En 2010, pour nous faire avaler le budget « solidaire » de Charest, qui écrasait de nouveau la classe moyenne avec de grosses hausses de la TVQ et de tarifs de plusieurs services publics, l’indépassable ex-libérale Nathalie Normandeau avait une fois de plus récidivé dans ses élucubrations en disant miser sur la « pédagogie » (La Presse, 12 avril 2010).
La ministre, comme certains de ses amis politiciens de tous partis, confond intoxication et désinformation avec pédagogie et conscientisation. Charest et le patronat demandent au monde d’être solidaires et de collaborer pour assainir les finances publiques. Pour eux, collaborer prend le sens de se soumettre sans rechigner.
Le patronat mise aussi beaucoup sur la pédagogie pour nous faire connaître leurs bienfaits et se faire aimer. Si on ne veut rien comprendre à leur pédagogie particulière véhiculée par leurs anciens politiciens convertis en lobbyistes, par leurs investisseurs, leurs médias, leurs organismes de recherche et leurs élus de service, et bien tant pis pour vous autres, vous les forcer alors à passer aux menaces. Y’a tout de même une mautadite limite à vous faire comprendre le bon sens et leur immense tolérance n’est pas infinie.
Tiens, prenons le cas de la bonne industrie du gaz de schiste au Québec, contrôlée par des firmes étrangères, qui compte « seulement » 55 lobbyistes à Québec (Le Devoir, 30 mars 2011) pour « sensibiliser » Charest et sa gang avec comme lobbyiste en chef, nul autre que Lucien Bouchard, grassement rémunéré par la pétrolière Talisman et qui, malgré tout, estime « défendre les intérêts des Québécois » (Le Devoir, 25 février 2011).
Puis-je vous rappeler poliment M. Bouchard que le 25 octobre 2005, vous avez rédigé une opinion dans La Presse intitulée : « Non aux insultes. » Persistez à prétendre défendre dans ce contexte les intérêts des Québécois est vulgaire, hypocrite et cynique et frise le mépris. Trop c’est comme pas assez, avait dit le poète français Beaudelaire.
Pour dissiper nos réticences et nos blocages, l’industrie du gaz de schiste a donc concocté une offensive démagogique, qu’il prenne pour de la pédagogie, mise au point par le cabinet National (La Presse, 25 août 2010). Tel que signalé dans le Journal de Montréal du 31 août 2010 : « Les compagnies gazières veulent calmer le jeu », c’est-à-dire fermer la trappe des gueulards invétérés que sont les groupes écologistes et soumettre la population à leurs diktats. Comme l’a dit, avec presqu’une larme aux yeux, Alain Lemaire, le boss de la papetière Cascades et du producteur d’électricité Boralex : « Les groupes de pression mènent les entrepreneurs par le bout du nez » (Le Devoir, 20 avril 2011). Vous m’en direz tant. M. Lemaire, vous feriez un tabac au Festival Juste pour rire.
Si, supposément, les groupes qui défendent le bien commun mènent les affairistes par le bout du nez, les groupes de pression patronaux mènent Charest et son troupeau de députés et ministres par les oreilles puisque Charest a délibéré en toute « indépendance » : « Gaz de schiste : c’est l’industrie qui consultera le public » (Le Devoir, 6 mai 2011). Alors qui mène vraiment au Québec ? Les libéraux pensent à protéger leur passage au privé au cas où ! Je répète qu’il fait bon vivre en démocratie dans une province où le gouvernement préconise la liberté individuelle et la modernisation de l’État. Liberté et modernisme, quoi demander de mieux ?
Ah ben là, la pédagogie a ses limites. Si vous continuez à « boquer » et à être « bouchés », vous allez constater que la patience des monarques et leur tangente démocratique a tout de même ses limites : « Gaz de schiste : l’industrie pourrait poursuivre Québec. » « Il y a quelque chose de fondamentalement inéquitable dans un moratoire et ça ne peut pas rester comme ça », avait sangloté l’ex-PDG de cette industrie, André Caillé, ancien président d’Hydro-Québec qu’il aurait bien aimé privatiser et passer « GO » avant de joindre l’ADQ.
Franchement, André Caillé, qui nous entretient sur la notion d’équité, ça vaut bien trois cloches et cinq morceaux de robot. Puis, le nouveau patriarche de l’industrie, Lucien Bouchard, en rajoute : « Gaz de schiste : Bouchard adopte un ton menaçant. L’industrie exige des compensations sous peine de poursuite pour la perte de l’accès au lit du Saint-Laurent et aux îles de l’estuaire » (Le Devoir, 1er juin 2011). Laissez-les donc opérer nos propres ressources naturelles comme bon leur semble. C’est-y assez clair ?
Ils veulent seulement contrer l’immobilisme au Québec et créer de la richesse. Aucun problème puisqu’elles ont un rigoureux code de responsabilité sociale. Comme l’a dit l’étincelant ministre libéral Clément Gignac, ex-dirigeant de la Banque Nationale, les « Québécois doivent surmonter leur malaise face aux riches », même s’ils deviennent justement riches en s’appropriant gratos et en exploitant nos ressources naturelles et nos services publics (La Presse, 16 avril 2011), gracieuseté de nos politiciens. Bande de jaloux, va ! Enfin, dans un élan d’immense générosité, Lucien Bouchard invite maintenant Québec à investir dans le gaz de schiste (Le Devoir, 1er octobre 2011).
Un autre ex-péquiste devenu lui aussi domestique chez Questerre, André Boisclair, a dit la même chose que son idole Lulu dans une opinion parue dans La Presse du 20 septembre 2011 : « Soyons actionnaires : Des sociétés d’État devraient s’associer au développement de l’industrie du gaz de schiste. » Après, ils ont le toupet de s’autoqualifier de lucides. Les mots me manquent pour exprimer le fond exact de ma pensée. Calvinsse, ils s’approprient nos ressources naturelles pour rien, gracieuseté de leurs politiciens commandités et après ils nous les vendent à gros prix. C’est comme le gars qui vous volerait votre maison et après vous inviterait poliment à l’acheter en partie tout en restant locataire seulement.
C’est quoi au juste la grosse joke plate du journal Le Devoir de s’éterniser sur l’idée primaire et éculée de Lucien Bouchard pendant plusieurs jours. Encore le 4 octobre 2011, gros titre, en première page SVP : « Gaz de schiste : des économistes critiques la proposition Bouchard. » Les journalistes du Devoir n’ont pas autre chose de mieux à faire que de tergiverser sur les inepties de Lulu. On le sait bien, toute idée simpliste venant d’un quelconque lucide est interprétée par nos médias comme une nouvelle géniale et audacieuse alors qu’il ne s’agit que d’une crotte intellectuelle. Nos aimables reporters les qualifient même de visionnaires.
Et pour terminer, je prends bonne note de cet article paru dans Le Devoir du 1er octobre 2011 intitulé : « Sondage : Au Québec, les entreprises hésitent à collaborer avec les universités. » Dans mon cas, pas d’hésitation, elles ne m’ont jamais approché afin d’établir une collaboration durable et sincère. Je me demande bien pourquoi ? Ça me chagrine tellement.
Cet article est tiré du journal Métro Montréal