La réalité de l’immigration dans le monde d’aujourd’hui
« Les migrations constituent un phénomène propre aux sociétés humaines, mais qui ont pris des formes différentes à différentes périodes de l’histoire. À l’heure où les conflits se multiplient, où les inégalités et l’exclusion sociale atteignent des sommets et où l’environnement se dégrade à grande vitesse, il est totalement illusoire d’imaginer que les flux migratoires baissent ou diminuent. » [1]. Ces situations du sud global sont les résultats et les conséquences d’une politique de pillage.
La situation internationale actuelle provoque le déplacement de populations où se concentrent les conflits (Asie, Afrique et Proche-Orient) et où la misère est le lot d’une bonne partie de la population (Amérique centrale et du Sud). Si ce sont les pays du Sud qui accueillent une bonne partie des migrant-es, l’Europe et l’Amérique du Nord reçoivent une bonne partie des populations qui se déplacent.
La montée des migrations s’explique par le fait que des personnes ne trouvent pas la possibilité de vivre dignement là où elles se trouvent. Si on ajoute aux causes économiques et sociales les conséquences de la crise climatique sur les déplacements des sociétés humaines, l’attitude la moins réaliste est celle du refus de se préparer et de planifier les déplacements de population qui s’annoncent.
Une politique de l’immigration choisie pour les besoins du capital
La réponse des dirigeant-es des pays du Nord a été de limiter l’immigration à celle choisissant de répondre aux besoins économiques des entreprises et à l’accueil parcimonieux des demandeur-euses d’asile d’une part et de transformer leurs pays en véritables forteresses contre les immigrant-es qui ne correspondent pas aux normes satisfaisant aux besoins du capital. Les dirigeant-es politiques de ces pays ont cherché à couvrir ces politiques antihumanistes par une démagogie relevant de la xénophobie et du racisme.
La politique migratoire de la CAQ s’est toujours inscrite dans des orientations néolibérales
La politique migratoire de la CAQ vise non seulement à un arrimage serré de l’immigration avec le marché du travail, mais surtout à répondre de plus en plus étroitement aux besoins des entreprises. Elle a visé à favoriser l’immigration en région, ce qui a plus ou moins fonctionné car 85% des immigrant-es s’établissent dans la grande région de Montréal.
Si les demandeur-euses d’asile ne sont pas sous leur responsabilité, le gouvernement de la CAQ trouve que le Québec reçoit trop de ces réfugié-es par rapport aux autres provinces et souhaite un rééquilibrage à ce niveau. Mais il souhaite également que le gouvernement fédéral établisse des critères plus restrictifs pour diminuer l’accueil de réfugié-es. Le gouvernement Legault veut diminuer le nombre de réfugié-es que reçoit le Québec.
Il souhaite faire de la connaissance du français une condition de l’acceptation de personnes demandant l’immigration permanente. Mais il souhaite aussi maintenant que cette exigence touche également les travailleurs et travailleuses temporaires.
Le gouvernement de la CAQ a toujours utilisé la crainte de l’immigration pour se créer une rente électorale
Aux élections de 2018, la CAQ à proposé de réduire les seuils d’immigration (permanente) à 40 000 personnes par année. Ce parti a défendu qu’il fallait augmenter la part de l’immigration économique choisie aux dépens du regroupement familial et de l’immigration des demandeur-euses d’asile. Pour s’assurer de la réalisation de ces objectifs et faire la preuve de son nationalisme, il a demandé le transfert de tous les pouvoirs en immigration dans les mains du gouvernement du Québec.
Aujourd’hui, il reprend la même chanson. Alors qu’il est responsable d’une bonne partie de la politique migratoire et de la situation des personnes migrantes, il veut faire du gouvernement fédéral le responsable de la montée de l’immigration des travailleurs et travailleuses temporaires, alors qu’il a été lui-même le principal responsable de cette politique qui visait à répondre aux besoins de certains secteurs de l’économie. C’est son gouvernement qui a laissé se développer une immigration de travailleurs et de travailleuses temporaires dont les droits et la protection sociale ne sont pas au rendez-vous dans les secteurs des travaux agricoles, dans l’hôtellerie, la restauration, la transformation alimentaire, la construction et le commerce de détail. Cette politique a assigné ces travailleurs et travailleuses migrantes à un segment surexploité et précarisé du marché du travail [2]
Ces travailleurs-euses temporaires sont l’objet d’une exploitation éhontée. Ils vivent des conditions de travail difficile. Ils sont souvent liés par leur permis de travail à un patron particulier qui peut jouer de leur statut pour les menacer de les retourner dans leur pays d’origine. Leur statut ne leur permet pas d’aspirer à une résidence permanente et ils sont privés de droits fondamentaux. Comme personnes souvent racisées, ils et elles subissent des discriminations raciales.
Legault place la responsabilité des problèmes de la société québécoise sur les dos des personnes migrantes
« Quand on n’est plus capable de loger des familles, quand on n’est plus capable de scolariser des enfants, quand on n’est plus capable d’avoir accès à des services de santé, qu’on n’est plus capable de freiner le déclin du français, on est dans une situation d’urgence », a dit M. Legault. [3]
Ce sont des propos irresponsables. Le premier ministre Legault fait un lien entre l’immigration et à peu près tous les dossiers imaginables comme l’affirmait la députée de Québec solidaire, Christine Labrie. Le trop grand nombre d’immigrant-es serait responsable de la crise du logement, de la pénurie d’enseignant-es, des difficultés d’accès aux services de santé ou de garderies. Même le développement de l’itinérance aurait pour cause le nombre de personnes migrantes en territoire québécois. Et sans doute que le nombre de personnes migrantes serait aussi la cause du déclin du français. Ce sont là des propos démagogiques qui simplifient la réalité des problèmes, rend plus difficile d’identifier les sources véritables des problèmes et bloque les voies de leur dépassement.
Cette démagogie contre les personnes migrantes les plus précaires, permet au premier ministre d’escamoter les problèmes véritables comme la concentration de la richesse, le sous-investissement en santé et en éducation, une offre de logements qui ne répond pas aux besoins de la population, l’inflation liée à la volonté des monopoles de faire le maximum de profits en haussant les prix, le refus des plus riches de payer leur juste part, l’urgence de se mobiliser contre la crise climatique, etc.
Les discours des partis d’opposition
Le PLQ n’a qu’une préoccupation. Défendre une politique d’immigration choisie pour répondre aux besoins du patronat. Pour ce qui est de l’élargissement des droits des demandeurs-euses d’asile ou de l’amélioration des conditions de travail de travailleurs et travailleuses temporaires, cela n’entre pas dans le cadre de ses réflexions. Ce parti ne se préoccupe pas de la régularisation des sans-papiers. Car l’existence de ces derniers permet d’offrir au patronat une main-d’œuvre sans droits.
Le chef du PQ, Paul St-Pierre Plamondon avait tenu à plusieurs reprises des propos faisant des personnes migrantes les causes des problèmes de la société québécoise.
Aux dernières élections québécoises, il s’était montré le plus résolu sur la limitation des seuils pour l’immigration permanente à 35 000 personnes par année.
Durant la dernière campagne électorale, Québec solidaire n’a malheureusement pas rompu avec une vision utilitariste et nationaliste d’une politique migratoire. Il a proposé essentiellement de mettre en place une série de mesures pour favoriser l’installation des personnes migrantes en région. On aurait pu s’attendre à une critique de l’ensemble de la politique du gouvernement Legault en immigration et à une rupture avec la logique utilitariste brimant les droits des personnes migrantes, mais tel n’a pas été le cas. Il a joué le jeu de la nécessité d’un quota. Le moins que l’on puisse dire, c’est que QS s’est positionné en deçà des revendications de nombre d’organisations communautaires et syndicales et n’a pas rompu avec la logique des seuils.
En janvier dernier, Québec solidaire rentrait dans le jeu de stigmatiser le trop grand nombre d’immigrant-es. 528 000 immigrants temporaires c’est trop, a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois [4] Dénoncer les conditions de vie et de travail qui leur sont faites est une chose, mais viser leur nombre sans préciser le chemin de leur régularisation en est une autre. À ce niveau également, des débats sérieux devront être menés dans Québec solidaire.
Donner une réponse humaniste aux migrations
Les migrations vont se faire. Les politiques migratoires ne peuvent se résumer à des politiques basées sur l’immigration choisie. Mais il faut éviter les migrations clandestines qui feront qu’une partie significative de la population se retrouverait sans papiers et sans droits, à la merci des décisions arbitraires des autorités et des patrons.
Pour éviter cela, il faut ouvrir les frontières et réguler l’immigration à partir de constats précis : la migration est une richesse et le contrôle des frontières est inefficace et contre-productif. L’ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et des principes qui affirment que les immigrant-es sont une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain. Ces personnes sont un apport au niveau économique, social et culturel, car elles sont porteuses d’une diversité qui enrichit la société qui les accueille.
En somme, il faut défendre l’égalité des droits : droit de s’installer durablement, de travailler, de recevoir un salaire égal pour un travail égal, d’acquérir la nationalité et de voter.
Adopter une telle attitude, c’est faire primer les droits de la personne sur les besoins du capital et dépasser une immigration conforme aux seuls intérêts des grandes entreprises. Agir ainsi, c’est empêcher que se développe une population d’étranger-ères de l’intérieur avec toutes les paniques identitaires qui s’y rattachent. Face aux crises qui taraudent la planète et qui provoqueront une accélération des migrations, il faut prendre le problème à bras le corps et le faire dans une perspective radicalement humaine.
Des revendications concrètes pour opérationnaliser ces orientations :
Toute une série de revendications a été avancée par les organisations syndicales, populaires et antiracistes. Nous n’en mentionnons ici que quelques-unes. Elles indiquent la voie des luttes concrètes qu’il faut mener pour que la liberté de circulation et d’installation puisse se concrétiser. Il faut :
• arrêter les expulsions et les emprisonnements des immigrant-es
• régulariser les sans-papiers pour éviter de bâtir des couches surexploitées de personnes sans droits à l’intérieur du Québec
• mettre fin aux permis de travail fermés
• adopter des mesures facilitant l’accès à la résidence permanente
• élargir l’accueil de réfugié-es et la réunification familiale.
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