Comme à l’habitude, le PQ parlait, par le biais de son programme, des deux côtés de la bouche. Il promettait une politique plus verte tout en souhaitant exploiter le pétrole sur son territoire. Il s’engageait à lancer un vaste chantier, celui de l’électrification des transports mais son orientation aujourd’hui connue marginalise le transport collectif et priorise les véhicules des particuliers. Au lendemain de la tragédie de Lac Mégantic, il promettait davantage de sécurité mais il appuie le passage du pétrole sale de l’Alberta sur le territoire du Québec par oléoducs ou pipelines. Il tergiverse sur le moratoire sur la fracturation hydraulique. Il aura fallu l’intervention de la presse pour que le ministère de l’environnement intervienne à Pointe-Claire dans le dossier d’un site illégal d’entreposage des BPC. Et le dossier de la rivière Chaudière a été, telle la poussière balayée sous le tapis, repoussé au printemps prochain.Le PQ a appuyé récemment le dossier de la cimenterie de Port-Daniel, un projet qui s’annonce comme l’un des plus polluants au Canada. Et on pourrait poursuivre ainsi longtemps. Le bilan écologique du PQ est embarrassant pour celles et ceux qui ont cru dans les intentions du PQ. La présence de quelques individus provenant de la mouvance écologique n’est pas une garantie d’intégrité. Le mouvement l’avait pourtant appuyé. Qu’en sera t-il de la prochaine élection ?
Les groupes écologistes en plein questionnement
L’AQLPA se demande si « le PQ a succombé à la fièvre de l’or noir. » L’AQLPA « présentera d’ailleurs un mémoire dans lequel elle réitère son opposition à la fracturation hydraulique sur le territoire québécois, tant pour le gaz que pour le pétrole de schiste, et particulièrement dans le milieu extrêmement fragile du golfe du Saint-Laurent. » En conséquence, on peut penser que l’AQLPA ne sera pas surpris à l’annonce de la politique péquiste d’exploitation du pétrole. Pourtant en réaction à la publication du budget Marceau, l’organisme parle de « paradoxes et tendances inquiétantes » à propos des mesures pro-pétrole du PQ.
Pourtant, le PQ n’a pas fait de mystère avec sa proposition favorable à l’exploitation du pétrole, y compris lors de la dernière élection. La position de l’AQLPA demeure ambigüe alors que l’analyse de la position du PQ est caractérisée en des phrases comme « Il ne semble ne pas y avoir d’engagement clair pour la réduction des GES ». Le mot « semble » donne suffisamment d’imprécision pour que l’hésitation domine dans l’analyse de la situation. L’AQLPA explique ensuite la position du PQ par sa situation de gouvernement minoritaire « pris entre l’arbre et l’écorce » qui présente des idées intéressantes et des idées à réviser. En vue des prochaines élections, on serait tenté de comprendre la position de l’AQLPA come un appel à élire un PQ majoritaire et à faire pression pour qu’il « revise » ses projets liés aux énergies fossiles. Ce serait faire l’économie d’une analyse sérieuse de la trajectoire péquiste dans le contexte canadien de développement de l’économie extractiviste dans laquelle il s’inscrit.
Pour Greenpeace Canada, « Le budget Marceau 2014-2015 déposé hier expose le désintérêt grandissant du Parti Québécois envers les enjeux environnementaux alors que l’équipe de Pauline Marois s’enfonce de plus en plus dans une vision d’État pétrolier. »
Greenpeace poursuit : « Avec ce budget, Québec tourne même le dos au Président de la Banque Mondiale selon qui nous sommes à un point tournant dans la lutte aux changements climatiques. Selon lui, « nous avons besoin de leaders qui ne pensent pas qu’à des gains à court terme ou des cycles électoraux. Nous avons besoin de leaders qui puissent prendre soin des plus vulnérables de cette génération et des générations à venir. » »
« Il est donc plus clair que jamais : la mobilisation populaire doit augmenter, conclut Greenpeace, si l’on veut que nos dirigeants accordent davantage d’intérêt au bien commun. La multiplication des lobbyistes pétroliers à Québec a vraisemblablement porté ses fruits…il est plus que temps de multiplier les interventions citoyennes de toute sortes pour rappeler nos politiciens à l’ordre ! »
L’attitude de Greenpeace est intéressante car elle souligne clairement que le PQ a franchit le Rubicon et est désormais inféodé au lobby des énergies fossiles. Toutefois, l’analyse du contexte dans lequel s’inscrit cette politique mériterait davantage de développement. La citation du président de la Banque mondiale (qui fait partie du problème des changements climatique et non de la solution) à savoir qu’on a besoin de leaders qui ne pensent pas qu’à court terme est un voeux pieux. Dans la société capitaliste, les « leaders », les investisseurs ne pensent qu’à l’horizon du profit immédiat. C’est dans la nature du système. Alors ne tombons pas dans le panneau d’espérer qu’une partie de l’oligarchie soit frappée de l’illumination écologiste et se rallie au mouvement. D’autant plus que la question du véhicule politique alternatif au PQ est absente du questionnement de Greenpeace alors qu’il faut construire un tel outil si nous voulons être candidat au pouvoir et transformer les choses.
