Bien entendu, on ne peut se déclarer contre le vertu démocratique et pour le vice "antisémite". L’appui inconditionnel du gouvernement canadien à l’État hébreu et la proximité d’un scrutin entrent sans doute en ligne de compte dans cette décision du gouvernement Trudeau, où entre une part d’opportunisme.
Toutefois, l’indignation de la classe politique en particulier et des bien-pensants en général à condamner les délits commis contre les Juifs est suspecte parce qu’à géométrie variable.
En effet, le soutien de la classe politique canadienne dans son ensemble à Israël est sans faille ; les responsables politiques ferment souvent les yeux sur la dépossession subie par les Palestiniens et les abus de pouvoir criants dont ils sont victimes de la part de la classe politique israélienne. Ou encore, lors d’affrontements entre Israël et les Palestiniens, ils ne condamnent la violence israélienne anti-palestinienne que du bout des lèvres.
Le vrai scandale réside dans cette adoption du double standard : tout se passe comme si, pour les politiciens canadiens (et occidentaux en général), une vie palestinienne valait moins que son équivalente israélienne.
Il faudrait aussi s’entendre sur les termes ; les Juifs ne sont pas des "sémites", mais des adhérents à la religion judaïque. Il s’agit d’une réalité culturelle, idéologique et historique et non "ethnique" ou génétique, ce qui n’excuse pas pour autant les préjugés et encore moins les persécutions dont ils ont été souvent victimes en Europe.
À la suite de circonstances historiques complexes et difficiles, les adhérents au judaïsme en sont venu à se considérer comme un peuple, au sens ethnique du terme et à considérer la Palestine comme la patrie de leurs ancêtres, ce qui est faux. On est plutôt en présence d’Européens, de Nord-africains. de Perses, de Turcs et même de Noirs convertis au judaïsme au fil des siècles. On ne remarque aucune cohérence ethnique juive. Il vaudrait donc mieux qualifier ce triste phénomène d’antijudaïsme. Mais une conception "racialiste" a émergé au sein des milieux juifs, avivée par les persécutions, un processus qu’on a bien connu ici au Québec avec la religion catholique, qui fut longtemps vue comme consubstantielle à la nationalité canadienne-française, jusqu’à la Révolution tranquille. Même chose en Irlande.
L’envahissement de la Palestine par les Juifs occidentaux décidée par la congrès de Bâle en 1897, surtout des Juifs européens, à partir de la fin du 19ème siècle résulte donc d’une interprétation tendancieuse de la part d’idéologues sionistes, laquelle a débouché sur une injustice majeure pour les Palestiniens, qui n’étaient pour rien dans l’antijudaïsme européen de l’époque.
Par conséquent, il ne faut pas confondre antisionisme et antijudaïsme : le premier courant de pensée condamne l’établissement forcé d’un État hébreu au détriment des Palestiniens (on y retrouve même des Juifs démocrates, d’autres spiritualistes), le second vise les Juifs en tant que tels. À la limite, dans le premier cas, pourrait-on parler de Juifs "antisémites" ?
On peut conclure de tout cela que la meilleure façon de lutter contre l’antijudaïsme consiste à lutter pour que les Palestiniens obtiennent enfin justice. Le cabinet Trudeau devrait penser à convoquer aussi là-dessus un sommet d’urgence...
Jean-François Delisle
Delisle Jean-François7127, rue Clark, app. BMontréal, QuébecH2S 3G5(514) 273-0162
Un message, un commentaire ?