1 mai 2023 | tiré de medipart.fr | Photo : Dans la manifestation du 1er mai 2023, à Toulouse. © Photo Charly Triballeau / AFP
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Le refrain que crache le gigantesque poids lourd habillé aux couleurs de la CFDT et du refus de la réforme des retraites semble avoir été choisi expressément pour résumer les sentiments ambivalents qui animent les manifestant·es à Paris, en ce 1er-Mai pas comme les autres. « Tant qu’il y a la vie, on dit toujours : y a espoir », répète en boucle le groupe ivoirien Magic dans son tube « Bouger bouger », qui fait danser le cortège CFDT, dont les mouvements sont filmés depuis le haut de la plateforme du camion et retransmis en direct sur l’écran géant qu’il porte.
Quelques dizaines de mètres plus loin, une grande marionnette représentant un soleil doré, montée sur les épaules d’une manifestante, clame la même chose par l’intermédiaire d’une pancarte : « Même sans espoir, la lutte est un espoir. » Comment mieux saisir l’état d’esprit qui a prévalu à l’occasion de cette treizième journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites, validée par le Conseil constitutionnel et promulguée dans la foulée le 14 avril ?
Ce 1er-Mai rassemblait l’ensemble des syndicats, pour la première fois depuis 2009, sur fond de contestation continue du pouvoir, dont les bruits de casseroles sont devenus le symbole. Et malgré la validation officielle du recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, les manifestations ont très largement rassemblé dans toute la France. Comme depuis le début du mouvement le 19 janvier, y compris dans les petites et moyennes villes.
Selon les décomptes du ministère de l’intérieur, 782 000 personnes ont défilé, dont 112 000 à Paris. Loin d’un essoufflement, donc. Certes, les 19 et 31 janvier et 23 mars, les cortèges avaient dépassé le million de manifestant·es. Mais le regain est très net par rapport aux derniers rassemblements du 6 avril (570 000 personnes, selon les autorités) et du 13 avril (380 000 manifestant·es recensé·es).
Le chiffre parisien de la préfecture de police est même le deuxième plus haut depuis le début de la mobilisation, après les 119 000 personnes comptées le 23 mars, record historique pour une manifestation à l’appel des syndicats dans la capitale. La CGT a pour sa part dénombré 2,3 millions de manifestant·es dans toute la France, dont 550 000 à Paris.
« Ce 1er-Mai sera historique, assurait déjà Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, à 13 heures, une heure avant le départ de la manifestation parisienne. C’est un démenti cinglant à la stratégie d’Emmanuel Macron, car il n’y a aucun apaisement. Contrairement à ce que demande le gouvernement, la page n’est pas tournée. » Et la dirigeante syndicale d’insister : « Il y a un contraste choquant entre ce qui se passe dans la rue, une mobilisation unitaire, une population solidaire, et un président de la République qui n’a jamais été aussi solitaire. »
« On ne va pas se la raconter pendant des années, la loi a été promulguée ! », nuançait à ses côtés Laurent Berger. Mais, tenait à rappeler le dirigeant de la CFDT, qui a annoncé son départ pour le 21 juin, « il y a toujours un rejet très fort de la réforme », « et la volonté de dire : “Vous ne nous marcherez pas sur la gueule.” »
Les dirigeants des huit syndicats de salarié·es, qui ont montré une unité jamais vue depuis le mois de janvier, le martèlent tous : ils considèrent sortir gagnants de près de quatre mois de mobilisation.
Pour l’instant, ils se donnent officiellement pour horizon deux dates. Mercredi 3 mai, le Conseil constitutionnel se prononcera sur une deuxième demande de référendum d’initiative partagée (RIP), après avoir rejeté la première le 14 avril. Ce n’est qu’après avoir pris connaissance de cette décision que l’intersyndicale se prononcera officiellement sur la suite – la position officielle sera affinée ce 2 mai au matin.
Les responsables syndicaux guettent aussi avec intérêt le 8 juin, quand une proposition de loi du groupe centriste Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) demandant l’abrogation de la réforme sera examinée à l’Assemblée nationale. Si un vote a lieu, ce sera la première fois que les député·es auront à s’exprimer sur le texte.
Aller ou non à Matignon ?
Mais d’ici là, difficile de ne pas sentir poindre un début de flottement dans les positions. À commencer par la réponse à apporter à l’invitation de la première ministre Élisabeth Borne, qui devrait arriver dans les heures qui viennent, pour participer à des réunions en face-à-face.
La CFDT a déjà dit qu’elle irait. « C’est la même chose que lorsque vous êtes dans une entreprise et qu’il faut aller négocier avec le patron », justifie Laurent Berger, rappelant que « l’intersyndicale a une maturité suffisante pour savoir qu’elle n’est pas une seule organisation syndicale ».
