Édition du 17 décembre 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Le détour irlandais (troisième partie) - L’épopée des mouvements de libération nationale

Au tournant du vingtième siècle, la tempête est en gestation. Des mobilisations anticoloniales d’une ampleur sans précédent ont lieu en Chine, en Afrique et en Amérique latine. Comme le dit le révolutionnaire et poète cubain José Marti (1853-1895), c’est « l’ère des brasiers ». Après la Deuxième Guerre mondiale, de gigantesques victoires changent la face du monde. Un peu partout, des révolutions anti-impérialistes conjuguent deux impératifs : mettre fin à la domination impérialiste et libérer le monde rural par le moyen de la réforme agraire. Ces révolutions anti-impérialistes, explique le général Giap qui dirige la résistance au Vietnam sont « parties intégrantes de la révolution mondiale ». Le capitalisme mondialisé pour sa part, encaisse les coups tout en organisant la contre-révolution, en comptant sur le fait que l’Union soviétique, au lieu d’appuyer les luttes de libération, cherche plutôt des accommodements avec l’impérialisme américain.

Dans les années 1960, de puissantes confrontations ont lieu au Vietnam et en Algérie où le Martiniquais Frantz Fanon interpelle la gauche mondiale, ce qui incite les étudiants et les ouvriers de se remettre en mouvement en Europe et en Amérique du Nord. De la jungle de Bolivie, Che Guevara lance un appel à créer deux ou trois Vietnam. En Afrique, de nouvelles générations militantes sur les traces de Lumumba mettent en place des « zones libérées », comme en Angola et au Mozambique. C’est une véritable « révolution dans la révolution » car de multiples manières, ces mouvements abandonnent le marxisme empoussiéré qu’incarnent les partis communistes. Une nouvelle intellectualité de gauche essaime des révoltes qui atteignent toutes les parties du monde, au « nord » comme au « sud ». En fin de compte, les luttes de libération nationale se trouvent au centre de la lutte internationale.

Dans les années 1970, les Palestiniens organisent une vive résistance contre le projet colonial israélien et ses supporteurs impérialistes. La victoire des révolutions au Vietnam, au Nicaragua, en Angola ouvrent de nouveaux fronts de lutte contre des régimes dictatoriaux au Brésil, en Afrique du Sud, aux Philippines. Le Guinéen Amilcar Cabral exprime la nécessité absolue de « réinventer » la révolution selon des schémas « déterminés et conditionnés par la réalité historique de chaque peuple ». Certes en même temps que se poursuivent ces avancées surviennent de terribles défaites, notamment au Chili. L’impérialisme se réorganise en misant sur des aventures militaires et en se présentant comme le « défenseur des libertés ». De dures confrontations éclatent en Iran et en Afghanistan, au moment où les mouvements de libération nationale sont bousculés par l’agression et l’épineux problème de constituer des pouvoirs aptes à assurer la transformation.

Au tournant du siècle, la période « creuse » s’achève alors que se produit un nouvel élan. Le coup d’envoi est donné au Mexique avec l’insurrection organisée par les communautés autochtones du Chiapas et l’Armée zapatiste de libération nationale. De manière moins spectaculaire se produisent des mouvements populaires d’une nouvelle génération au Brésil, en Argentine, en Bolivie, au Venezuela, et desquels émergent de nouvelles explorations politiques et de nouvelles initiatives internationalistes comme le Forum social mondial, la Marche mondiale des femmes et la Via Campesina. Ces luttes érigent une nouvelle subjectivité des luttes, valorisant la pluriculturalité et la pluriethnicité, imposant la priorité au social, favorisant les expériences horizontales et démocratiques et en mettant de l’avant la capacité des « opprimés des opprimés » de redéfinir la lutte, notamment les femmes et les autochtones.

C’est ce long chemin que parcourt la troisième (et dernière) partie du Détour irlandais, qui donne la parole à des personnalités extraordinaires, connues ou inconnues, qui ont combattu, qui ont créé et qui lèguent aux nouvelles générations un précieux trésor d’expériences.

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