Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

L’économiste Joseph Stiglitz explique comment la guerre, la COVID et la crise climatique provoquent des crises économiques dans le monde

« Peuple, pouvoir et profits : le capitalisme progressiste pour une ère de mécontentement »
Alors que le secrétaire général de l’ONU fustige les pays riches pour avoir organisé l’économie mondiale à leur avantage, nous discutons avec l’économiste Joseph Stiglitz de la façon dont la guerre, la pandémie et l’urgence climatique provoquent des crises économiques à travers le monde. Il affirme également que les hausses de taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine aggravent la situation dans les pays du Sud, car le coût de l’emprunt augmente pour de nombreux pays déjà aux prises avec des dettes. Stiglitz est un économiste lauréat du prix Nobel, professeur à l’Université Columbia et ancien président du Council of Economic Advisers. Il est également économiste en chef de l’Institut Roosevelt. Son dernier livre s’intitule People, Power, and Profits : Progressive Capitalism for an Age of Discontent. Le professeur Stiglitz se joint à nous sur Democracy Now ! pour discuter de l’économie mondiale actuelle.

Voilà bientôt trois ans que le COVID19 provoquait la fermeture de l’économie mondiale en se répandant à toute vitesse.

Democracy Now, 7 mars 2023
Traduction, Alexandra Cyr

D.N. Amy Goodman : Il y a tout juste un an, la Russie envahissait l’Ukraine. Ces deux événements ont refaçonné l’économie mondiale. Certains.es se sont enrichi, mais des milliards ont souffert. Plus tôt cette semaine, le Secrétaire général des Nations Unies, M. Antonio Guterres a pris la parole à l’ouverture du Sommet des nations les moins développées à Doha au Qatar.

Secrétaire général A. Guterres  : Alléger la crise du coût de la vie est devenu très difficile depuis le jour où la guerre en Ukraine a déclenché une montée des prix de l’énergie et des aliments. Les impacts des conflits, des sécheresses, de la faim et l’extrême pauvreté provoquent une tempête parfaite qui perpétue la pauvreté et l’injustice. Nous devons y mettre fin. Pour cela nous devons reconnaitre qu’il faudra engager des investissements majeurs et durables car les pays les moins développés ont besoin et méritent un soutien financier et économique massif. Pour vos pays, les progrès dans les objectifs de développement durable, en commençant par l’éradication de l’extrême pauvreté et de la faim, ne sont pas quelques lignes dans un accord menant à 2030. C’est une question de vie et de mort. Il n’est pas acceptable que vous soyez ralentis par des processus et des décisions prises loin de vous en dehors de vos frontières.

A.G. : Pour débattre de l’état de l’économie mondiale, nous sommes avec l’économiste prix Nobel d’économie, M. Joseph Stiglitz. Il enseigne à l’Université Columbia et il a été président du Conseil des conseillers en économie (du gouvernement américain). Il est aussi chef économiste à l’Institut Roosevelt.

Soyez le bienvenu sur nos ondes. Heureux,ses que vous soyez avec nous. Les temps actuels sont très, très difficiles. À partir de de ce dont le Secrétaire Guterres a parlé, la crise dans le monde, la crise économique internationale, l’inflation qui grimpe, la dévaluation des monnaies, nous voyons que toutes les nations sur le globe sont face à des crises catastrophiques de leurs dettes. Pouvez-vous, nous parler de la situation mondiale ?

Joseph Stiglitz  : Vous l’avez bien décrite. Ce qui me préoccupe en ce moment, c’est que tout cela est le résultat de mauvaises politiques monétaires, que la FED (la Federal Reserve, la banque centrale américaine) augmente les intérêts quand le problème ne vient pas de la demande globale. Les interruptions de la chaine d’approvisionnement ne sont pas le problème, pas non plus, les changements dans la demande causée par les forces dont vous avez parlé, ni non plus par la guerre ou la pandémie. Je vais être très franc : une augmentation des taux d’intérêts afin de ralentir l’économie augmente aussi le chômage ; ce n’est pas la bonne politique pour faire face à l’inflation qui nous affecte.