À la CGT, Sophie Binet refuse de répondre officiellement pour l’heure, mais il semble peu probable qu’elle pratique la politique de la chaise vide, même si c’est pour répéter son refus de discuter d’autre chose que du retrait de la réforme.
De toute manière, tempère Benoît Teste, le dirigeant de la FSU, « l’unité syndicale ne sera pas mise à mal, même si tout le monde ne décide pas de la même chose » : « Des modalités d’action différentes, il y en a déjà : je ne crois pas que tout le monde soutienne les coupures d’électricité, et ça n’a pas mené à la fin de l’intersyndicale. »
Tous s’accordent au moins pour s’appuyer sur la dynamique du mouvement social pour tenter de durcir le rapport de force avec le gouvernement, sur la question des salaires et des conditions de travail. « Ce n’est pas du tout un baroud d’honneur, c’est l’écriture d’un nouveau chapitre. Nous avons acquis une maturité, établi un rapport de confiance, qu’il faut exploiter sur les autres thèmes importants pour les travailleurs », estime François Hommeril, pour la CFE-CGC.
« Il y a une dynamique extrêmement forte, qui va avoir un impact sur toutes les questions sociales et écologiques. Après les retraites, le gouvernement voulait enchaîner avec d’autres réformes, mais il n’arrive pas à le faire », se réjouit pour sa part Simon Duteil, codirigeant de Sud-Solidaires.
Dans la manifestation parisienne du 1er-Mai. © Photo Dan Israel / Mediapart
Dans la foule parisienne, on trouve encore des personnes participant pour la première fois au mouvement de contestation de la réforme des retraites. Farida, par exemple, venue avec ses collègues Fatima et Yamina. Toutes travaillent dans « le nettoyage industriel », à l’hôpital.
« Nous avons 60 ans, on ne voit pas du tout comment nous pourrions poursuivre jusqu’à 64 ans, nous sommes épuisées », disent-elles. « Dans le nettoyage, le travail est dur, insiste Yamina. À cause des gestes répétitifs, vous partez sans épaule, avec les membres supérieurs et inférieurs abîmés, sans parler des cervicales qui en prennent un sacré coup. » Pour l’instant, aucune action collective n’a permis de faire dévier l’exécutif de son but, conviennent-elles, mais, disent-elles en chœur, « on espère qu’on finira par être entendues ».
Charlotte, Toulousaine en vacances à Paris, a elle aussi tenu à être présente avec sa fille Margaux, 9 ans, et son neveu Marius, qui fait ses études dans la capitale. « Je travaille au ministère de la justice, ce qui ne m’a pas permis de participer aux manifestations précédentes, même si je suis opposée à la réforme, confie-t-elle. Mais je tiens à défiler le 1er-Mai, parce c’est une date que j’ai toujours trouvée symbolique, et que la transmission aux nouvelles générations de cette forme de contestation, c’est important. »
« Il faut défendre le droit de manifester, alors que le maintien de l’ordre est de plus en plus dur, approuve Marius. La manifestation du 1er-Mai est censée être accessible à tout le monde. C’est le moment de montrer quel rapport au travail on veut, et de faire entendre qu’on trouve insupportable le mépris social et démocratique du gouvernement envers les classes populaires et les classes moyennes. »
Il y a d’autres formes de première. Des pompiers de toute la France se sont retrouvés dans la capitale, acclamés par les autres manifestant·es. « C’est historique, c’est la première fois que l’intersyndicale appelle à une manifestation nationale à Paris. Macron a réussi à nous mettre d’accord », se réjouit Peter Gurruchaga, du collectif national CGT des pompiers. « Comme beaucoup de mes collègues, quand je suis entré chez les pompiers, je pensais partir à 55 ans. Aujourd’hui, c’est 57 ans, et demain, ce sera 59 ans », rappelle-t-il.
« Notre métier est très physique, et on ne pourra pas tous devenir chefs pour moins aller sur le terrain quand on sera plus âgés. Alors, on risque d’être reclassés ailleurs dans la fonction publique, et on perdra notre rattachement à la catégorie active, qui nous permet de partir plus tôt, anticipe-t-il. C’est assez dégueulasse, quand on sait qu’on laisse notre santé pour notre métier, en partant par exemple sur les feux de forêt sans aucun appareil respiratoire… »
Pierre, lui, est venu en famille de Dunkerque pour défiler à Paris, après dix manifestations dans sa ville. À 50 ans, cet assistant social à Dunkerque et thérapeute familial a 32 ans de syndicalisme à la CFDT derrière lui. « Mon père n’a pas participé au congrès fondateur de la CFDT en 1964, mes parents n’ont pas fait Mai-68, mes grands-parents n’ont pas résisté pendant quatre ans pendant la Seconde Guerre mondiale pour que nous ayons aujourd’hui un président qui se comporte de plus en plus comme un dictateur et comme un manipulateur, sans écouter ce que lui disent les citoyens », lance-t-il.
