Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Une façon simple d'éviter le précipice fiscal

En ce moment, le Président Obama et les Républicains du Congrès ont repris leurs vieux arguments d’avant l’élection présidentielle dans le débat sur le « précipice fiscal ». Ils sont toujours incapables de jouer vraiment sur les éléments de base de la situation, les revenus et les dépenses. Les deux parties refusent de considérer l’introduction d’une minuscule taxe sur les transactions financières qui amènerait des revenus significatifs.

En ce moment, le Président Obama et les Républicains du Congrès ont repris leurs vieux arguments d’avant l’élection présidentielle dans le débat sur le « précipice fiscal ». Ils sont toujours incapables de jouer vraiment sur les éléments de base de la situation, les revenus et les dépenses. Les deux parties refusent de considérer l’introduction d’une minuscule taxe sur les transactions financières qui amènerait des revenus significatifs. [1]

Source : counterpunch.org, 3 décembre 2012,

Traduction, Alexandra Cyr,

Cette taxe s’appliquerait sur les achats et les ventes des produits dérivés, des options et des actions et obligations. Elle serait minime, de l’ordre d’un demi- sous ou moins sur chaque dollar de transaction, selon le produit. On la qualifie souvent de « taxe sur la spéculation » parce qu’elle toucherait plus fortement le grand volume des transactions électroniques et beaucoup moins les investissements plus traditionnels à long terme.

Il se peut que Wall Street s’objecte mais il n’y a rien de radical à ce que ses ventes soient taxées. Il n’y a que cinq États aux États-Unis où aucune taxe de vente ne soit en vigueur. Ailleurs les consommateurs-trices sont habituéEs à payer jusqu’à 7% de taxe sur leurs achats d’auto, d’appareils ménager, de meubles etc. Mais un agent à Wall Strret peut acheter et vendre pour des millions de dollars en produits financiers chaque jour et ne jamais payer un sous de taxes. UnE enseignantE, unE policierÈRE qui achète une paire de chaussures de 100.00$ dans le District de Columbia ou au Maryland va devoir payer 6.00$ de taxe de vente. Si une taxe sur la spéculation financière était appliquée, à hauteur de 0.25 sous sur les transactions boursières, l’agent n’aurait à payer que ce ¼% sur chaque 100.00$ qu’il aurait réalisé au cours de sa journée.

Ce n’est même pas une idée nouvelle. Le Congrès avait adopté une telle loi en 1914 ; elle est demeurée en vigueur jusqu’en 1966. L’imposition était de 2 sous sur chaque dollar de vente d’actions. Plus tard, le prix Nobel d’économie, James Tobin a proposé ce genre de taxe sur les échanges spéculatifs à l’échelle internationale. J’ai moi-même écrit à ce sujet il y a environ un an ; je demandais au Congrès d’utiliser cette voie pour montrer qu’il n’était pas sourd aux revendications du mouvement Occupy Wall Street.

Voilà que sa pertinence se pointe encore une fois.

La nécessité de réduire notre déficit national est au cœur du débat sur le précipice fiscal. En même temps il nous faut préserver une timide reprise en limitant l’impact financier sur les AméricainEs de la classe moyenne. Une taxe sur la spéculation accomplirait cette tâche : elle augmenterait les revenus (du gouvernement) et aurait peu d’effets sur la plupart des portefeuilles américains. En plus, elle réduirait l’effet dévastateur de la montée des transactions spéculatives à Wall Street.

Selon un rapport conjoint du Center for Economic and Policy Research et du Political Economy Research Institute, ce genre de taxe pourrait rapporter environ 350 mille milliards de dollars au gouvernement annuellement. Même si nous faisions l’hypothèse erronée qu’elle ferait diminuer de moitié les transactions sur le marché, les coffres du gouvernement n’en recueilleraient pas moins 175 mille milliards de dollars par année.

Comparez cela avec les politiques dont on discute en ce moment autour du précipice fiscal. Le Président Obama suggère que les baisses d’impôts et taxes de l’époque Bush continuent à s’appliquer à tous et toutes sauf au 2% des plus riches. Cela va coûter 171 mille milliards de dollars par année en perte de revenus. Raccommoder l’impôt minimum alternatif pour s’assurer qu’il ne s’applique plus à trois millions de contribuables de plus, va coûter 40 mille milliard de dollars. Poursuivre les paiements de l’assurance chômage d’urgence coûterait 26 mille milliards de dollars. La taxe sur la spéculation comblerait tous ces besoins …et quelques autres.

