La TCRS vise à informer et mobiliser la population québécoise dans la lutte contre le racisme systémique, à développer une concertation entre l’ensemble des intervenants impliqués dans cette lutte, ainsi qu’entre la société civile et les institutions publiques, à défendre les droits et libertés et à œuvrer à une égalité réelle entre toutes les personnes. C’est pourquoi la TCRS s’est penchée sur le projet de loi 21 présenté par le gouvernement de la CAQ.
La position de la TCRS sur la laïcité
La laïcité telle que définie par nombre d’auteurs repose sur quelques grands principes d’organisation politique de la société qui régissent, entre autres, les relations entre l’État et les institutions religieuses. Pour la TCRS, ces principes permettent d’assurer que l’État agisse de façon neutre envers toutes et tous, en ne les favorisant ou ne les défavorisant pas en fonction de leurs croyances. Or, le PL 21 ne semble pas conçu de bonne foi en ce sens, puisqu’il affaiblit la Charte afin d’interdire le port de signes religieux dans certaines professions, d’une part, et qu’il crée certaines exceptions d’application d’autre part, notamment en ce qui concerne “les éléments emblématiques ou toponymiques du patrimoine culturel du Québec”. Ce projet, ayant pour effet de défavoriser certaines catégories d’emploi et de favoriser une religion au dépend des autres, est tout à fait discriminatoire. La TCRS croit que, dans son application, la laïcité peut et doit contrer la discrimination et le racisme, et non les exacerber.
Pourquoi la TCRS s’oppose t-elle au PL21 ?
La TCRS s’oppose à ce projet de loi parce qu’il institutionnalise la discrimination contre des personnes qui sont dans leur grande majorité des personnes racisées et, de surcroît, souvent des femmes. Rappelons que celles-ci sont majoritaires dans les emplois en éducation visés par le PL21. De plus, le gouvernement de la CAQ prévoit une adoption extrêmement rapide du projet de loi, soit avant la fin de la session parlementaire de juin 2019. Le processus démocratique de consultation est escamoté, ce qui, en soi, est inquiétant.
Ce projet de loi constitue un cas patent de discrimination systémique. En effet, en introduisant une mesure législative incontestable de discrimination à l’embauche et au maintien en emploi, contraire à l’article 10 de la Charte québécoise et applicable de façon automatique et sans exceptions à l’ensemble de certaines professions, le gouvernement de la CAQ vient reproduire et démontrer ce que sont la discrimination et le racisme systémiques. Comme on sait, la discrimination et le racisme quotidiens sont systémiques lorsque soutenus par des pratiques institutionnelles qui se manifestent dans les lois, les politiques, les règles et les règlements, ainsi que dans certaines pratiques médiatiques. Ceci limite l’accès aux ressources pour les personnes et groupes racisés, restreint leur participation à la vie sociale, économique et politique, et renforce les iniquités sociales. À travers le PL21, le gouvernement de la CAQ stigmatise des minorités religieuses et racisées 1) en les plaçant, encore une fois, au cœur d’un débat de société qui questionne leurs choix vestimentaires et religieux, alimentant ainsi les sentiments et les actes racistes, islamophobes, antisémites et anti-sikh, et 2) en privant plusieurs personnes d’accéder à un emploi ou en les empêchant d’évoluer dans leur milieu de travail, renforçant ainsi la précarité économique et sociale que vivent déjà les minorités religieuses. Voilà comment ce projet de loi s’inscrit dans le schéma du racisme systémique.
Par ailleurs, la TCRS observe depuis plusieurs années une montée de l’intolérance envers les minorités religieuses, au Québec et dans plusieurs autres pays du monde. Les femmes musulmanes sont particulièrement ciblées par les propos haineux qui se multiplient dans les médias traditionnels, les médias sociaux et l’espace public. De ce fait, le projet de loi, présenté notamment comme un outil pour favoriser l’atteinte de l’égalité des sexes, produit plutôt déjà l’effet contraire pour ces citoyennes. En plus de légitimer les discriminations à l’embauche, le PL21 consolide également le plafond de verre, maintenant ces citoyennes dans des postes en deçà de leurs compétences. L’obligation devant laquelle on les place exclura plusieurs d’entre elles des professions qu’elles ont choisies, contribuant ainsi à les maintenir dans une situation de dépendance et de fragilité économique.
Enfin, la TCRS s’inquiète qu’une législation liberticide en légitime une autre, et une autre encore — comme ce fut le cas en France, en Belgique et en Suisse. Ainsi, le gouvernement ouvre la porte à davantage de discrimination et de racisme à l’embauche et en emploi, bien au-delà des fonctions qui sont nommément visées par le projet de loi. En affirmant qu’il est légitime de s’inquiéter du port de signes religieux dans certaines professions, le gouvernement cautionne insidieusement les préjugés discriminatoires et racistes et le doute quant au professionnalisme de toutes les personnes qui portent un signe religieux, quel que soit leur milieu de travail.
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