Cette situation ressemble beaucoup à la campagne dirigée par les démocrates contre Ralph Nader lorsqu’il était candidat du Parti vert. Nous nous souvenons de cette stratégie qui consistait de blâmer Nader et le Parti vert pour l’élection de George W. Bush en 2000, refusant de se joindre à Al Gore. Mais si Gore avait gagné son état natal du Tennessee, comme il aurait dû, il n’aurait pas eu besoin de l’appui de Nader. Et comme président du sénat à majorité démocrate, il aurait pu contester la décision de la Cour suprême.
C’est différents exemples démontrent qu’un troisième parti qui se présent aux élections américaines, et particulièrement celles pour la présidence, est très mal vu par les deux grands partis. Le processus électoral est structuré de telle façon qu’il force éventuellement le troisième parti à abandonner la course ou à appuyer soit les démocrates ou les républicains. Il n’y a aucune marge de manœuvre sous ce système électoral contrôlé par les deux grands partis.
Dans le New York Times du 14 mai, le journal fait appel à Mitchell Abidor qui avait signé, comme l’un des « dirigeants » du SDS (Students for a Democratic Society) la lettre ouverte publiée dans The Nation, qui demandait à la nouvelle génération de socialistes d’appuyer Joe BIden. Assez curieusement, ce même Abidor avait été accusé durant les années soixante, par le même New York Times, d’être un individu dangereux qui voulait détruire la démocratie américaine avec les positions extrémistes du SDS. La SDS avait effectivement été dénoncée par ces mêmes médias libéraux d’être une cinquième colonne du communisme soviétique. Nous étions à ce moment-là en pleine guerre froide avec l’Union Soviétique. Aujourd’hui, ces anciens dirigeants du SDS ne sont plus dangereux parce qu’ils favorisent le vote pour Biden.
La campagne de Joe Biden a aussi commencé à œuvrer pour attirer les élus et les élues qui sont au sien du Parti démocrate et qui ce sont ouvertement déclaré.e.s socialistes. Biden, un libéral de droite, est subitement devenu un socialiste ! Évidemment non, mais Biden a besoin de l’appui de ceux et celles qui ont suive Bernie Sanders depuis 2015, soit Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib (Représentante du Michigan) et Varshini Prakash, la fondatrice et la codirectrice du mouvement écologique « SUNRISE » qui a occupé le bureau de Nancy Pelosi (Présidente de la Chambre de représentants.e.s) pour présenter le ‘Green New Deal’, que Mme Pelosi a rejeté comme une idée farfelue. Ces personnes, qui sont très influentes dans le milieu socialiste et écologique, ont été appointées par la direction du parti sur une commission de la convention du Parti démocrate pour étudier la politique du ‘Green New Deal’ et l’assurance-maladie universelle. Mme Ocasio-Cortez a été nommée la présidente de cette commission. La fin de semaine passée Biden a annoncé qu’il serait un président de transition et qu’après quatre années au pouvoir, il lasserait la place à la nouvelle génération.
Les attaques lancées par les anciens du SDS et reprises dans le New York Times n’ont pas surpris la gauche socialiste, et ils et elles ont répondu que ces attaques ne changeront pas la position de NI Biden Ni Trump pour les militants et militantes.
Mais la stratégie du parti démocrate pour la convention et la sortie de Biden sur la présidence de transition pourraient avoir des conséquences au sein de la gauche socialiste américaine. Certains militants et militantes membres du DSA dans L’État du New Jersey ont déjà décidé de voter Biden. Leur raisonnement ressemble beaucoup à la position souvent prise ici au Québec, soit le vote stratégique. Leur logique est que le New Jersey est un « swing state », c’est-à-dire un État qui peut aussi bien voter pour les démocrates que les républicains, et présentement la pendule favorise par très peu les démocrates. Biden ouvre selon eux un fenêtre qui aidera la gauche socialiste notamment Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Bernie Sanders, à faire avancé leurs positions socialistes et à créer des alliances progressistes avec certains et certaines collègues disposé.e.s à collaborer. Loin de nous l’idée de les critiquer.
Le système politique et électoral, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, est un système de contrôle antidémocratique. En dépit des critiques adressées à ce système par la gauche socialiste, elle se sert néanmoins de ce système comme tactique pour faire avancer la cause. La stratégie politique de Bernie Sanders, qui la menée à se présenter comme candidat à l’investiture du Parti démocrate pour la présidence à deux reprises, en est un très bon exemple.
Mais il ne faut pas que la gauche socialiste s’imagine que les capitalistes du Parti démocrate cherchent sincèrement à créer une alliance durable pour le parti, et que le Parti démocrate lui-même est en voie de changement. C’est une stratégie avec laquelle le Parti démocrate a inféodé le vote de la communauté afro-américaine depuis le mouvement des droits civiques. Ils et elles veulent faire la même chose maintenant avec la gauche socialiste.
Ceci n’est pas une démonstration de force de la part du Parti démocrate, mais surtout une démonstration de faiblesse et une preuve de la peur que ce vieux parti éprouve devant la montée en popularité du mouvement socialiste dans la classe ouvrière, les basses couches de la classe moyenne, ainsi que les minorités visible et invisible, qui ont toujours été une base électorale solide pour les démocrates. Le discours de Bernie Sanders, sur l’assurance- maladie universelle, et la gratuité scolaire dans les Universités d’États, la victoire d’ Alexandria Ocasio-Cortez et son équipe à la Chambre des représentants, celle de Julie Salazar au sénat de l’état de New York et plusieurs autres socialistes dans plusieurs conseils municipaux à travers le pays ébranlent ce vieux parti traversé par l’hypocrisie
La stratégie de la direction du Parti et la campagne de Biden de diviser pour mieux régner démontre la faiblesse du Parti démocrate, mais il faut que la gauche socialiste analyse et comprenne cette stratégie pour en ressortir plus forte.
Lotta Continua
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