[1] Ce fait est passé presque inaperçu dans les médias traditionnels de masse du Québec, mais le député de Nicolet-Yamaska et chef d’Option nationale, M. Jean-Martin Aussant, vient de déposer un projet de loi - le projet de loi no 596 - intitulé "Loi sur la modernisation des institutions démocratiques du Québec". M.Aussant était accompagné pour l’occasion du député de Borduas, M. Pierre Curzi. Voir ici : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-596-39-2.html
[2] Le projet propose 5 mesures :
•Abolition du poste de Lieutenant-Gouverneur et son remplacement par un Administrateur général du Québec ;
•Tenue des élections à date fixe ;
•Système de financement des partis politiques entièrement public ;
•Réforme du mode de scrutin avec une composante proportionnelle ;
•Mandat d’initiative populaire imposé aux commissions de l’Assemblée nationale.
[3] Les 4 premières propositions sont l’objet de discussions et de débats au Québec depuis de nombreuses années - qu’on se rappelle la commission Béland et les efforts à ce niveau de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Charbonneau, mais n’ont jamais abouti à rien. Il flotte dans ces dossiers, particulièrement ceux qui concernent le système électoral.une odeur de mauvaise foi et de conservatisme réactionnaire qui nous révèle toute la propension viscérale des principaux partis politiques à préserver leur statut privilégié et à protéger leurs intérêts propres au détriment de l’intérêt commun.
[4] Quant à l’abolition du poste de Lieutenant-Gouverneur, c’est un dossier de nature constitutionnelle et je vois difficilement comment le Parti libéral du Québec férocement fédéraliste, pourrait y consentir. En effet, cette proposition va carrément à l’encontre de l’article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi sur le Canada, R.U. 1982, c. 11. Le texte est clair et ne souffre d’aucune exception : la modification de la charge de Lieutenant-Gouverneur, entre autres), se fait par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province. Bonne chance à celui qui se lancera dans pareille expédition !
[5] Reste la question du mandat d’initiative populaire. L’article 8 du projet de loi se lit comme suit :
"Un électeur peut demander aux membres de l’Assemblée nationale de se saisir d’un mandat d’initiative populaire. Cette demande doit être initiée par une pétition conforme
aux règles de l’Assemblée nationale, avec les adaptations nécessaires. Lorsque la pétition est signée par 5% des électeurs inscrits sur la liste électorale permanente, la commission parlementaire compétente de l"Assemblée nationale est saisie d’un mandat d’initiative populaire.
[6] Cette proposition est inédite et intéressante, mais elle est incomplète et voici pourquoi :
1 - Pourquoi limiter ce droit aux seuls électeurs inscrits sur la liste électorale permanente ? Tout citoyen majeur et ayant la capacité de contracter devrait avoir ce droit.
2 - Pourquoi limiter ce droit au seul cas d’une demande adressée aux élus ?[
3 - Pourquoi ne pas élargir le droit à l’initiative populaire, non seulement pour adresser une demande aux élus, mais également pour faire adopter une loi, un projet de consultation populaire, révoquer une loi injuste et liberticide (on pense automatiquement ici à la Loi 78) ou révoquer un élu, un fonctionnaire ou un magistrat pour un motif sérieux et grave ?
[7] Ceci est d’autant plus vrai qu’Option nationale a à l’article 6.6 de sa plate-forme électorale la mesure suivante :
6.6. Mettra sur pied une Commission nationale de la démocratie participative dont le rôle sera d’étudier, de proposer, de développer, d’encourage et d’encadrer tant aux échelles nationale, régionale que locale, divers mécanismes et initiatives *(citoyennes) dans les domaines économique et politique.
[8] Cette proposition est tout à fait conforme aux remarques précédentes et devrait indiquer, à mon humble avis, de la part d’Option nationale, une ouverture à une réforme en profondeur du système de gouvernement représentatif dans laquelle nous vivons depuis 1867 pour le remplacer progressivement ou pour constituer de façon complémentaire un système de démocratie représentative où les citoyens, de par la constitution, auront le pouvoir de participer directement aux décisions qui les concernent. Pourquoi la "démocratie" devrait-elle en effet se limiter strictement pour les citoyens à n’être que des "lecteurs" qui choisissent leurs maîtres ? Quelle est la meilleure forme de justice en matière criminelle sinon celle rendue par des jurés citoyens non professionnels choisis par tirage au sort pour remplir des mandats précis. Pourquoi ne pourrait-il ne pas en être ainsi dans le domaine de la "res publica" ?. C’est la question que je pose à mes collègues d’Option nationale et à tous ceux et celles qui ont à coeur le développement d’une vraie démocratie chez nous et non pas uniquement un système politique de gouvernement représentatif où les citoyens ne sont que des électeurs, qui quelques fois, complètement exaspérés, n’ont comme solution que de descendre dans la rue ou faire du bruit avec leurs casseroles comme présentement.
[9] Malheureusement, en lisant le projet de loi 596, on reste un peu sur notre faim à ce sujet. Mais ce n’est qu’un début. Il faut faire confiance à l’avenir pour le reste. De toute façon. il faut être réaliste et comprendre qu’en état actuel des choses, le projet de loi va mourir de sa belle mort au feuilleton de l’Assemblée nationale. Ce n’est certainement pas John James qui va se précipiter pour l’endosser. On a amplement le temps d’en discuter entre nous.
Pierre Cloutier ll.m
avocat à la retraite