Il regrette que le président « se foute » d’avoir été réélu avec 40 % des voix de gauche pour s’opposer à Marine Le Pen. Pour la suite des manifestations, il se verrait bien, « mais pas tout seul », aller faire tinter des casseroles dans le quartier de l’Élysée, par exemple le 8 mai. « C’est un moyen sans violence de dire à Emmanuel Macron qu’on le respecte en tant que président, mais qu’on veut qu’il nous écoute. »
Unité syndicale et politique
Se faire entendre d’un pouvoir jugé sourd et aveugle : c’est aussi le souhait des responsables politiques qui ont participé aux manifestations. « Ne cédez pas, rien, jamais ! La lutte continue jusqu’au retrait. L’homme d’âge que je suis en a vu, des petits messieurs qui se croyaient indispensables et qui ont été renversés. Ne vous laissez pas domestiquer, quoi qu’il en coûte ! », a solennellement lancé à Paris Jean-Luc Mélenchon, le chef des Insoumis, depuis une petite estrade, entouré de sa jeune garde de députés – Paul Vannier, Carlos Martens Bilongo, Clémence Guetté, Manon Aubry, Bastien Lachaud, Aurélie Trouvé, Nadège Abomangoli….
Brin de muguet à la boutonnière, il s’est désespéré des « sottises de ces dirigeants » qui, en pleine crise climatique, ne pensent qu’à « produire plus » : « La retraite à 60 ans que nous avons mise en place, nous la récupèrerons ! », promet-il.
« Un 1er-Mai avec une telle unité syndicale et politique, c’est inédit ! Il ne faut surtout pas clore la séquence, mais accompagner le mouvement social qui va continuer et se réinventer », se réjouit le premier fédéral communiste de Paris, Igor Zamichiei. « Le pays est devenu ingouvernable, je ne vois pas comment Macron peut ne pas retirer sa réforme », dit-il, tout en reconnaissant que « si on est honnête, personne n’a de majorité dans le pays ».
Plus bas, sur le boulevard Voltaire, le député socialiste Arthur Delaporte « savoure l’union sociale et politique » du jour. De retour de sa circonscription – 1 500 personnes ont défilé à Lisieux, du jamais-vu pour un 1er-Mai –, l’élu en est persuadé : « On entre dans une nouvelle séquence. Demain, on se réveillera et on se dira que la mobilisation continue. »
Il faut faire preuve d’imagination pour détruire le capital symbolique de Macronq
Elena, militante insoumise
Même si personne ne sait vraiment comment s’écrira la suite, ils sont nombreux les manifestant·es à se persuader que, loin d’être un baroud d’honneur, cette 13e manifestation nationale ouvre une nouvelle étape. « Il faut continuer, et même si certains trouvent que taper sur des casseroles est un peu primaire, au moins, ça dérange le pouvoir », veut croire Véronique, militante insoumise dans les Yvelines et jeune retraitée.
Elle se dit favorable aux coupures de courant ou à une opération « transports gratuits » dans les gares et aux péages : « Il faut toucher au porte-monnaie, non pas des travailleurs, mais des financiers, pour que le Medef dise stop et que cette classe politique dégage. »
« Il faut faire preuve d’imagination pour détruire le capital symbolique de Macron », abonde sa camarade Elena, qui fait la comparaison avec les années Berlusconi : « Vous voyez où on en est aujourd’hui, en Italie ? On suit le même chemin en France, où Macron est en train de casser tout ce qui fait le lien dans la société nationale. »
Devant le stand du Parti communiste français (PCF), Jean-Claude en est convaincu : « Cette loi ne peut pas passer car les gens de l’acceptent pas. » Ce retraité de la RATP, qui estime « encore possible que Macron soit obligé de renoncer », veut croire que la toile de fond derrière le président lui donnera gain de cause : « Le patronat et le monde financier n’ont pas intérêt à ce que ça pète trop, car les financiers ont besoin de maintenir une fiction centriste pour continuer à œuvrer. Quant aux députés de la majorité, ils ne peuvent pas se permettre une telle impopularité. »
Des cordistes d’Extinction Rebellion ont habillé, sous les applaudissements des manifestant·es, la statue de la place de la République d’un immense gilet orné d’un gigantesque « Macron démission ».
Tout au long de la journée, les coups d’éclats symboliques se sont succédé. Dès 6 heures du matin, à Strasbourg, deux banderoles ont été accrochées sur la façade de la cathédrale. « Dictature attention », avertissaient-elles.
