Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Blogues

Le blogue de Pierre Beaudet du 13 août

Le charme discret de la moumounerie

Il faut l’admettre, on a au Québec une bonne tradition de moumounerie. La moumounerie, c’est une manière de contourner le problème. C’est une sorte de hantise de la conflictualité. Comme si au sein de notre nation catholique-canadienne-française-bénie-de-Dieu, on n’avait pas le droit de s’opposer, mais pire encore, de le dire ! La moumounerie, c’est le ni-ni, c’est le « pas trop », c’est le « surtout pas parler fort ». La moumounerie, en fin de compte, c’est un outil de plus pour dire aux dominés, « acceptez l’ordre établi quitte à tenter de le réformer, mais pas trop ».

Pendant des décennies, les champions de la moumounerie ont été les curés et leurs relais dans le système politique et les associations. Au tournant des années 1960, les moumounes se sont relookés dans les médias, les partis de droite et l’intellectualité bien pensante pour bloquer l’essor du syndicalisme, des mouvements sociaux et en général de la gauche. Dans les années 1970, la moumounerie s’est présentée sous la forme du PQ, surtout après ses échecs référendaires. Au lieu de se regarder dans le miroir, les leaders péquistes ont décidé de diluer le projet, notamment la social-démocratie et la souveraineté. Pierre-Marc Johnson et Lucien Bouchard avaient le front de blâmer le peuple en leur faisant la morale : « n’en demandez pas trop, travaillez plus… »

Aujourd’hui, nos moumouneurs sont plus subtils, mais sur l’essentiel, ils disent la même chose. Un de nos meilleurs moumouneurs est Michel Venne, anciennement du Devoir et maintenant PDG de l’Institut du Nouveau Monde (INM). Les mouvements sociaux réclament la fin de la privatisation de la santé et de l’éducation, les étudiantEs bloquent un système pourri, mais dixit Venne, la chose à faire est de « mobiliser les forces vives de la société dont les intérêts sont divergents » (Le Devoir 12 août). L’important, c’est de « dialoguer ». Implicitement, on n’a pas le droit de se révolter. Implicitement, les mobilisations, les confrontations, les polarisations sont à éviter. Il y a 150 ans, il y a 100 ans, il y a 50 ans, il y a 10 ans, les moumouneurs ont toujours dit la même chose aux Patriotes, aux syndicalistes, aux féministes, aux étudiantEs, aux révoltés et aux rebelles, bref, à ceux et celles qui font l’histoire « par en bas », qui forcent les changements, qui permettent à l’humanité de se sortir de la torpeur, de l’inertie, du mensonge et du mépris.

Les moumouneurs actuels sont hésitants. Ils voient bien que le peuple en a marre. Ils sont terrifiés à l’idée qu’une masse critique de gens semble prête à rompre avec leurs institutions pourries et même avec le capitalisme. Alors que faire ? Les moumouneurs vont proposer de continuer le « dialogue » autour des PPP. Ils vont dire que, en ce qui concerne le débat sur l’éducation, il faut remiser cela et discuter de l’augmentation « raisonnable » des frais de scolarité et des frais de garde. Pour l’environnement, on pourra « discuter » de la mise en œuvre « rationnelle » des projets de gaz de schiste, et ainsi de suite. Si jamais Pauline Marois gagne ses élections, on verra probablement Michel Venne animer les prochains états généraux de la moumounerie…


Question nationale ou question « identitaire » ? (10 août)

Gérer la province ? (9 août)

Le PQ : parler des deux coins de la bouche (8 août)

Gilles Duceppe prépare l’après-Marois (7 août)

Sur le même thème : Blogues

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...