Sanctionnée en février, la nouvelle mouture de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel introduit de nouvelles catégories d’aires protégées, dont l’aire protégée d’utilisation durable. En parlant de cette nouvelle catégorie, le ministre Dufour a affirmé : « C’est cette catégorie d’aires qu’on aimerait pour faire des aires protégées au sud ». Pour Nature Québec, cette affirmation de la part du ministre Dufour traduit le manque flagrant de compréhension des dirigeants du ministère des Forêts en matière de conservation de la biodiversité et de catégories d’aires protégées.
« Ce nouveau statut est un outil de conservation supplémentaire et une opportunité de bâtir un réseau d’aires protégées basé sur la complémentarité entre les aires protégées strictes et celles d’utilisation durable. Ce statut doit servir à établir, par exemple, des zones tampons ou permettre une restauration écologique active. En aucun cas cet outil ne doit être utilisé pour empêcher ou freiner la création d’aires protégées strictes représentatives des forêts naturelles du sud du Québec », explique Louis Bélanger, professeur retraité de la Faculté de Foresterie de l’Université Laval et coresponsable de la commission Forêt de Nature Québec.
Le ministre Dufour a aussi reconnu que son ministère a bloqué la création
d’aires protégées dans le sud du Québec en vue de l’atteinte de la cible de
protection de 17% du territoire. Le ministère des Forêts a bloqué ces aires
protégées avec un seul objectif en tête : aucune perte de possibilité forestière. « La possibilité forestière a atteint le niveau de dogme au “ministère de l’Industrie forestière”, alors que toutes les autres utilisations de la forêt qui pourraient entraîner la perte ne serait-ce que d’un mètre cube de bois sont systématiquement bloquées. Le ministre Dufour cherche maintenant à dénaturer la nouvelle Loi sur la conservation du patrimoine naturel et la catégorie d’aire protégée d’utilisation durable pour qu’elles cadrent avec sondogme d’aucune perte de possibilité forestière », dénonce Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec.
Nature Québec rappelle que le statut d’aire protégée d’utilisation durable ne peut être appliqué à l’ensemble du sud du Québec et qu’il ne peut en aucun cas remplacer les projets d’aires protégées strictes demandées par des dizaines de communautés locales. Des territoires différents présentant des conditions socioécologiques et des besoins en protection de la nature différents doivent avoir des statuts d’aires protégées différents. Par exemple, l’aire protégée d’utilisation durable pourrait être utilisée sur l’île d’Anticosti afin de protéger la zone périphérique du futur site du patrimoine mondial de
l’UNESCO et de répondre à une volonté locale de protection du territoire
forestier des grandes pourvoiries. « Le statut d’aire protégée d’utilisation
durable pourrait être utilisé sur Anticosti parce qu’une foresterie de restauration de la biodiversité permettrait de ramener des conditions d’intégrité écologique sur l’île. Ce statut représente une opportunité d’assurer un contrepouvoir du ministère de l’Environnement dans la planification forestière gérée par le ministère des Forêts, ainsi qu’une révision de certaines pratiques d’aménagements forestiers, tout cela au bénéfice de la biodiversité », explique M. Bélanger.
« Il est frustrant de voir des années d’efforts de la part du monde de la
conservation afin de trouver des solutions innovantes pour mieux protéger la nature être détournées grossièrement par le ministre des Forêts pour favoriser une seule industrie. Nous demandons au ministre Dufour de faire ses devoirs et de lire attentivement la nouvelle Loi sur la conservation du patrimoine naturel avant de dire n’importe quoi », conclut Mme Simard.
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