A.G. : Vous parlez de M. Jay Powell, le président de la Réserve fédérale. Il sera devant le Congrès pour s’y exprimer et répondre aux questions aujourd’hui ou demain. Vous le critiquez vertement.

J.S.  : En effet. Je pense que (la FED) a mal diagnostiqué le problème. Et à cause de cela, la solution n’est pas correcte et elle va probablement engendrer de pires problèmes. Relever les taux d’intérêt depuis le point zéro où il se trouvait à un niveau normal c’est correct. Nous devons normaliser les taux d’intérêt. Mais poursuivre le mouvement va mener à des dévaluations des taux de change mondialement. Cela va empirer la crise de la dette globale. Les pays qui sont déjà surendettés vont avoir encore plus de mal à rembourser. Et, pour revenir aux États-Unis, une des sources majeures de l’inflation est le logement. Que produit l’augmentation des taux d’intérêt ? Une baisse de l’investissement dans ce secteur ce qui empire la situation. Quand il y a des interruptions dans la chaine d’approvisionnement et des changements dans la demande, il faut plus d’investissements. (La FED) répond par moins d’investissements.

D.N. Juan Gonzalez : Mais, Joe Stiglitz, pour ceux et celles qui ne sont pas familiers.ères en économie, pourquoi de hauts taux d’intérêt sont-ils si nuisibles surtout pour le sud global ? Je comprends qu’il y aura une saignée des investissements dans les d’autres parties du monde en faveur des finances américaines. Avec des effets sur la dette des pays du sud et sur leur propre monnaie, sur leur valeur ?

J.S.  : Quand les fonds quittent les autres pays et arrivent aux États-Unis, donc se convertissent en dollars cela le renforce et affaiblit la valeur de la monnaie (de ces pays). Par contre, les fonds qu’ils empruntent, sont très majoritairement en dollars ; voilà le problème. Donc, ce qu’ils gagnent hors frontière ou à l’intérieur, vaut moins que ce qu’ils doivent. Cela devient de plus en plus difficile de rembourser. Et non seulement cela maintient la baisse de la valeur de leur monnaie mais les taux d’intérêt sur leur dette augmentent ; ils devront payer plus.

Et pire encore, cette politique vise à ralentir l’économie mondiale. Ces pays qui dépendent fondamentalement des exportations vont se rendre compte qu’ils ne peuvent que vendre moins. Leur valeur, la valeur de leur économie est à la baisse. Ils payent des taux d’intérêt plus élevés. Le FMI, la Banque mondiale ont sonné l’alarme à propos de cette crise de la dette. Et ce que fait la FED en ce moment, c’est rendre le risque de son développement pire encore. Les pays pauvres vont s’appauvrir.

J.G : Je veux aussi que vous nous parliez d’un autre impact de la guerre en Ukraine dont on parle peu. Durant des décennies, les partisans du néolibéralisme ont soutenu que le libre échange est la clé pour le développement économique. Mais, comme vous le mentionniez, les problèmes de la chaine d’approvisionnement durant la pandémie et la guerre en Ukraine ont soudainement mis à jour la faiblesse de la présomption qu’il était possible dans ce système économique d’acquérir des biens de n’importe où dans le monde pour une production « juste à temps » pour les compagnies. Quel est l’avenir pour le libre échange compte-tenu des impacts non seulement de la pandémie mais de la guerre en Ukraine dans le monde ?

J.S. : HE ! Bien, vous venez de mettre le doigt sur un problème majeur de ce genre de système économique, celui qui s’est développé au cours des 40 dernières années et qu’on appelle le système néolibéral. C’était un changement à courte vue. Nous avons pu nous en rendre compte en 2008 avec la crise financière mondiale causée par la courte vue des banques qui ont mis le paquet sur l’exploitation des Américains.es pauvres, ont pratiqué des prêts totalement abusifs, ont eu des pratiques excessives dans la gestion des cartes de crédit et dans la prise de risque. Une partie de cette courte vue repose sur la conviction que pourvoir acquérir le pétrole et le gaz à quelques sous de rabais valait la peine, peu importe le risque. J’ai écrit Making Globalization Work en 2006 au moment où les pays européens devenaient si dépendants du gaz russe que s’en était insensé. C’était de la courte vue. On ne pouvait faire confiance à V. Poutine pour sa source d’énergie. Cette prédiction s’est malheureusement avérée vraie et a mené à la crise de l’énergie dans laquelle nous nous retrouvons, particulièrement en Europe dans la foulée de l’invasion russe en Ukraine. Donc, je pense que nous avons appris que les marchés fonctionnent à courte vue. Le système de l’inventaire juste à temps a rendu nos économies très vulnérables. La pandémie n’a fait qu’ajouter à l’erreur fondamentale de l’économie de marché. On souligne constamment que les marchés n’attribuent pas de prix au carbone. C’est la raison pour laquelle ils s’engagent dans une pollution excessive. Ils en font autant avec le risque.

