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Quand c’est trop beau, il faut se méfier de l’arnaque ! Lorsqu’un regroupement de maires du cœur de l’Alberta, l’Industrial Hearthland Hydrogen Task Force, propose une économie basée sur l’hydrogène, il faut examiner cette proposition à la loupe.[1] Il est vrai que les « fuel cells » ou piles à combustible sont une source d’énergie fantastique lorsqu’elles sont installées à bord d’une navette spatiale. Mais sur terre, est-ce une bonne idée de les utiliser comme source d’énergie dans une voiture ou dans un camion ?
Même si les profs de chimie vous disent que l’hydrogène est un gaz inodore, incolore et sans saveur, il faut se méfier de la « couleur » de l’hydrogène, c’est-à-dire la façon de produire ce gaz qui est presque toujours en combinaison avec d’autres éléments.[2] Par exemple, la formule chimique de l’eau est H2O alors que celle du méthane est CH4. Séparer ces éléments pour obtenir de l’hydrogène pur (H2) est un processus énergivore.
Sur le plan technique, il y a plusieurs façons d’extraire l’hydrogène. La plus propre est par électrolyse de l’eau : on « casse » la molécule d’eau avec un courant électrique. Si l’électricité utilisée est d’origine renouvelable, on parle alors d’hydrogène « vert ». On peut utiliser cet hydrogène comme carburant d’automobile. Cependant, Daniel Breton, expert de l’électrification des transports, nous rappelle qu’avec la quantité d’énergie nécessaire pour faire avancer une voiture à hydrogène via l’électrolyse, on peut faire avancer trois voitures électriques, d’où sa conclusion : « La voiture électrique est donc trois fois plus efficace que la voiture à hydrogène. ».[3]
Mais la méthode la plus courante pour produire de l’hydrogène (95 % de la production mondiale) consiste à l’extraire du méthane, du pétrole, parfois du charbon.[4] Et c’est là que le bât blesse ! Il faut d’abord produire du gaz naturel par fracturation hydraulique ou du pétrole à partir des sables bitumineux. En plus de la pollution, le TRE (taux de retour énergétique, en anglais EROI = energy return on energy invested) des sables bitumineux tourne autour d’un misérable 4 pour 1.[5] En d’autres mots, il faut dépenser l’énergie d’un baril de pétrole pour en produire 4 ! Ensuite pour extraire l’hydrogène de ce bitume, il faut utiliser encore beaucoup d’énergie. Pour produire cet hydrogène « gris », on se rapproche dangereusement d’un TRE de 1. Dans ce cas, où est le gain sur le plan énergétique ? En argot québécois on dirait que « c’est changer 4 trente sous pour une piastre » !
Ah ! J’oubliais. Ce procédé énergivore produit beaucoup de carbone. Si on libère ce carbone dans l’air, cela va accélérer les changements climatiques. Donc, on doit l’enfouir sous terre avec tous les coûts économiques et énergétiques que cela comporte. Comme le souligne Bruno Detuncq, professeur à la retraite de l’École Polytechnique de Montréal, « Si l’Alberta arrive à produire 10 millions de tonnes d’hydrogène, il faudra enfouir environ 100 millions de tonnes de CO2 par année. »[4]
La machine à relations publiques s’enclenche pour faire la promotion de l’hydrogène comme moyen de relancer l’économie en cette période post-Covid de façon supposément carboneutre. Il est ironique que certains, comme Doug Ford de l’Ontario, cherchent à démolir les éoliennes, mais veulent se tourner vers l’hydrogène.[6] N’oublions pas que l’hydrogène « gris », parfois « noir », est un leurre dont l’objectif est de sauver l’industrie des hydrocarbures. Serons-nous assez « poissons » pour mordre à l’hameçon ?
Gérard Montpetit
le 2 décembre 2020
3] https://www.guideautoweb.com/galeries/51130/voitures-l-hydrogene-a-perdu-la-partie/
4] https://www.rvhq.ca/lhydrogene-au-canada-un-nouveau-mythe-en-couleur/
5] http://energyskeptic.com/2016/tar-sand-eroi-2013-poisson-and-hall/
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