Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Au centre du congrès d’Option nationale, une nouvelle feuille de route pour l’indépendance

Les 30 et 31 janvier dernier, Option nationale a tenu à Québec son congrès sous le thème : à l’avant-garde du mouvement indépendantiste. Si on se fie aux décomptes des votes sur les différentes résolutions discutées, ce congrès a réuni une centaine de personnes environ dont 25% de femmes. Pour qui a fréquenté les organisations nationalistes qui mobilisent habituellement un nombre important de retraités, la jeunesse du membrariat d’Option nationale est particulièrement frappante.

Une avant-garde malmenée, mais qui veut multiplier les initiatives

Les rapports du Conseil national, du Comité exécutif et du responsable des états financiers ont permis aux déléguéEs de faire un bilan de la situation du parti et d’esquisser les perspectives de sa construction.

Dans ces différents rapports, les responsables d’Option nationale n’hésitent pas à présenter leur parti comme l’avant-garde de la lutte indépendantiste. Option nationale, a-t-on affirmé, a été le premier parti à prendre un engagement clair à réaliser l’indépendance. Il a été le premier parti à élaborer une politique numérique substantielle.. Option nationale est une organisation qui milite sur le terrain pour rallier concrètement des citoyens a une plate-forme assez formidable, a tenu à souligner le chef du parti, Sol Zanetti.

Mais cette avant-garde a été particulièrement malmenée par les élections de 2014. Aux dernières élections québécoises, le vote du parti est passé de 1,89% à 0,73%. Cela a signifié un recul important dans les finances du parti qui a dû mettre fin à la location d’une permanence et à l’emploi des permanents. La fin de 2014 et l’année 2015 ont été une période très austère pour le parti qui est devenu un parti de bénévoles.

Mais, le dévouement des militantEs, a permis en 2015 de redresser la situation. Non seulement les déficits budgétaires ont été comblés, mais les initiatives politiques, comme la publication et la diffusion du “Livre qui fait dire oui” ont connu un franc succès.. Si bien qu’en 2015, le chef a pu reprendre ses tournées et qu’en 2016, une nouvelle tournée se fera dans les cégeps et les universités. Programme national d’assemblées de cuisine, mise sur pied d’une Université du parti, utilisation systématique des médias sociaux, campagne de financement, les projets sont nombreux et se veulent mobilisant.

Un plan d’action pour améliorer la situation des femmes dans le parti

Il suffit de calculer la composition de genre de l’assistance au congrès, le petit nombre de femmes qui se sont présentées au Conseil national (3 femmes pour 11 postes) ou qui interviennent aux micros et d’y ajouter la non féminisation des textes et du matériel du parti, pour voir la prédominance des hommes dans ce parti. Mais, les femmes d’Option nationale se sont attaquées à ces problématiques et un plan d’action a été présenté pour y faire face. La nouvelle directrice, Viviane Martinova a fait une présentation intitulée : "La mise en valeur du rôle des femmes au sein d’Option nationale". L’idée principale était de sensibiliser les instances à la problématique au regard du pouvoir, de la démocratie et de la représentativité. Elle a parlé de démarrer une démarche concrète pour améliorer la représentativité des femmes dans les instances. Les mots clés : suivi, leadership, conférences et en lien avec le CE et la direction des communications.

Pour savoir pourquoi des femmes ont "lâché" un questionnaire sera envoyé qui planifie 4 mesures :
1. Féminisation des communications ; ;
2. Mise de l’avant du leadership des femmes qui est nécessaire pour gagner ;
3. Organisation d’événements : effort de recrutement, repérer talents potentiels, mentorat ;
4. Suivi trimestriel et questionnaire. [1] [2]

Le débat sur l’accession à la souveraineté

Le principal enjeu de la discussion sur la révision du programme concernait l’article 1 du programme du parti soit la modification de la stratégie d’Option nationale concernant l’accession à l’indépendance.

Premièrement, il y a eu l’adoption d’un préambule indiquant qu’il « adoptera une loi fondamentale qui succédera à la constitution canadienne en territoire québécois. Il servira de cadre légal d’un Québec en voie d’obtenir sa pleine indépendance ». Il inscrit bien la voie qu’un gouvernement doit suivre dans son processus d’accès à l’indépendance.