Maintenant, nous réexaminons la nature du système économique mondial. Ironiquement, ceux et celles qui ont soutenu le libreéchange, notamment les Répiblicains.es, embarquent dans cet examen. La loi votée par les deux partis, l’Inflation Reduction Act, ou IRA et celle sur la recherche et la fabrication des semis conducteurs (aux États-Unis) ou CHIPS contreviennent toutes les deux aux règles de l’Organisation mondiale du commerce en tentant de donner la préférence à des entreprises américaines, de ressusciter la production américaine. Se sont peut-être de bonnes politiques mais elles contreviennent aux normes internationales. Il nous faut donc redéfinir l’ordre international mondial.

J.G. : Je voudrais aussi que vous nous parliez de l’impact de la montée des tensions entre la Chine et les États-Unis sur l’économie mondiale spécialement pour les plus pauvres sur la planète. Récemment le Président Xi Jinping a déclaré que les États-Unis cherchaient à encercler et à contenir la Chine. Encore plus extraordinaire, la semaine dernière, le Ministre des affaires étrangères chinois, a publié une déclaration où il expose une surprenante vision des États-Unis par le gouvernement chinois. Il les traite de plus importante source de violence et d’instabilité dans le monde militairement et économiquement. Je voudrais avoir votre idée sur l’impact possible (de cette tenion), sur l’économie, au moment où beaucoup de personnes disent qu’il faut être plus intransigeants envers la Chine, alors qu’elle est le centre manufacturier de la planète.

J.S. : Je veux d’abord dire qu’il y a un grand nombre de problèmes sur lesquels nous devons travailler ensemble ; voilà ma principale préoccupation. Nous sortons juste d’une pandémie et bien des épidémiologistes croient qu’il y en aura surement une autre. Nous ne savons pas quand mais quand ça arrivera, nous aurons besoin d’un haut niveau de collaboration mondiale. Cette situation tendue entre les deux pays, diminue nos capacités à collaborer là où il le faut. Bien sûr qu’il faut nous faire entendre et critiquer sur ce que la Chine a fait pour amoindrir la démocratie à Hong Kong, sur ce qu’elle fait subir au Ouigours. Je pense que nous devons être francs à ces sujets. Mais, en même temps, il faut que nous soyons très précis dans nos réponses. L’allure que prennent les échanges actuels entre les deux pays, rendent difficiles l’introduction d’actions de coopération dont nous avons besoin.

Comme nous ne devons pas mâcher nos mots quand il s’agit des droits humains et de la démocratie, nous devons retirer certaines des politiques qui ont eu des effets dévastateurs sur les pays en voie de développement. La Chine a prêté de l’argent à beaucoup de pays, sans en évaluer correctement les rendements. Il y a eu quelques allégations de corruption. Et quand des pays ont eu du mal à rembourser, la restructuration n’était pas favorisée. Le Sri LanKa est devenu exemplaire. Si on anticipe une crise de la dette, on prépare des restructurations générales qui incluront la Chine et le secteur privé occidental car il est aussi engagé dans des prêts imprudents et est aussi parfois corrompu. Je ne veux donc pas pointer qui que ce soit. C’est un problème mondial. Il devra y avoir des restructurations de dettes et nous devons nous assurer d’avoir les moyens de savoir que l’argent prêté à ces pays l’est pour des buts productifs pas pour enrichir les prêteurs ou pour des raisons géopolitiques.