À Nature Québec, on propose d’étendre l’interdiction (moratoire sur la fracturation hydrolique) (d’un minimum de 5 ans) à l’exploration pétrolière par fracturation sur tout le territoire du Québec, le temps de compléter les évaluations environnementales, d’établir la future politique énergétique et de faire des choix responsables en matière de lutte aux changements climatiques. (http://www.naturequebec.org/nouvelles/actualites/projet-de-loi-37-et-anticosti-memoire-de-nature-quebec/) Le mémoire de Nature Québec insiste sur le mauvais choix que fait le Québec (en prenant tous les risques et en assumant pratiquement tous les coûts) en s’embarquant dans les activités de fracturation hydraulique sur Anticosti pour tenter d’y découvrir une forme exploitable de pétrole de schiste. « Cette filière n’est pas une filière d’avenir ni pour le Québec ni pour la planète, qui doit lutter contre les changements climatiques provoqués par l’utilisation des hydrocarbures. » Encore là, on dénonce l’orientation péquiste sans soulever d’alternative.
Les mobilisations citoyennes à l’avant garde
Le mobilisations contre les projets d’oléoducs et de pipelines, la Coalition Vigilance Oléoducs en premier lieu fait la démonstration que la mobilisation citoyenne peut remporter des gains majeurs. La Coalition dénonce les virages anti-démocratiques du PQ afin d’ouvrir la voie à Junex, Petrolia et Gastem tout en rendant les armes face à l’offensive fédérale visant à imposer le passage du pétrole sale de l’Alberta au Québec. La Coalition est largement implantée dans la population. Elle construit un rapport de force malgré l’ampleur du défi (lobby pétrolier et gazier, mobilisation des conservateurs, etc.).
Elle pourra dorénavant compter sur le mouvement opposé au gaz de schiste car celui-ci a décidé d’élargir son mandat et d’inclure dans sa lutte l’ensemble des problématiques liées aux énergies fossiles. Le Regroupement inter-régional sur les gaz de schiste de la Vallée du St-Laurent voit ses rangs se grossir avec des collaborations plus serrées de la part d’autres organismes comme Stop Oléoducs Kamouraska, Environnement Vert Plus ou Non à une marée noire dans le St-Laurent. Une telle mobilisation citoyenne ne peut que se heurter à l’orientation péquiste qui va à l’encontre des revendications citoyennes.
Les comités citoyens devront-ils se taire durant la campagne électorale qui vient ? Doivent-ils durant la prochaine campagne électorale faire abstraction des virages du PQ et adopter la politique du « moins pire » ? Ne devraient-ils pas plutôt se constituer en force politique et sociale alternative face à l’offensive des lobbys pétroliers et rompre définitivement avec le PQ ?
Une réflexion qui aurait avantage à être élargie
La réflexion de Bruno Massé (http://www.rqge.qc.ca/content/la-crise-du-mouvement-environnemental-de-résistance-à-transgression-22) sur la stratégie du mouvement écologiste arrive à point. Son approche vise à donner un cadre à l’analyse de la situation. Il inscrit la lutte contre les changement climatiques parmi l’ensemble des luttes contre la société capitaliste (économiques, de sexe, nationales, de genres, etc.). Il envisage une politique d’alliance qui regrouperait l’ensemble de ces luttes potentielles avec les mouvements sociaux qui les porte. Il comprend qu’il faut bien identifier les alliés potentiels tout comme les obstacles au succès de la bataille entreprise. Il faudrait bien développer davantage, notamment au plan politique mais son texte est un bon point de départ pour quiconque veut réfléchir aux façons de relancer le mouvement sur des bases d’autonomie face au PQ.
Avec qui fait-on alliance ? Quels sont les étapes pour la construction d’un rapport de force suffisamment important pour faire reculer le lobby des énergies fossiles à l’échelle canadienne ? Quel véhicule politique doit-on construire suite à la faillite du PQ ? Telles sont les questions qui devront trouver des réponses dans les prochaines semaines. Presse-toi à gauche ouvre ses pages aux organismes et individus intéressés à débattre de la question.