Cette résolution présentée par la commission politique et adoptée unanimement a été complétée par une autre présentée par l’Association de Montréal qui stipule que ce gouvernement « Enclenchera un processus d’assemblée constituante citoyenne indépendante et non partisane, élue ou tirée au sort, afin que soit écrite une constitution du Québec indépendant de la manière la plus démocratique qui soit et avec la plus grande participation citoyenne possible. Cette constitution définira les institutions du Québec et établira la reconnaissance des valeurs fondamentales québécoises et des droits, libertés et devoirs des citoyens ».

Cette résolution introduit la notion d’assemblée citoyenne élue, indépendante et non partisane qui n’existait pas dans le texte antérieur, elle prévoit cependant la possibilité d’une nomination tirée au sort. Lors des discussions, les personnes qui soutenaient cette proposition ont expliqué qu’ils ont préféré laisser une latitude plus large, mais que l’important est qu’elle prévoit la possibilité d’élection.

Probablement qu’ils ont eu raison d’agir avec souplesse parce qu’il s’agissait d’un changement important par rapport à la position antérieure qui stipulait uniquement que la constitution devait être écrite avec la plus grande participation possible de la population du Québec, accompagnée d’experts en la matière. Cependant, malgré l’appui de Sol Zanetti qui a voté en faveur la résolution, celle-ci n’a été adoptée que par 4 voies de majorité.

L’importance de cet enjeu a été soulignée le dimanche matin par la conférence de Marc Sanjaume-Calvet dans laquelle il a présenté les différentes feuilles de route possibles dans l’accession d’une nation à l’indépendance. Il a comparé les feuilles de route québécoise (de 95), écossaise et catalane (2012-2016). Il a insisté principalement sur la riche expérience de la Catalogne avec ses échecs passés et ses perspectives actuelles. [3] ainsi que les débats qui l’ont suivi [4]. Ces débats ont constitué un moment fort stimulant pour la réflexion autour de la question des diverses voies d’accessibilité à l’indépendance.

Le congrès a rejeté un autre amendement de l’association de Montréal qui proposait qu’ un ajout d’un article après l’article 1.1.1 : Ce dernier se lit comme suit : Fera une déclaration d’indépendance du Québec dans le cas où la somme des votes obtenus par les partis indépendantistes correspond à au moins 50% + 1 des suffrages lors d’une élection générale ; et un ajout d’un article au chapitre 1.1 :
Fera entériner la constitution du Québec indépendant par référendum ainsi que, dans le cas où l’ensemble des partis indépendantistes ne s’est pas vu accorder une majorité des suffrages lors de l’élection générale, l’indépendance du Québec ; » Plusieurs personnes sont intervenues en défaveur en indiquant qu’on ne pouvait pas préjuger de la signification du vote concernant les autres partis à savoir s’il s’agit d’un vote souverainiste ou non.

Le congrès a également adopté une résolution provenant de l’association régionale de Montmorency qui propose l’ajout d’un article au chapitre 1.1 :« Mettra sur pied une mission diplomatique internationale permanente afin de promouvoir le projet d’indépendance auprès de nos principaux partenaires internationaux ; »

Débats sur laïcité, sur l’exploitation des ressources naturelles, sur un moratoire sur le secteur des gaz et pétrole de schiste, sur une stratégie d’indépendance énergétique, sur le système d’éducation et de formation, sur le système de santé, sur la langue et la culture nationale, et sur un Québec numérique... Le congrès a abattu un travail considérable en un temps record. Il faudra revenir sur les positions adoptées car nombre de ces dernières peuvent prêter à controverses et nécessiteront des débats qui peuvent être éclairants.