En plus de contribuer à réduire le déficit, (comme si ça n’était pas assez), la taxe sur les transactions financières pourrait contribuer à réduire celles qui sont hautement risquées et hyper-spéculatives qui déplacent les ressources de l’économie productive. Comme l’a montré le crash de 2008-09, elles peuvent devenir cause de grande instabilité. L’été dernier, une cinquantaine de professionnelLEs de l’industrie de la finance ont signé une lettre d’approbation envoyée au groupe des 20 dirigeantEs européennEs qui militent pour une telle taxe. Des dirigeantEs du passé comme de la direction actuelle de Golman Sachs, de J.P. Morgan Chase et de Morgan Stanley ont signé cette lettre. Ils et elles soulignent que les marchés financiers ont connu un développement explosif ces dernières dizaines d’années. La valeur des transactions sur ce marché est maintenant 70 fois celle de l’économie réelle globale. Le volume des transactions a augmenté de façon exponentielle passant de 188 mille milliards d’actions transigées sur Nasdaq et au New York Stock Exchange en 1995 à 1 trillion en 2011. Et chaque année, la valeur présumée du marché mondial des produits dérivés échangés de gré à gré se chiffre en trillions de plus.

Dans leur lettre, les professionnelLEs dont nous parlons ici, préviennent que même si les objectifs principaux des marchés financiers sont de récolter du capital d’investissement, d’allouer les ressources efficacement et de diminuer les risques, aujourd’hui, avec ses transactions électroniques à très haute vitesse, ces buts sont de beaucoup affaiblis. John Fullerton, de Capital Institute et ancien p.d.g. de JPMorgan a estimé que près de 70% du volume du marché des actions cotées en bourse passe par ce type de stratégies spéculatives.

Les critiques objectent que cette taxe s’attaquerait aux intérêts des petits investisseurs. Mais cela ne résiste pas à l’examen des faits. On peut dire, qu’en ce moment, beaucoup des coupes de dépenses automatiques et d’augmentation d’impôt qui sont en jeu dans les négociations sur le budget, vont faire bien plus mal à la classe moyenne et aux petits investisseurs (que la taxe sur les transactions financières pourrait en faire). Et on pourrait venir à bout des effets négatifs pour les petits investisseurs. Les représentants démocrates Keith Ellison et Peter DeFazio et le sénateur démocrate d’Iowa ont proposé une taxe sur les transactions financières qui comporterait des mécanismes de protection pour la plupart des petits investisseurs : soit en n’y soumettant pas les individus qui gagnent 50,000$ de revenus ou moins ou en assurant un crédit pour les premiers 100,000$ de transactions boursières par année.

D’autres critiques craignent que cela favorise des transferts de richesse dans les paradis fiscaux. On oublie que la Grande Bretagne applique une taxe du genre qui lui rapporte des milliers de millions de revenu chaque année. 40 pays appliquaient ce genre de taxe en 2011. L’Allemagne et la France ont exprimé leur appui pour qu’elle soit introduite dans l’Union européenne.

La crise financière a commencé il y a 4 ans maintenant. Les AméricainEs en subissent toujours les effets. Le chômage se situe à 8% et le sous-emploi tourne autour de 15%. Et l’administration Obama n’a toujours pas trouvé le moyen de mettre les banques de Wall Street devant leurs responsabilités dans cette affaire. Pire, des institutions comme Goldman Sachs, JPMorgan et Morgan Stanley dont les pratiques spéculatives ont alimenté la crise, on reçu des fonds de sauvetage massifs du département du Trésor et autant de prêts sans intérêt de la Réserve fédérale. Ces banques occupent aujourd’hui une part du marché plus grande que jamais. Le marché des produits dérivés est toujours largement dérèglementé. Et trop de compagnies financières jouent encore avec l’argent des autres.

La taxe sur les transactions financières n’a pas comme objectif d’asséner un coup sur la tête des institutions pour les punir. C’est un outil pratique pour éviter les affres financières que nous prédisent les économistes si nous glissons dans le précipice fiscal. Cette modeste taxe aurait des effets salutaires sur les comportements tout en générant un revenu bienvenu.

Le Président et les dirigeantEs du Congrès doivent trouver quelque chose que l’on n’a pas vu à Washington depuis longtemps : le courage de mettre les intérêts des travailleurs et travailleuses de ce pays au-dessus de l’influence de Wall Street.

À quoi pourrait-on mieux utiliser notre argent ? Il est temps d’agir, encore plus de réagir : passons à la taxe sur les transactions financières.


[1Ralph Nader est avocat. Il s’est consacré à la défense des consommateurs-trices et a mené la lutte sur les questions de consommation.

Sur le même thème : États-Unis

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...