A.G. : Joseph Stiglitz, vous êtes l’auteur de The Three Trillion Dollar War : The True Cost of the Iraq Conflict, et nous arrivons au 20ième anniversaire de cette guerre. Nous sommes actuellement dans la guerre en Ukraine et les États-Unis enjoignent la Chine de ne pas livrer d’armes à la Russie ; c’est une ligne rouge. Il est intéressant de constater que presque le même jour, le Président Biden et le Secrétaire d’État M. Bilnken, ont annoncé l’envoi d’armes américaines d’une valeur de 600 millions de dollars à Taïwan. Pouvez-vous commenter et comparer la manière de traiter les conflits et l’économie mondiale ? Qu’est-ce que cela fait ?

J.S.  : Premièrement, il est évident que ces asymétries que vous pointez ne font rien pour améliorer la situation, elles empirent les choses. J’ai un peu de mal à comprendre comment nous pouvons avoir de telles œillères sur nos agissements comme vous le signalez.

Ensuite, avec Linda Bilmes avec qui j’ai écrit ce livre et qui enseigne à Harvard, nous avons discuté de combien de leçons nous n’avons pas appris des guerres en Irak et en Afghanistan. Nous avons démontré leur coût très important. À l’époque nous l’évaluions à 3 mille milliards de dollars. Mais maintenant, le coût réel dépasse ce niveau pour atteindre environ 5 mille milliards de dollars et c’est une évaluation minimale. Mais on a jamais informé le peuple américain, on ne lui jamais dit ce que cela coûtait. Les systèmes de comptabilité qu’utilise le Ministère de la défense sont conçus pour cacher les coûts réels. Même le Congrès ne discute pas de la totalité des coûts des guerres. Ce sont des budgets spéciaux. Et alors que je soutien totalement l’aide à l’Ukraine pour qu’elle résiste à l’invasion russe, je pense qu’il est important, qu’à titre de politique publique, nous ayons plus de transparence et de responsabilité et que nous examinions tous les coûts autant que les raisons de cette guerre.

J.G. : Un des aspects que vous pointez souvent à propos des inégalités et la montée des inégalités aux États-Unis comme dans le monde, c’est que ce n’est pas l’effet des forces des marchés mais bien plutôt, le résultat de politiques adoptées par nos dirigeants.es. Je me demande, alors que les prochaines élections approchent et que le Congrès devra prendre plus de décisions entre autre quant aux politiques économiques, sur quels éléments, pensez-vous devront reposer ces politiques, non seulement pour réduire les inégalités ici mais aussi dans le monde ?

J.S.  : Votre question est très pertinente. J’ai souvent écrit que l’inégalité, la pauvreté, sont des choix non pas des individus mais de nos structures politiques qui favorisent les inégalités. L’habilité de l’administration Biden à agir en réponse à la pandémie a réduit la pauvreté des enfants d’environ 40% ou 50% en un an. Voilà un magnifique exemple. Cela aurait pu être fait n’importe quand dans le passé. Des politiques avec d’énormes effets sur la pauvreté des enfants auraient pu être adoptées bien avant.

Les enfants qui grandissent dans la pauvreté ne pourront pas apprendre, être productifs, être des citoyens.nes à leurs pleines capacités. Ce que nous faisons aujourd’hui affecte le futur de notre économie, de notre société. En ce moment ce qui m’inquiète, c’est que le soutien spécial qui a été accordé pour l’alimentation durant la pandémie vient tout juste de cesser, fin février. Des millions et des millions d’enfants vont se retrouver à nouveau dans la pauvreté dont l’assistance d’urgence les avait sortis.es.

A.G. : Vous parlez du programme d’assistance nutritionnelle, SNAP ?

J.S.  : Exact. On estime à 4 millions 200 mille le nombre de personne qui était au-dessus du niveau de la pauvreté à cause de cette assistance nutritionnelle d’urgence dont un des effets a été de réduire de 10% la pauvreté et de 14% celle des enfants dans les États où cette politique a été appliquée. Il faut donc reconnaître que nous faisons d’autres choix en ce moment soit ceux d’augmenter la pauvreté ; je trouve ces actions éhontées, inadmissibles.

