé avec le CRA et la Nouvelle banque de développement, il existait une inquiétude considérable quant à ce que les BRICS faisaient dans ce domaine à Washington, au FMI et à la Banque mondiale. Je peux en témoigner car j’y ai vécu à l’époque, en tant qu’administrateur pour le Brésil et d’autres pays au sein du conseil d’administration du FMI.

Au fil du temps, cependant, les gens à Washington se sont détendus, sentant peut-être que nous n’allions nulle part avec le CRA (= le Fonds monétaire commun des BRICS) et la Nouvelle Banque de Développement. » (même source que les citations précédentes)

Pour en savoir plus sur les BRICS : Éric Toussaint, Les BRICS et leur Nouvelle banque de développement offrent-ils des alternatives à la Banque mondiale, au FMI et aux politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles ?, publié le 18 avril 2024,

Selon les BRICS, le libre-échange est le leitmotiv de l’activité agricole. Pas un mot sur la souveraineté alimentaire, sur l’agriculture biologique

73. Nous convenons que la résilience des chaînes d’approvisionnement et le libre-échange dans l’agriculture, parallèlement à la production intérieure, sont essentiels pour garantir la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance, en particulier pour les agriculteurs à faible revenu ou disposant de ressources limitées, ainsi que pour les pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires. »

L’expérience a montré que le libre échange est une arme des grandes puissances et des grandes entreprises privées de l’agro business contre les paysans.

Les BRICS font la promotion des Zones économiques spéciales, paradis des entreprises capitalistes et souvent un espace de non droit pour les travailleurs-ses

« 74. Nous reconnaissons l’efficacité des zones économiques spéciales (ZES) des pays du BRICS en tant que mécanisme bien établi pour la coopération commerciale et industrielle et la facilitation de la fabrication (…) Nous nous félicitons de la création d’un forum de coopération sur les zones économiques spéciales des pays du BRICS. »

Rejet des mesures protectionnistes pour protéger l’environnement

« 83. Nous rejetons les mesures protectionnistes unilatérales, punitives et discriminatoires, qui ne sont pas conformes au droit international, sous prétexte de préoccupations environnementales, telles que les mécanismes unilatéraux et discriminatoires d’ajustement carbone aux frontières, les exigences de diligence raisonnable, les taxes et autres mesures, et nous réaffirmons notre soutien total à l’appel lancé lors de la COP28 pour éviter les mesures commerciales unilatérales fondées sur le climat ou l’environnement. Nous nous opposons également aux mesures protectionnistes unilatérales qui perturbent délibérément les chaînes d’approvisionnement et de production mondiales et faussent la concurrence. »

Il est vrai que des grandes puissances traditionnelles en perte de vitesse comme l’UE et les USA prennent prétexte de motivations environnementales pour cacher leur volonté de protéger les intérêts des grands actionnaires des entreprises en perte de vitesse mais cela ne signifie pas que nous devons être contre toutes les mesures protectionnistes qui défendraient réellement l’environnement et permettrait la promotion des droits des travailleurs tant au Sud qu’au Nord de la planète.

Les BRICS ont un discours sur les femmes tout à fait compatible avec celui adopté par les puissances impérialistes traditionnelles, par la Banque mondiale, par la presse dominante et le monde des affaires

« 130. Nous reconnaissons le rôle essentiel des femmes dans le développement politique, social et économique. Nous soulignons l’importance de l’autonomisation des femmes et de leur pleine participation, sur la base de l’égalité, à toutes les sphères de la société, y compris leur participation active aux processus de prise de décision, y compris aux postes à responsabilité, qui sont fondamentales pour la réalisation de l’égalité, du développement et de la paix. Nous reconnaissons que l’entrepreneuriat inclusif et l’accès des femmes au financement faciliteraient leur participation aux entreprises, à l’innovation et à l’économie numérique. À cet égard, nous nous félicitons des résultats de la réunion ministérielle sur les affaires féminines et du forum des femmes des BRICS qui se sont tenus en septembre à Saint-Pétersbourg sur le thème « Les femmes, la gouvernance et le leadership » et nous reconnaissons la précieuse contribution de ces réunions annuelles au développement et à la consolidation de l’autonomisation des femmes dans les trois piliers de la coopération des BRICS.

131. Nous apprécions les efforts déployés par l’Alliance des femmes d’affaires des BRICS pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin, notamment le lancement de la plateforme numérique commune de l’Alliance des femmes d’affaires des BRICS, la tenue du premier forum des femmes d’affaires des BRICS à Moscou les 3 et 4 juin 2024 et le premier concours de startups féminines des BRICS. Nous sommes favorables à la poursuite du renforcement de la coopération entre la BRICS Women’s Business Alliance et les femmes entrepreneurs du Sud, y compris la mise en place de bureaux régionaux, le cas échéant.

Pour en savoir plus sur la question du genre : Camille Bruneau : La farce de la « prise en compte du genre » : une grille de lecture féministe des politiques de la Banque mondiale, publié le 25 septembre 2024,

Les BRICS ne sont pas une alternative pour les peuples face aux puissances impérialistes traditionnelles. Les positions des BRICS s’inscrivent à merveille dans le système capitaliste néolibéral global, ils ne font rien ou presque pour s’en détacher et souscrivent aux fausses solutions du capitalisme vert. Malgré leur dénonciation des crimes commis par Israël contre les peuples palestiniens et libanais, ils ne daignent pas rompre leurs liens commerciaux avec la puissance sioniste.

Publié par le CADTM le 26 octobre 2024

1. Paulo Nogueira Batista , “BRICS Financial and Monetary Initiatives – the New Development Bank, the Contingent Reserve Arrangement, and a Possible New Currency”, 3 October 2023, valdaiclub.com/a/highlights/brics-financial-and-monetary-initiatives/ consulté le 25 octobre 2024.

2. Paulo Nogueira Batista , “BRICS Financial and Monetary Initiatives – the New Development Bank, the Contingent Reserve Arrangement, and a Possible New Currency”, 3 October 2023, valdaiclub.com/a/highlights/brics-financial-and-monetary-initiatives/ consulté le 25 octobre 2024.

3. Lula “aprovado a criação de um grupo de trabalho para estudar a adoção de uma moeda de referência dos Brics. Isso aumentará nossas opções de pagamento e reduzirá nossas vulnerabilidades » Folha de Paulo, « Moeda do Brics ; tema ganha tratamento tímido em cúpula » - 25/08/2023 - www1.folha.uol.com.br/mercado/2023/08/india-resiste-a-moeda-do-brics-e-tema-ganha-tratamento-timido-em-cupula.shtml. CNN, « Brics criam grupo de trabalho para avaliar moeda comum » www.youtube.com/watch?v=keUdkW-s5M4

4. Paulo Nogueira Batista , “BRICS Financial and Monetary Initiatives – the New Development Bank, the Contingent Reserve Arrangement, and a Possible New Currency”, 3 October 2023, valdaiclub.com/a/highlights/brics-financial-and-monetary-initiatives/ consulté le 25 octobre 2024.

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