Dans les années 1960, de puissantes confrontations ont lieu au Vietnam et en Algérie où le Martiniquais Frantz Fanon interpelle la gauche mondiale, ce qui incite les étudiants et les ouvriers de se remettre en mouvement en Europe et en Amérique du Nord. De la jungle de Bolivie, Che Guevara lance un appel à créer deux ou trois Vietnam. En Afrique, de nouvelles générations militantes sur les traces de Lumumba mettent en place des « zones libérées », comme en Angola et au Mozambique. C’est une véritable « révolution dans la révolution » car de multiples manières, ces mouvements abandonnent le marxisme empoussiéré qu’incarnent les partis communistes. Une nouvelle intellectualité de gauche essaime des révoltes qui atteignent toutes les parties du monde, au « nord » comme au « sud ». En fin de compte, les luttes de libération nationale se trouvent au centre de la lutte internationale.
Dans les années 1970, les Palestiniens organisent une vive résistance contre le projet colonial israélien et ses supporteurs impérialistes. La victoire des révolutions au Vietnam, au Nicaragua, en Angola ouvrent de nouveaux fronts de lutte contre des régimes dictatoriaux au Brésil, en Afrique du Sud, aux Philippines. Le Guinéen Amilcar Cabral exprime la nécessité absolue de « réinventer » la révolution selon des schémas « déterminés et conditionnés par la réalité historique de chaque peuple ». Certes en même temps que se poursuivent ces avancées surviennent de terribles défaites, notamment au Chili. L’impérialisme se réorganise en misant sur des aventures militaires et en se présentant comme le « défenseur des libertés ». De dures confrontations éclatent en Iran et en Afghanistan, au moment où les mouvements de libération nationale sont bousculés par l’agression et l’épineux problème de constituer des pouvoirs aptes à assurer la transformation.
Au tournant du siècle, la période « creuse » s’achève alors que se produit un nouvel élan. Le coup d’envoi est donné au Mexique avec l’insurrection organisée par les communautés autochtones du Chiapas et l’Armée zapatiste de libération nationale. De manière moins spectaculaire se produisent des mouvements populaires d’une nouvelle génération au Brésil, en Argentine, en Bolivie, au Venezuela, et desquels émergent de nouvelles explorations politiques et de nouvelles initiatives internationalistes comme le Forum social mondial, la Marche mondiale des femmes et la Via Campesina. Ces luttes érigent une nouvelle subjectivité des luttes, valorisant la pluriculturalité et la pluriethnicité, imposant la priorité au social, favorisant les expériences horizontales et démocratiques et en mettant de l’avant la capacité des « opprimés des opprimés » de redéfinir la lutte, notamment les femmes et les autochtones.
C’est ce long chemin que parcourt la troisième (et dernière) partie du Détour irlandais, qui donne la parole à des personnalités extraordinaires, connues ou inconnues, qui ont combattu, qui ont créé et qui lèguent aux nouvelles générations un précieux trésor d’expériences.