Lors de la discussion qui a suivi la présentation du représentant de la Catalogne, Sol Zanetti est intervenu dans la période de questions et a indiqué que :"L’idée du processus de constituante amené depuis plusieurs années par Québec solidaire a beaucoup stimulé la réflexion du mouvement indépendantiste sur cette question." (Voir vidéo)

Un autre délégué aussi membre du Oui Québec s’est exprimé en disant que : « Il y a une idée très tenace dans le mouvement indépendantiste à l’effet que l’indépendance n’est pas ni de gauche ni de droite. Mais quand je regarde l’exemple de l’Écosse et aussi de la Catalogne comme dans la présentation ce n’est pas le cas. Une représentante écossaise expliquait qu’ils ont lié leur projet d’indépendance à un projet social. Elle disait que si nous on avait choisi un projet neutre ça n’aurait intéressé personne, c’est le fait d’avoir lié l’indépendance à un projet profondément progressiste qui a mobilisé les gens et frappé leur imaginaire. »

En ce qui concerne les changements aux statuts

Le congrès a refusé de modifier l’article 3 intitulé Ouverture à la collaboration tel que proposé par l’association de Granby, qui proposait de biffer les mots « voire fusionner » dans le texte qui affirme qu’ON affiche une ouverture permanente à collaborer, voire fusionner avec toute autre formation politique dont la démarche est aussi clairement et concrètement indépendantiste que la sienne…

Il a aussi rejeté la proposition de Beauce-Sud à l’article 19 intitulé Préparation du congrès national à l’effet de permettre aux officiers du comité exécutif local de formuler des propositions d’amendements au programme, aux statuts ou au code d’éthique en vue d’un Congrès national. Les déléguéEs considéraient que cela enlèverait des pouvoirs décisionnels aux associations et aux membres.

Un nouveau chapitre (3) a été ajouté sur recommandation de l’association de Trois-Rivières concernant les Cellules étudiantes dans lequel on définit ses fonctions, ses responsabilités et son fonctionnement. Une résolution de la Capitale nationale proposant de réduire le nombre de conseillers et conseillères siégeant Conseil national de 12 à 7 a été rejetée par le congrès.

Un parti qui pourra de moins en moins défendre que l’indépendance est ni de gauche ni de droite...

Option nationale est parti composé de jeunes motivés par la volonté de s’engager dans la lutte pour l’indépendance du Québec. Organisation de tournées dans les cégeps et les universités du Québec, offensive pour une utilisation systématique des médias sociaux, création et utilisation d’un intranet ludique permettant un travail collaboratif de tous les membres, volonté de renforcer l’argumentaire indépendantiste, la créativité semble au rendez-vous. Mais, pour rejoindre la majorité populaire, il faudra savoir articuler la lutte pour l’indépendance et lutte pour une société de justice sociale. Il y a des ruptures politiques et idéologiques avec la politique traditionnelle et avec le mythe d’une indépendance hors sol détachée des enjeux sociaux qui devront être faites. Les luttes sociales contre l’austérité, par exemple, n’ont pratiquement pas été invoquées. La place des organisations syndicales et sociales dans la lutte pour l’indépendance n’est pas encore sérieusement pris en compte. Il serait crucial pour l’avenir d’Option nationale que ces questions soient prises en compte et largement débattues. Pour favoriser ces discussions, il serait intéressant qu’Option nationale engage le débat avec un parti qui comprend que l’indépendance se fera à gauche, par la mobilisation de la majorité populaire. Pour ce faire, Québec solidaire, nous n’en doutons pas, pourra être au rendez-vous.


[1Merci à Marie-Céline Domingue pour ses notes sur cette partie du congrès.

[2Voir ici le plan d’action : Que le comité exécutif développe une politique afin de valoriser la place des femmes et désigne un- une responsable du Conseil national pour s’occuper de la question de la place des femmes dans le mouvement indépendantiste. Afin de démarrer une démarche concrète pour améliorer la représentativité des femmes sur nos instances.
Pistes solutions : 1- Féminisation des communications ; 2- Intégrer une présentation sur la question des femmes dans nos formations ; 3- Effort « Extra » à l’organisation de projets et événements en commençant par le recrutement de candidates ;4- Effectuer un suivi aux 3 mois. Résolu que le Parti mette les ressources appropriées à la mise en valeur de la participation et au rôle des femmes dans nos instances.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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