Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Un système d’éducation à vitesses multiples

À quand la fin des inacceptables différenciations ?

La nouvelle a eu un effet de choc. Le rapport de la vérificatrice générale, madame Guylaine Leclerc, nous apprenait qu’en 2020-2021 ce sont plus de 30 000 enseignant.e.s qui n’étaient pas qualifié.e.s légalement pour enseigner dans les écoles du Québec. Cette donnée a de quoi inquiéter et elle nous oblige à compléter le portrait de notre système d’éducation en y ajoutant d’autres statistiques peu reluisantes.

La démarche en vaut le coût d’autant plus que tout récemment le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, refusait de reconnaître l’existence au Québec d’une « école à trois vitesses ». Qu’on se le dise, il n’y a pas que les filières de formation conduisant ou non à l’université qui doivent retenir notre attention quand nous examinons notre système d’éducation. Les statuts d’emploi et le salaire versé aux personnes qui y travaillent sont, dans plusieurs cas, déplorables. Nous sommes en présence d’un système d’éducation à vitesses multiples comportant de trop nombreuses et inacceptables différenciations.

Au niveau collégial il y aurait apparemment, à l’enseignement régulier, environ 40% des professeur.e.s à statut précaire. Pour ce qui est de l’éducation des adultes, à une certaine époque, de mémoire, il y en avait plus de 90% d’enseignant.e.s contractuel.le.s non-permanent.e.s payé.e.s à la leçon. À combien s’élève ce pourcentage aujourd’hui ?

Que dire maintenant de l’enseignement à l’université. Dans certains de ces établissements de haut savoir, les cours de premier cycle sont donnés par environ 70% de chargé.e.s de cours. Des personnes hautement qualifiées à qui on accorde un statut d’emploi précaire et qui ne sont pas toujours rémunérées à la hauteur de la valeur de leur prestation de travail.

Il faut mentionner aussi que nous retrouvons parmi les enseigant.e.s et les professeur.e.s à statut précaire un certain nombre qui se sont lourdement endetté pour se qualifier en vue d’exercer leur profession. Ces personnes doivent rembourser leur dette étudiante à même un salaire ridiculement bas.

Cet état de fait résulte de différents facteurs (manque de planification, profession sous-valorisée, conditions de travail difficiles, etc.) et trouve son origine, pour l’essentiel, dans un choix politico-économique douteux effectué par les gouvernements qui se sont succédé à Québec et à Ottawa depuis la fin des années soixante-dix jusqu’à aujourd’hui. Les ministres et la majorité des député.e.s au pouvoir ont décidé de réduire le financement de l’éducation et de l’enseignement supérieur en vue de permettre une réduction des impôts des contribuables.

Pour conclure

Le premier ministre actuel du Québec, François Legault, prétend que l’éducation est une priorité pour son gouvernement. Aux personnes qui oeuvrent dans ce secteur, il offre 9% d’augmentation salariale pour les cinq prochaines années et pour les député.e.s qui décident des politiques publiques nuisibles aux différentes composantes du système d’éducation, il entend leur accorder une bonification immédiate de 30%.

Manifestement, les politiques appliquées en éducation par les gouvernements au pouvoir depuis les quarante dernières années ont été un échec sur plusieurs plans. À quand la fin de ces trop nombreuses inacceptables différenciations en éducation et en enseignement supérieur ?

Yvan Perrier

29 mai 2023

10h

yvan_perrier@hotmail.com

Sources :

https://www.ledevoir.com/societe/education/791808/les-syndicats-pas-surpris-qu-il-y-ait-30-000-enseignants-non-qualifies-au-quebec. Consulté le 29 mai 2023.

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/791125/bernard-drainville-au-devoir-table-editoriale. Consulté le 29 mai 2023.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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