Pourtant il y aurait tant eu de choses possibles à faire, ne serait-ce que parce bien des personnalités ou groupes appartenant à la famille souverainiste, lui en ont ces temps-ci fourni l’occasion, à la manière de mains tendues qu’il aurait été si faciles de saisir. Qu’on pense à son aile jeunesse prête à entériner le gel des droits de scolarité, ou encore aux récentes déclarations de Jacques Parizeau sur le réalisme d’une politique du gel déjà pensée et expérimentée dans le passé ainsi que sur la possibilité de taxer les gains sur le capital et par là-même de financer la gratuité scolaire sans trop de peine.
Au moins le PQ aurait-il pu démontrer que cela était possible, en se débarrassant ainsi de pseudo-données qui comme celles du chroniqueur de la Presse, Francis Vailles (le 13 février dernier), laissent supposer –pèchant en cela par omission— que les recettes appréhendées pour financer la gratuité ne s’élèveraient pas plus qu’à 164 millions par année, oubliant tout simplement dans son calcul celles provenant des autres institutions financières en activité au Québec (sociétés de fiducie ou d’épargne, etc.).
Rappelons-lui donc que contrairement à ce qu’il a écrit et ainsi que l’a indiqué avec précisions Radio-Canada le 4 mai 2012 [1] : "En 2006, la taxe sur le capital totalisait environ 1,9 milliard de dollars en revenus. De ce montant, 737 millions de dollars, ou 39,3 % du total, ont été payés par des sociétés financières, dont le capital était imposé à un taux de 1,05 %, selon le gouvernement du Québec.”
Gel ou taxation : un inexorable partage des eaux
Mais voilà le PQ a préféré d’autres voies et au passage donné des gages à d’autres milieux comme ceux par exemple dont Francis Vailles se fait l’écho. Car il n’y a pas à se tromper : entre le gel des droits de scolarité et leur taxation, il y a toute la différence du monde. À la manière d’un inexorable partage des eaux : d’un côté on s’ouvre à la possibilité de sortir l’éducation de la logique marchande et d’aller vers la gratuité ; de l’autre on y reste bien campée et l’on s’enferme dans le schéma de l’utilisateur payeur. En ce sens la décision annoncée par le PQ d’aller à l’occasion de ce sommet vers l’indexation ne doit pas faire illusion. Il a ici très clairement choisi son camp. Et qu’on aille pas prétendre qu’il n’avait pas, en tant que gouvernement minoritaire, d’autre choix que celui-là. Tous ceux et celles qui croient encore nostalgiquement à son label de parti progressiste hérité du passé, devraient pourtant s’en souvenir : c’est parce qu’en cette lointaine époque, le PQ a su parier sur l’audace de la jeunesse du Québec et se faire l’écho à de ses profondes aspirations au changement qu’il a su rallier autour de lui tant de gens et d’énergie transformatrice, être le symbole de tant d’espérances [2].
Visiblement on en est loin aujourd’hui, et ce n’est pas en s’étranglant avec le garot du déficit zéro et de petits calculs comptables pensés à son entour, qu’il retrouvera son rôle de rassembleur et de stimulateur de changements !
Quoi de plus pathétique que de le voir, à l’accasion de ce sommet sur l’éducation, être en train de gaspiller une telle chance !
Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste