Le Président Biden qui se dit progressiste est plutôt un politicien de centre droit. Par son rejet du « Green New Deal », avancé par Alexandria Ocasio-Cortez, Biden a démontré qu’il parle souvent des deux côtés de la bouche en même temps. Dans une publicité marquant le premier anniversaire de l’inauguration et mettant en vedette Tom Hanks, les États-Unis sous la Présidence de Joe Biden sont présentés comme le plus grand peuple du monde n’ayant peur de rien et ayant l’économie numéro 1 au monde (c’est plutôt la Chine qui a l’hégémonie économique et commercial). Il s’agit d’un narratif nationaliste qui a la prétention de refléter la réalité mais qui marque plutôt une volonté de rehausser la popularité de Biden. Le but est de favoriser une victoire pour le Parti démocrate en mi-mandat tout en préparant une éventuelle guerre contre la Russie (le conflit en Ukraine) ou la Chine, le véritable rival des États-Unis.
Dans certains des blogues précédents, nous avons examiné comment le Parti démocrate et Biden avaient commencé à cibler des représentants qui se définissaient comme des socialistes démocratiques ainsi que leur alliés progressistes pour les isoler devant l’électorat démocrate en les accusant de mener une lutte contre le plan législatif du Président Biden. Déjà au début du mandat de Biden, l’establishment démocrate, particulièrement Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre des représentants, avait signalé qu’Alexandria Ocasio-Cortez et le « Squad » ne pouvaient pas se définir comme socialistes puisque le socialisme n’avait jamais existé aux États-Unis. Cette stratégie de Mme Pelosi consistait à jumeler l’idée du socialisme avec le communisme venant de Chine et l’ère de la Guerre froide soviétique.
Tout récemment, le chroniqueur du New York Times, Thomas Friedman, surtout connu pour ces chroniques sur la politique étrangère, s’est mis de la partie dans ces attaques des élus socialistes et progressistes en les sermonnant sur le fait que la politique américaine s’est toujours trouvée au centre, pas dans l’extrémisme de gauche, ni dans l’extrémisme de droite. Ainsi Friedman a tenté de démontrer l’existence d’un lien politique et idéologique entre l’extrémisme de gauche qui serait visible dans les manifestations dans la rue et les événements du 6 janvier 2022 orchestré par l’extrême droite fasciste au Capitole de Washington.
L’extrémisme de gauche ou de droite serait donc similaire selon Friedman et la démocratie américaine aurait toujours pratiqué un centralisme libéral ouvert à tous et à toutes. Le rêve américain quoi. Dans la même chronique, Friedman termine en avançant la possibilité que le centralisme pourrait défendre et sauver la soi-disant démocratie américaine en proposant l’équipe Joe Biden et Lyne Cheney (la fille de Dick Cheney) considérée comme une conservatrice centriste pour l’élection présidentielle de 2024. Par la plume de Thomas Friedman, nous avons la démonstration que les démocrates, aussi manipulateurs que les républicains, se sont toujours servis des Afro-américains (es) comme boucs émissaires quand ils avaient besoin de ceux-ci pour gagner leurs élections. Le cas de Mme Harris est assez éloquent.
Depuis un mois, nous voyons aussi apparaitre plusieurs articles dans le New York Times, le Washington Post et le Los Angles Times ayant comme objectif de calquer le populisme d‘extrême droite et les néo-fascistes sur le populisme de gauche afin de démontrer que les deux extrémismes sont pareils. Ces médias capitalistes font des accusations aux uns et aux autres car selon eux, ces deux extrémismes mettent la grande démocratie américaine en péril dans un avenir rapproché. Toujours selon ces médias capitalistes, il pourrait même y avoir un coup d’État organisé par la gauche qui serait similaire au coup d’État autrefois orchestré par Lénine et les Bolcheviks en Russie.
Si nous analysons de très près les discours de Biden sur la démocratie, nous pouvons y déceler des références à cette idée de possible coup d’État de la gauche aux États-Unis. Biden, pour montrer qu’il est un vrai Américain, utilise d’une part un ton belliqueux envers la Russie et d’autre part s’affirme comme le réel rassembleur des vrais Américains adhérant à la vraie démocratie libérale et s’opposant à toute forme d’extrémisme. Son discours sur la démocratie est fondamentalement nationaliste et dans les faits proche de celui de Donald Trump.
Toutes ces offensives depuis quelques mois ont eu des effets néfastes sur le mouvement de la gauche socialiste américaine et particulièrement sur les Democratic Socialists of America (DSA) ainsi que sur les élus que cette organisation a soutenus en 2016, 2018, et 2020. On sent que les DSA sont divisés au sujet de la manière de répondre aux attaques qui sont les conséquences de la lutte des classes et du retour du socialisme comme solution au capitalisme américain. Ceci a soulevé une série de discussions dans plusieurs revues de la gauche américaine, comme Jacobin, Viewpoint, Counterpunch ainsi que dans certaines revues progressistes comme The Nation, The Progressive et Mother Jones.
Certaines interventions postulent que la gauche socialiste s’est développée trop vite et a mis peu de temps pour se consolider. D’autres admettent que la gauche socialiste n’a pas tenu compte que tout progrès dans la lutte s’accompagne aussi d’une contre-attaque réactionnaire et que ceci est tout à fait normal quand nous entreprenons la lutte des classes. Par contre, certains autres font valoir que le travail au sein du Parti démocrate doit continuer avec vigueur afin de le transformer en Parti social-démocrate. Dans les faits, cette dernière tendance constitue un recul et, dans une certaine mesure, une volonté d’abandonner l’utilisation du mot socialiste parce que cela permettrait de faire avancer les idées dites progressistes et de réfuter les reproches des réactionnaires.
En somme, nous voyons que la lutte des classes fait son apparition au sein même de ces groupes socialistes. Mais la division politique va plus loin et on voit aussi une scission sur le plan idéologique. Un cas assez frappant est celui de Jamaal Bowmen, un élu à la Chambre des représentants (intégré dans le « Squad » d’Alexandria Ocasio-Cortez). Soutenu par les DSA, dans ses discours électoraux, Bownen s’avouait socialiste. Mais c’était avant une visite en Israël où il a ouvertement dit qu’il soutenait Israël dans la construction de sa nation indépendante. Bowmen a aussi dit sans ambages, lors d’une entrevue accordée à un journal israélien, qu’il était contre le mouvement BDS ciblant Israël. Ceci a créé une crise au sein de la coalition des progressistes et socialistes dans le Parti démocrate et certains textes ont circulé réclamant que Bowmen quitte la coalition et soit dénoncé par les DSA.
Tous ces affrontements mettant en cause la gauche socialiste américaine vont continuer. Les élus et la population sont entrés dans la période électorale du mi-mandat qui va se poursuivre jusqu’aux élections au début de novembre. Primaires, débats, confrontations, accusations, tout va y passer. La lutte des classes est un chemin sinueux.
Lotta Continua
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