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À Marseille, à l’issue de la manifestation, environ 200 personnes ont brièvement occupé l’hôtel InterContinental, y causant quelques dégradations au passage.
Mais c’est à Paris que les actions les plus spectaculaires se sont concentrées. Dans la matinée, les activistes écologistes d’Extinction Rebellion ont aspergé de peinture orange la façade de la Fondation Louis-Vuitton, le musée financé par le groupe LVMH à l’orée du bois de Boulogne. Les militant·es de Dernière Rénovation, un autre groupe écologiste, avaient de leur côté maculé de la même peinture orange les trottoirs et les façades du ministère de la justice et de l’hôtel de luxe Le Ritz, place Vendôme.
Dans l’après-midi, des cordistes d’Extinction Rebellion ont ensuite habillé, sous les applaudissements des manifestant·es, la statue de la place de la République d’un immense gilet orné d’un gigantesque « Macron démission ».
Les activistes d’Extinction Rebellion ont habillé la statue de la place de la République d’un gilet clamant « Macron démission », ce 1er mai 2023. © Photo Dan Israel / Mediapart
Sur le parcours de la manifestation, des militant·es d’Attac, de la Jeune Garde Paris et du groupe syndical antifasciste Visa ont également déployé sur une façade entière une bannière de 24 mètres de long et de 5 mètres de haut portant ces mots : « Contre le fascisme et la misère, la lutte sociale est nécessaire. L’extrême droite est l’ennemie des travailleuses et des travailleurs ! » Message passé au RN et à Marine Le Pen,qui s’étaient invités au Havre pour prendre leur part de la contestation sociale.
Violents heurts entre manifestants et forces de sécurité
La journée a également été marquée par de violents heurts avec la police, dans plusieurs villes. À Lyon, les affrontements entre les forces de sécurité et un cortège de tête fort de deux mille personnes ont été tels qu’ils ont fait durer la manifestation plus de quatre heures, bloquant l’avancée du cortège syndical. Plusieurs policiers ont été blessés.
À Nantes, un manifestant a été grièvement blessé à la main par une grenade policière, dans le cadre de violents affrontements, sur fond de dégradations de magasins et de tirs incessants de lacrymogènes.
À Paris aussi la tension était très forte à l’avant de la manifestation, avec un cortège de tête très fourni et d’humeur belliqueuse. Dès 13 heures, ses membres s’étaient regroupés derrière une banderole « Le feu, c’est maintenant ». Une petite pancarte portée à bout de bras sous-titrait, pour dissiper tout malentendu : « Les traîtres négocient à l’arrière. » Les photographes et curieux trop pressants étaient écartés à coups de pétards aux explosions assourdissantes.
Habillés de noir, des dizaines de ces manifestant·es ont scandé des slogans hostiles au dirigeant communiste Fabien Roussel en passant devant le stand du PCF. Un engin explosif a été lancé, blessant légèrement quelques militants. Le secrétaire national a dû être exfiltré.
Le black bloc s’en est ensuite pris à plusieurs magasins, dont une banque et une boutique de copie. Les affrontements n’ont pas cessé. Des charges policières violentes ont perturbé l’avant du défilé. Le célèbre reporter de Brut Rémy Buisine a été touché au pied par une grenade désencerclante, avant, quelques heures plus tard, d’être jeté à terre par un coup de bouclier et, affirme-t-il, frappé au passage. Un autre engin explosif a aussi explosé au milieu d’un groupe de policiers, plusieurs d’entre eux étant touchés par les flammes. Un autre policier a dû être évacué par ses collègues, apparemment évanoui.
Les charges de gendarmes et de policiers se sont multipliées jusqu’à l’arrivée place de la Nation, longuement noyée sous les lacrymos et théâtre de plusieurs courses-poursuites entre manifestant·es et forces de sécurité. Sur la place, un incendie s’est déclaré sur la façade d’un immeuble en construction. La première ministre Élisabeth Borne a dénoncé sur Twitter des « scènes de violences […] inacceptables ».
En début de soirée, la préfecture de police faisait état de 111 personnes interpellées à Paris (près de 300 en France en tout). Parmi elles, le comédien Xavier Mathieu, ancien leader syndical de l’usine Continental de Clairoix.
Emmanuel Macron a quant à lui préféré s’adresser à des personnes qu’il estime sans doute bien éloignées de celles et ceux qui ont manifesté contre son action : « Vous vous levez tôt pour nous nourrir. Vous faites rayonner les savoir-faire de nos territoires. Vous contribuez à notre souveraineté, a-t-il tweeté. En ce 1er mai, à tous les travailleurs, merci. »
Pauline Graulle et Dan Israel
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