Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Trois réflexions et un souhait suite au débat Trump-Harris

Au lendemain du débat qui a opposé Kamala Harris et Donald Trump dans le cadre des élections présidentielles étasuniennes, notre camarade Daniel Tanuro a formulé plusieurs réflexions, que nous republions ici.

Tiré de Gauche anticapitaliste
18 septembre 2024

Par Daniel Tanuro

1) Tout observateur raisonnable de la chose politique admettra que Kamala Harris a gagné haut la main. Son langage corporel est celui d’une personne « normale », son propos est cohérent, elle s’exprime clairement, répond plus ou moins aux journalistes, regarde son adversaire, et l’interpelle sans ménagement mais avec le minimum de respect nécessaire. La prestation de Trump est à l’exact opposé : visage ferme, regard fixe, ton hargneux, propos incohérents, mépris, calomnies. Quelles que soient les questions posées, Trump ramène tout à quelques idées fixes (principalement la frontière, les migrants criminels importés par les démocrates pour s’assurer de leur vote en leur donnant l’emploi des américains, etc.). En définitive, il ramène tout au culte de sa propre personne, jusqu’au grotesque. Kamala Harris a bien réussi, par quelques piques, à énerver Trump, qui a vite perdu les pédales. Du coup, plus encore que dans ses meetings, l’ex-président putschiste est apparu pour ce qu’il est : un déséquilibre haineux qui dit n’importe quoi, outrageusement menteur et pathologiquement narcissique. Battu à plates coutures par une femme : quelle humiliation pour celui qui se vante d’en faire ce qu’il veut en les « attrapant par la chatte » !

2) Sur la question de l’avortement, Kamala Harris a défendu avec conviction une position de principe correcte (les femmes décident). Pour le reste, elle a surtout voulu se camper comme la candidate la plus responsable du point de vue des intérêts de la classe dominante US, à l’intérieur et sur la scène internationale. C’était très clair, par exemple, quand, tout en admettant la réalité et le danger du changement climatique, elle s’est vantée de la hausse de la production pétrolière US sous Biden et s’est enorgueillie du fait que son vote en tant que vice-présidente a permis l’adoption des objectifs de fracturation hydraulique inclus dans le plan Biden de capitalisme vert (Inflation réduction act). C’était encore plus clair lorsque Trump a rabâché ses délires sur les démocrates qui veulent « exécuter les nouveaux-nés », légaliser l’avortement jusqu’à 9 mois ou faire des opérations transgenres sur les illégaux en prison (!!!) : Harris a profité de ce moment de folie manifeste pour enfermer son adversaire dans la boite de « l’extrémisme ». Elle a enchainé en appelant les électeurs et électrices républicain.e.s à voter pour elle, en suivant l’exemple de Cheney, Bolton, Pence et autres serviteurs – très « extrémistes » ! – de l’impérialisme US, au nom de la défense de l’hégémonie étasunienne dans le monde (et du soutien à Israël). Idem sur les migrant·es : elle s’est campée en défenseure de la frontière et de la lutte contre les gangs internationaux, sans même dénoncer le monstrueux plan trumpien de traque, d’enfermement et de « déportation » de 20 millions de migrant·es par la police, l’armée et la garde nationale.

3) Il ne faut pas se faire d’illusion : la défaite de Trump dans le débat ne préjuge pas de sa défaite dans les urnes. Son grand atout est d’apparaitre comme l’outsider. Bien qu’il ait trumpisé le parti républicain, une part substantielle de la population continue à le voir comme extérieur au « marais » bipartisan de l’establishment. Il se présente comme une victime de ce « marais », et cette posture entre en écho avec le ressenti de millions de gens qui, du coup, passent allégrement au-dessus de ses condamnations en justice pour fraude ou pour viol. Le comble : sa manière même de s’exprimer, ses incohérences, sa grossièreté sont vues comme des gages d’authenticité. Il est à craindre que le débat n’ait rien changé à cet état de fait. Au contraire peut-être, dans la mesure ou, comme je l’ai dit, Harris s’est vraiment posée en candidate idéale de l’establishment bipartisan et fossile face a la menace de déstabilisation populiste… On verra l’évolution des sondages post-débat. Avant le débat, c’était 50-50, avec avantage à Trump dans 4 des swing states…

4) Le manque d’une alternative de gauche anticapitaliste est criant. Les forces nées autour de la campagne de Bernie Sanders, notamment les Democrat Socialists of America, sont en difficulté, du fait de leur alignement majoritaire sur la politique de Biden, en 2020. On ne peut que souhaiter qu’elles trouvent le moyen de s’orienter dans cette situation difficile où il faut battre Trump sans tomber dans le panneau de Harris. C’est indispensable aux luttes qui, de toute manière, arriveront rapidement. Le mouvement de solidarité avec la Palestine montre qu’il y a du potentiel.

Crédit photo : licence Creative Commons

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