Ces groupes se vouent (et se dévouent) à leur défense, à leur protection et à leur « réinsertion sociale ». Ces organismes remplissent ainsi un rôle social indispensable. Tout ceci au nom de la lutte contre la pauvreté, un objectif tout à fait louable et nécessaire dont il n’est pas question ici de contester la pertinence.
Tout le monde appuie leur but ; en effet, qui peut contre la vertu (de réinsertion sociale) et pour le vice (l’exclusion sociale) ?
Sans-abri-e-s et femmes battues sont perçu-e-s comme des victimes non responsables de leur sort misérable ; les bons sentiments prédominent donc à leur égard.
Par contre, on feint de ne pas voir une importante dimension ce qu’on appelle « la pauvreté » (les inégalités sociales en fait) : ce phénomène ne se réduit pas en effet à la frange la plus marginale des exclus et exclues (ou le sous-prolétariat en langage marxiste) : il faut prendre en compte aussi les sans emplois en général (prestataires considérés comme aptes au travail de la si mal nommée « Sécurité du revenu » et ceux de l’assurance-chômage). Les préjugés les plus grossiers continuent de courir comme des virus à leur sujet, en particulier à celui des assisté-e-s sociaux-ales(les « BS »).
Inutile de les exposer et de les démentir encore une fois, car cela a déjà été fait à de multiples reprises. Autant une bonne partie de la population aime s’apitoyer sur les marginaux-ales, dans la même mesure elle adore haïr les assisté-e-s sociaux-ales aptes au travail, regardé-e-s comme des fraudeur-euse-s, des parasites, quasiment comme des bandits. On les considère comme responsables de leur sort. On les soupçonne de se complaire dans leur misère.
Cette attitude est si ancrée au sein de la population (y compris les ouvriers et ouvrières) qu’elle ne relève pas seulement d’une analyse idéologique mais aussi anthropologique. C’est vrai au point que même ayant abouti (malgré eux) à la Sécurité du revenu, plusieurs chômeur-euse-s, ancien-ne-s ouvrier-ère-s ou employé-e-s se distancient de leurs collègues d’infortune, prétendant devant leurs proches ou encore devant des employé-e-s d’organismes de soutien aux sans emplois que si eux « trichent » parfois, c’est parce qu’ils-elles n’ont pas le choix, mais qu’ils-elles ont entendu parler de bien d’autres prestataires qui, eux-elles, se prélassent sur le régime, au détriment des contribuables. Lorsqu’ils-elles travaillaient encore, ces déclassé-e-s partageaient les préjugés méprisants généralisés au sein de la population.
Pourtant, ces gens ont contribué à la bonne marche de l’économie et de la société. Ils n’ont pas voulu leur dégringolade professionnelle. Il s’agit dans la plupart des cas de chômeurs et de chômeuses en fin de droits et qui, nécessité faisant loi, se sont adressé-e-s au « BS » en attendant des jours meilleurs.
L’actuelle embellie économique ne doit pas faire illusion:un ralentissement se pointe et une récession se profile à l’horizon, semble-t-il.
Lorsqu’elle éclatera, le nombre de prestataires du « BS » va nécessairement augmenter en flèche, ce qui toutefois n’ébranlera pas les préjugés contre eux-elles davantage que ne l’ont fait les précédentes récessions (celles de 1974-1975, de 1982-1984 et de 2007-2008).
Se trouvera-t-il alors un organisme communautaire ou un regroupement d’organismes qui aura la détermination de mettre sur pied un spectacle-bénéfice de solidarité envers eux et elles ?
Jean-François Delisle
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