Édition du 25 février 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Une homélie qui indispose drôlement Donald Trump

Le bon Dieu a le dos large...

Le 23 mars 1933, Adolf Hitler affirme que Les Églises chrétiennes sont un élément essentiel pour la sauvegarde de l’âme du peuple allemand.

Le 11 octobre 1973, Augusto Pinochet décrit son coup d’état du 11 septembre qui renversait brutalement du pouvoir le président chilien démocratiquement élu Salvador Allende comme le jour où la main de Dieu se fit présente pour nous sauver !

Lors de son discours d’inauguration le 20 janvier dernier, Donald Trump, se réfère à la tentative d’assassinat contre lui et affirme qu’il a été sauvé par Dieu afin que l’Amérique puisse redevenir un pays formidable !

Je vais ramener le bon sens à notre pays, dit Trump.

Fini le temps où dans nos écoles les enfants apprennent à critiquer et dénigrer leur pays (une allusion, de toute évidence, à l’esclavage, au racisme, aux manœuvres secrètes de la CIA pour renverser des gouvernements, au soutien de dictatures, etc.).

Où on ouvre nos frontières du sud à des millions de criminels : des gens qui violent les femmes, des fous qui sortent des asiles, des gens qui sèment le bordel dans nos villes.

Où on privilégie systématiquement et injustement l’embauche de femmes et non d’hommes, de noirs, de latinos, etc., au lieu d’hommes blancs.

Où le système de justice est transformé en arme pour persécuter des gens complètement innocents comme moi ! Où on prétend qu’il n’y a pas seulement des hommes et des femmes dans ce monde.

Où on invente une soi-disant crise environnementale, impose des règlements, oblige le monde à acheter une voiture électrique et restreint la production de pétrole, ce qui fait monter en flèche les prix.

Où on tente de limiter la liberté d’expression sur Facebook, X, etc., en exigeant que ces derniers s’assurent que ce qui se dit dans ces réseaux sociaux correspond à la vérité et ne fait pas de tort à nos jeunes.

Toutes les entrées illégales seront immédiatement stoppées et nous commencerons à renvoyer des millions et des millions d’étrangers criminels dans leur pays d’origine. (...) J’enverrai des troupes à la frontière sud pour repousser l’invasion désastreuse de notre pays.

Je pourrais continuer à énumérer les nombreuses déclarations fracassantes de Donald Trump, lequel, quelques jours plus tard, renvoyait dans leurs pays d’origines – Colombie, Brésil, Honduras, etc. – mains et pieds attachés comme s’il s’agissait de criminels, des milliers d’immigrants et ceci, à bord d’avions militaires américains.

Cependant, je préfère reproduire l’homélie remarquable qu’a prononcée en présence de Donald Trump l’évêque anglicane Mariann Edgar Budde lors d’une cérémonie religieuse qui avait lieu dans la cathédrale nationale de Washington le 21 janvier.

L’aspect impérialiste et parfois farfelu du nouveau président saute aux yeux. Faire en sorte que le Canada devienne, via une guerre commerciale, une partie des États-Unis. Prendre de force le canal de Panama ainsi que le Groenland. Faire fi du traité de libre-échange et imposer un tarif de 25% sur tout produit provenant du Canada ou du Mexique.

Dans son discours à Davos, Trump affirme que l’inflation sous Biden a atteint un niveau record, ce qui est complètement farfelu : en 1980 elle atteignait 14% ! Il affirme, à Davos, devant les riches de la planète, que s’ils ne veulent pas payer de tarifs, ils doivent déménager leurs entreprises aux États-Unis, ce qui est encore complètement farfelu : ce sont les Américains qui paieraient les tarifs imposés par Trump, non pas eux !

La révérende Mariann Edgar Budde lance des flèches à Trump au niveau des valeurs humaines et spirituelles. Faire appel au mépris et au racisme n’est pas du tout une bonne façon de gérer un pays, lui laisse-t-elle clairement entendre.

