En 2012, à la suite d’un jugement de la Cour supérieure, le gouvernement Charest avait dû adopter en toute vitesse une loi permettant au Québec d’exiger d’être compensé pour la destruction de milieux humides et hydriques. Cette loi devait devenir inopérante en avril 2015, alors que des mesures permanentes de protection seraient adoptées pour la remplacer. Une loi adoptée en mai 2015 a permis au gouvernement de reporter une première fois la date d’échéance de l’adoption de ces mesures permanentes. Le ministre Heurtel avait alors mis la faute de ce report sur le précédent gouvernement péquiste.
Or, deux ans plus tard, le gouvernement libéral repousse encore une fois cette date d’échéance jusqu’au 1er mars 2018, expliquant dans un communiqué que ce report doit permettre de prendre connaissance du futur projet de loi sur les milieux humides et hydriques « dans un climat de sérénité ».
Le gouvernement a mentionné lors de l’annonce de ce report que le projet de loi qui se fait tant attendre par les groupes environnementaux sera déposé « incessamment ». « Ça fait 5 ans que ce projet de loi doit être adopté. Le gouvernement semble passer plus de temps depuis 2012 à blâmer tous et chacun pour ce report plutôt que d’assumer ses responsabilités. Pendant ce temps-là, les milieux humides continuent de disparaître à vue d’œil, » dénonce Alice-Anne Simard, directrice générale de la Coalition Eau Secours !
Il est estimé que de 40 à 80% des milieux humides ont disparu au Québec depuis la colonisation, une proportion qui atteindrait 85% dans la grande région de Montréal. « Uniquement entre 1990 et 2011, 20% des milieux humides québécois ont été détruits, ce qui correspond à un rythme approximatif de 1% de destruction par année. Ce rythme est alarmant », s’inquiète Guy Garand, directeur général du Conseil régional de l’environnement de Laval.
Les milieux humides sont des écosystèmes riches en biodiversité et essentiels pour plusieurs centaines d’espèces fauniques et floristiques. Ils accomplissent des services écosystémiques importants, comme la rétention et la filtration de l’eau, la recharge des nappes phréatiques et la séquestration du carbone. « Nous sommes impatients de voir ce projet de loi se concrétiser et enfin permettre à la société québécoise de travailler à reconstruire et protéger les nombreux services écologiques que les milieux humides et hydriques lui fournissent », ajoute Marilou Bourdages, coordinatrice du Réseau de milieux naturels protégés.
Plusieurs acteurs de la société civile attendent ce projet de loi avec impatience. Selon Prunelle Thibault-Bédard, avocate spécialisée en droit de l’environnement et administratrice du Centre québécois du droit de l’environnement, « l’absence d’un cadre légal complet sur la protection des milieux humides et hydriques crée un climat d’incertitude juridique qui non seulement menace la protection de ces milieux essentiels, mais empêche les citoyens et les promoteurs de projet de bien comprendre leurs droits et obligations. »
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