Tiré de Courrier international. Légende la photo : Sur le campus de l’Université Columbia, à Manhattan, en mars 2020. Photo Hiroko Masuike/The New York Times.
“Face à Trump, les universités passent à toute vitesse de ‘Nous ne plierons pas’ à une tactique d’apaisement”, observe The Wall Street Journal, quelques jours après que Columbia “a cédé vendredi [21 mars] à une liste considérable d’exigences du président, qui l’avait privée de 400 millions de dollars de financements fédéraux”.
La prestigieuse université new-yorkaise “s’est retrouvée dans le viseur pour sa gestion des manifestations propalestiniennes de l’an dernier”, rappelle le quotidien. Le gouvernement l’accuse d’avoir laissé prospérer l’antisémitisme sans protéger les étudiants et enseignants juifs.
Dans un document de 4 pages, qu’a signalé sa présidente par intérim Katrina Armstrong, Columbia dit revoir sa gestion des mouvements étudiants en embauchant un nouveau service de sécurité interne, dont les agents “pourront expulser des personnes du campus ou les arrêter”, rapporte The New York Times. L’université va aussi “adopter une définition formelle de l’antisémitisme, alors que de nombreuses universités s’y étaient refusées”.
Une peur généralisée
Son cas a valeur d’exemple, souligne le Wall Street Journal : “D’autres établissements ont suivi de près plusieurs jours de négociations tendues” avec l’exécutif, qui a fait de l’enseignement supérieur une cible prioritaire.
“Les dirigeants d’université, coincés entre le gouvernement Trump et leur corps enseignant, de tendance progressiste, tentent discrètement de se faire des amis à Washington, écrit le journal, sur fond d’inquiétude généralisée à propos des budgets affectés à la recherche, des aides aux étudiants et de l’offensive de la Maison-Blanche pour pousser vers la droite le monde universitaire.”
Pour les grandes universités, les diverses sources de fonds fédéraux représentent souvent “un quart ou plus du budget de fonctionnement”, note le quotidien.
“Nous ne plierons pas”, avait lancé le président de l’American Council on Education – organisation regroupant les établissements du supérieur –, Ted Mitchell. Mais pour l’instant, le monde universitaire est pris à la gorge. “Il y a énormément de peur. Je n’ai jamais rien vu de tel”, déclare le président de l’Université wesleyenne, dans le Connecticut. “Beaucoup de gens n’osent pas s’exprimer.”
“Oui, M. le président”
Dans les colonnes du New York Times, un professeur et ancien doyen de Columbia, Jonathan Cole, dénonce une “capitulation” de son université, avec de tristes conséquences.
“Si Columbia permet à des dirigeants aux tendances autoritaires de nous dicter ce que nous pouvons enseigner, alors le gouvernement fédéral dictera ce que nous pouvons lire, les ouvrages que nos bibliothèques peuvent acquérir, les œuvres que nous pouvons montrer, les problèmes sur lesquels les scientifiques peuvent se pencher”, écrit-il.
- “Nous ne serons donc plus une université libre.”
Même son de cloche chez la chroniqueuse du journal de gauche The Guardian Margaret Sullivan : “Columbia aurait dû dire : ‘Rendez-vous au tribunal’ et pas ‘oui, M. le président”, lance-t-elle en titre. Elle aussi parle de “capitulation”.
“Douloureuse leçon”
Au contraire, le New York Post se réjouit – même si le tabloïd conservateur attend de voir l’université mettre en œuvre ses annonces. “Trump a au moins contraint Columbia à FAIRE SEMBLANT de sévir contre la haine”, lit-on en tête d’un éditorial.
“Une douloureuse leçon pour Columbia”, résume aussi l’édito du Wall Street Journal. “L’université a trahi ses étudiants juifs et sa principale mission, elle en paie aujourd’hui le prix”, affirme ce titre conservateur de référence.
L’éditorial applaudit l’adoption d’un principe de neutralité de l’institution sur les questions politiques controversées. Il juge aussi “particulièrement remarquables” les concessions “ayant trait aux études universitaires, à la sélection à l’entrée et au recrutement d’enseignants”. Columbia prévoit ainsi de mener “un examen approfondi de son éventail de programmes sur diverses régions du monde […] en commençant immédiatement par le Moyen-Orient”.
Le Wall Street Journal voit dans ces mesures le début d’un retour bienvenu des universités “à leur mission traditionnelle”, dont elles s’étaient, selon lui, écartées.
Courrier international
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