Plus tôt dans cette entrevue nous parlions de la FED qui augmente les taux d’intérêt et ralentit l’économie. Soyons clairs à propos de ce que tente de faire cette instance. Sa direction a été plutôt explicite à ce sujet. Elle veut faire augmenter le taux de chômage. Ça semble n’être que des mots, mais cela veut dire que des millions de personnes vont se retrouver sans emploi. Des millions de personnes vont sombrer dans la pauvreté, leurs vies vont se briser. Beaucoup vont devoir mettre fin à leurs études (ou celles de leurs enfants) et cela va affecter particulièrement, certains sous-groupes de notre population. On entend la FED déclarer : « Nous essayons de cibler, de ne faire augmenter le chômage que de 5% par exemple ». Pouvez-vous croire que le gouvernement veuille plus de chômage ? Qu’est-ce que cela veut dire pour les minorités ? Qu’elles vont subir le double de ces prévisions et pour les jeunes dans les minorités, le quadruple. Clairement, la FED veut un taux de chômage réel de 20% dans ces groupes.

Il faudrait que nous en appelions au gouvernement, aux autorités fiscales pour qu’ils fassent tout ce qui leur est possible pour resserrer le filet social, pour améliorer les programmes de formation pour tous ceux et toutes celles qui vont se retrouver au chômage. Mais, je n’ai pas entendu un seul mot qui dise que la hausses des taux d’intérêt devrait être accompagnée de ce genre de mesures, si nous voulons vraiment que les inégalités n’augmentent pas dans notre société que moins de personnes ne sombrent dans la pauvreté.

A.G. : Pendant ce temps, le plan d’annulation de certaines dettes étudiantes est contesté devant la Cour suprême.

J.S.  : Exact. Et encore une fois il s’en trouve pour dire : « Cela va avoir d’énormes effets macroéconomiques ». C’est faux. Nous avons examiné les données. Il est très clair que les effets sur l’inflation sont nuls. Ceux sur la demande globale, très, très minimes. La (vraie) raison tombe sous le sens. Ce sont des dettes à vie. Beaucoup ne seront jamais rembourser ; vous auriez beau écrase au maximum une pierre elle ne donnera jamais d’eau. Mais même pour ceux et celles qui vont continuer à rembourser, leurs versements annuels sont peu élevés et la capacité ou la volonté d’emprunter pour refinancer leur dette et profiter de la réduction sont absentes.

Ce qui se joue en ce moment devant les tribunaux ne va qu’installer la chaine de dettes autour du cou de millions d’Américains.es, voilà la réalité. Les débuts de leurs vies vont en être affectés, leur mariage, l’achat d’une maison ou d’une voiture, leur possibilité de se trouver un emploi à la hauteur de leurs capacités, amoindrie. C’est assez clair. Avec ce genre de dette sur le dos des jeunes Américains.es c’est notre productivité nationale qui est touchée.

J.G : Joe Stiglitz, je voudrais vous entendre à propos de ceci : récemment, le ministre des finances colombien, M. José Antonio Ocampo a convoqué le premier sommet ministériel de l’Amérique latine et des Caraïbes sur la taxation. Avez-vous quelque espoir que cela aidera à mettre fin, une fin effective aux abus des paradis fiscaux et à l’évasion fiscale dans certains de ces pays, notamment dans les Caraïbes, qui sont bien connus pour cacher de l’argent ?

J.S.  : L’initiative de M. Ocampo est très bienvenue. Et je pense que la réponse y a été très positive. Non seulement c’est un pas en avant mais un pas important. La décision de l’Union européenne d’introduire un impôt minimum aux entreprises est un autre pas important. Cela rend plus difficile aux paradis fiscaux d’attirer des entreprises (dans leurs organisations) ou, tout au moins, de prétendre que les profits sont générés sur leur sol. C’est un mouvement important mais beaucoup reste à faire.

L’impôt minimum mondial proposé est trop faible. Ce n’est que de 15%. C’est inquiétant parce que cela peut faire baisser les taux existants dans certains pays qui taxent au-dessus de ce niveau. J’ai peur que le minimum ne devienne le maximum et qu’encore plus d’entreprises ne paient pas leur juste part du fardeau fiscal.

A.G. : Nous allons nous arrêter ici, merci J. Stiglitz pour avoir été avec nous. (…)

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