L’homélie de l’évêque

Elle débute son homélie en citant le passage suivant de l’Évangile de Matthieu 7:24-29 :

Ô Dieu, tu nous as créés à ton image et tu nous as rachetés par l’intermédiaire de Jésus, ton Fils : Regarde avec compassion toute la famille humaine ; enlève l’arrogance et la haine qui infectent nos cœurs ; fais tomber les murs qui nous séparent ; unis-nous dans des liens d’amour ; et fais en sorte qu’à travers nos luttes et notre confusion nous puissions accomplir tes desseins sur la Terre ; afin qu’en ton temps, toutes les nations et toutes les races puissent te servir dans l’harmonie autour de ton trône céleste ; par Jésus-Christ notre Seigneur.

Jésus a dit : "Quiconque entend mes paroles et les met en pratique sera semblable à un homme sage qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les inondations sont venues, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison, mais elle n’est pas tombée, parce qu’elle était fondée sur le roc. Quiconque entend mes paroles et ne les met pas en pratique sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les flots ont déferlé, les vents ont soufflé et battu cette maison, et elle est tombée, et sa chute a été grande. Quand Jésus eut achevé de dire ces choses, les foules furent frappées de son enseignement, car il les enseignait comme quelqu’un qui a de l’autorité, et non comme leurs scribes.

Rejoints par de nombreuses personnes à travers le pays, nous nous sommes réunis ce matin pour prier pour l’unité de la nation - non pas pour un accord, politique ou autre, mais pour le type d’unité qui favorise la communauté au-delà de la diversité et de la division, une unité qui sert le bien commun.

L’unité, dans ce sens, est le seuil requis pour que les gens puissent vivre ensemble dans une société libre, c’est le roc solide, comme l’a dit Jésus, dans ce cas, sur lequel on peut construire une nation. L’unité n’est pas la conformité. Ce n’est pas une victoire de l’un sur l’autre. Ce n’est pas une politesse lasse ni une passivité née de l’épuisement. L’unité n’est pas partisane.

L’unité est plutôt une façon d’être ensemble qui englobe et respecte les différences, qui nous apprend à considérer les multiples perspectives et expériences de vie comme valables et dignes de respect, qui nous permet, dans nos communautés et dans les lieux de pouvoir, de nous soucier sincèrement les uns des autres même lorsque nous ne sommes pas d’accord. Ceux qui, dans notre pays, consacrent leur vie ou se portent volontaires pour aider les autres en cas de catastrophe naturelle, souvent au péril de leur vie, ne demandent jamais à ceux qu’ils aident pour qui ils ont voté lors des dernières élections ou quelles sont leurs positions sur un sujet particulier. C’est en suivant leur exemple que nous sommes au meilleur de nous-mêmes.

L’unité est parfois sacrificielle, de la même manière que l’amour est sacrificiel, un don de soi pour le bien d’autrui. Dans son sermon sur la montagne, Jésus de Nazareth nous exhorte à aimer non seulement nos voisins, mais aussi nos ennemis, à prier pour ceux qui nous persécutent, à être miséricordieux comme notre Dieu est miséricordieux et à pardonner aux autres comme Dieu nous pardonne. Jésus a fait des pieds et des mains pour accueillir ceux que sa société considérait comme des parias.

Je reconnais que l’unité, dans ce sens large et étendu, n’est qu’une aspiration. L’unité à laquelle nous appelle notre Dieu est exigeante et reflète ce qu’il y a de meilleur et de plus noble en chacun de nous. Toutes nos prières ne servent pas à grand-chose si dans notre comportement, nous ne faisons qu’accentuer et exploiter les divisions qui existent entre nous.

Nos Écritures sont très claires : Dieu n’est jamais impressionné par des prières lorsque nos actions ne vont pas dans le même sens. Dieu ne nous épargne pas non plus les conséquences de nos actes qui, en fin de compte, comptent plus que nos paroles de prières.

Ceux d’entre nous qui sont rassemblés dans cette cathédrale ne sont pas naïfs face aux réalités de la politique. Lorsque le pouvoir, la richesse et des intérêts concurrents sont en jeu, lorsque les points de vue sur ce que l’Amérique devrait être, sont en conflit lorsque des opinions fortes s’expriment à travers un éventail de possibilités et que des compréhensions radicalement différentes de ce que doit être la bonne ligne de conduite, il y aura des gagnants et des perdants lorsque des votes seront exprimés ou que des décisions seront prises qui détermineront le cours de la politique publique et la priorisation des ressources. Il va sans dire que dans une démocratie, les espoirs et les rêves de chacun ne se réaliseront pas au cours d’une session législative, d’un mandat présidentiel ou même d’une génération. Les prières spécifiques de chacun - pour ceux d’entre nous qui sont des personnes de prière - ne seront pas toujours exaucées comme nous le souhaiterions. Mais pour certains, la perte de leurs espoirs et de leurs rêves sera bien plus qu’une défaite politique, elle se traduira par une perte d’égalité, de dignité et de moyens de subsistance.

Dans de telles conditions, une véritable unité entre nous est-elle même possible ? Et pourquoi devrions-nous nous en préoccuper ?

J’espère que nous nous en soucions, car la culture du mépris qui s’est normalisée dans notre pays menace de nous détruire. Nous sommes tous bombardés quotidiennement de messages provenant de ce que les sociologues appellent aujourd’hui le complexe industriel de l’outrage , dont certains sont dirigés par des forces extérieures dont les intérêts sont favorisés par une Amérique polarisée. Le mépris alimente nos campagnes politiques et les réseaux sociaux, et nombreux sont ceux qui en tirent profit. Mais c’est une façon carrément dangereuse de diriger un pays.

Je suis une personne de foi et, avec l’aide de Dieu, je crois que l’unité de ce pays est possible - pas une unité parfaite, certes, car nous sommes tous imparfaits comme personnes – mais assez forte pour nous permettre de continuer à croire et à travailler à la réalisation des idéaux des États-Unis d’Amérique - idéaux exprimés dans la Déclaration d’indépendance, avec son affirmation de l’égalité et de la dignité innées de l’homme.

Prier Dieu afin qu’il nous aide à atteindre l’unité a du sens - nous avons besoin de son aide - mais seulement si nous sommes prêts à entretenir les fondations dont dépend l’unité. À l’instar de l’analogie de Jésus avec la construction d’une maison de foi sur le roc de ses enseignements, par opposition à la construction d’une maison sur le sable, les fondations dont nous avons besoin pour l’unité doivent être suffisamment solides pour résister aux nombreuses tempêtes qui la menacent.

Quels sont les fondements de l’unité ? En m’inspirant de nos traditions et textes sacrés, je dirais qu’il y en a au moins trois.

Le premier fondement de l’unité consiste à honorer la dignité inhérente à chaque être humain, qui est, comme l’affirment toutes les confessions représentées ici, le droit de naissance de tous les peuples en tant qu’enfants du Dieu unique. Dans le discours public, honorer la dignité de chacun signifie refuser de se moquer, de rabaisser ou de diaboliser ceux avec qui nous sommes en désaccord, et choisir au contraire de débattre respectueusement de nos différences et, chaque fois que cela est possible, de chercher un terrain d’entente. Si un terrain d’entente n’est pas possible, la dignité exige que nous restions fidèles à nos convictions sans mépriser ceux qui ont leurs propres convictions.

Un deuxième fondement de l’unité est l’honnêteté, tant dans les conversations privées que dans les discours publics. Si nous ne sommes pas disposés à être honnêtes, il ne sert à rien de prier pour l’unité, car nos actions vont à l’encontre des prières elles-mêmes. Nous pourrions, pendant un certain temps, éprouver un faux sentiment d’unité chez certains, mais pas l’unité plus solide et plus large dont nous avons besoin pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.

Pour être juste, nous ne savons pas toujours où se trouve la vérité, et beaucoup de choses vont à l’encontre de la vérité aujourd’hui, et ce de manière stupéfiante. Mais lorsque nous savons ce qui est vrai, il nous incombe de dire la vérité, même lorsque - et surtout lorsque - cela nous coûte.
Un troisième fondement de l’unité est l’humilité, dont nous avons tous besoin, car nous sommes tous des êtres humains faillibles. Nous commettons des erreurs. Nous disons et faisons des choses que nous regrettons. Nous avons nos angles morts et nos préjugés, et nous sommes peut-être les plus dangereux pour nous-mêmes et pour les autres lorsque nous sommes persuadés, sans l’ombre d’un doute, que nous avons tout à fait raison et que quelqu’un d’autre a tout à fait tort. Car nous sommes alors à deux doigts de nous étiquetter comme les bonnes personnes, par opposition aux mauvaises personnes.

La vérité est que nous sommes tous des personnes, capables du meilleur comme du pire. Alexandre Soljenitsyne a judicieusement observé que « la ligne de démarcation entre le bien et le mal ne passe pas par les États, ni par les classes, ni par les partis politiques, mais par chaque cœur humain et par tous les cœurs humains ». Plus nous en prenons conscience, plus nous avons de place en nous pour l’humilité et l’ouverture à l’autre au-delà de nos différences, car en fait, nous sommes plus semblables les uns aux autres que nous ne le pensons, et nous avons besoin les uns des autres.

Il est relativement facile de prier pour l’unité dans les occasions solennelles. Cependant, il est beaucoup plus difficile à réaliser cette unité lorsque nous sommes confrontés à de réelles différences dans l’arène publique. Mais sans unité, nous bâtissons l’édifice de notre nation sur du sable.

Avec un engagement en faveur de l’unité qui intègre la diversité et transcende les désaccords, et les solides fondations de dignité, d’honnêteté et d’humilité qu’une telle unité requiert, nous pouvons faire notre part, à notre époque, pour aider à réaliser les idéaux et le rêve de l’Amérique.

Permettez-moi de vous adresser un dernier appel, Monsieur le Président. Des millions de personnes vous ont fait confiance. Comme vous l’avez dit hier à la nation, vous avez senti la main providentielle d’un Dieu aimant. Au nom de notre Dieu, je vous demande d’avoir pitié des personnes de notre pays qui ont peur en ce moment. Il y a des enfants gays, lesbiennes et transgenres dans des familles démocrates, républicaines et indépendantes qui craignent pour leur vie.

Et les personnes qui cueillent nos récoltes et nettoient nos immeubles de bureaux, qui travaillent dans nos élevages de volaille et nos usines d’emballage de viande, qui lavent la vaisselle dans les restaurants et qui travaillent de nuit dans les hôpitaux - ils ne sont peut-être pas citoyens ou n’ont pas les papiers nécessaires, mais la grande majorité des immigrants ne sont pas des criminels. Ils paient des impôts et sont de bons voisins. Ils sont des membres fidèles de nos églises, mosquées et synagogues, gurdwara et temples.

Ayez pitié, Monsieur le Président, des membres de nos communautés dont les enfants craignent que leurs parents leur soient enlevés. Aidez ceux qui fuient les zones de guerre et les persécutions dans leur propre pays à trouver ici compassion et accueil. Notre Dieu nous enseigne que nous devons être miséricordieux envers l’étranger, car nous avons été un jour des étrangers sur cette terre.

Que Dieu nous donne à tous la force et le courage d’honorer la dignité de chaque être humain, de dire la vérité dans l’amour et de marcher humblement les uns avec les autres et avec notre Dieu, pour le bien de tous les habitants de cette nation et du monde.

Trump réagit à l’homélie

Comme on pouvait s’y attendre, Trump n’a pas tardé à réagir, faisant appel encore une fois au mépris pour tenter de neutraliser une personne qui l’accusait justement de gérer les États-Unis en faisant constamment appel au mépris.

Sur son Truth Social, il dénonce la « soi-disant évêque » la qualifiant de « radicale de gauche qui déteste Trump ». Trump, qui a grossièrement fait entrer Dieu « dans le monde de la politique » en affirmant que Dieu l’avait sauvé afin qu’il puisse restaurer la splendeur des États-Unis, accuse maintenant l’évêque d’avoir fait entrer « son église dans le monde de la politique d’une manière très indigne ». Son homélie, insiste-t-il, était « méchante dans le ton », « ennuyeuse » et « peu inspirante ». Elle et son église doivent absolument venir s’excuser !

La révérende Mariann Edgar Budde a riposté à Trump. Je ne suis pas une radicale de gauche. Sa réaction me désole. Je ne vais pas m’excuser...


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