*La pandémie comme miroir grossissant des inégalités *
Au Québec comme dans de nombreux pays, la pandémie de COVID-19 s’est
attaquée autant à la démocratie qu’aux corps humains. Cette crise sans
précédent nous a renvoyé à des responsabilités, à des culpabilités et à des
faiblesses qui n’ont pas encore trouvé écho dans le débat public.
Au tout début, nous avons cru, naïvement, que le coronavirus frappait
« démocratiquement » en ce sens qu’il semblait toucher toutes et tous, sans
distinction de classe, de statut, d’origine, de culture, de genre, etc.
C’était bien mal le connaître.
En effet, car le virus s’est révélé un formidable miroir grossissant des
défaillances, inégalités et travers de notre société. Entre autres, les
mesures de distanciation sociale, les restrictions de déplacements et les
fermetures de centres de santé sexuelle ont eu une incidence sur l’accès
des femmes aux services d’interruption volontaire de grossesse.
Aussi, des études ont démontré que les Afro-Canadiens sont plus
susceptibles de contracter la COVID-19 que les autres Canadiens et de subir
des licenciements en raison du virus. Sans parler de la situation
catastrophique des soins de longue durée qui a été démultipliée par la
pandémie et qui a conduit des milliers d’aînés vulnérables à un aller
simple vers leur dernier repos.
Récemment, António Guterres, secrétaire général de l’Organisation des
Nations unies, affirmait : « Alors que le monde est aux prises avec la
COVID-19, la démocratie joue un rôle vital en ce qu’elle assure la libre
circulation de l’information, la participation à la prise de décision et
l’application du principe de responsabilité dans le cadre de la lutte
contre la pandémie. » Cela ne saurait être mieux dit.
Cette épidémie s’avère un moment éminemment propice à poser des questions
fondamentales de justice sociale et d’égalité des chances, notamment sous
l’angle de l’accès aux soins et aux services, de la représentativité des
personnes malades et de l’extrême fragilité du système de soins de longues
durées.
À trop prioriser l’équilibre budgétaire et la gestion des risques, les
gouvernements semblent devenus aveugles aux graves inégalités qui
gangrènent la démocratie. Contrairement à ce que certains chefs d’État en
ont dit, l’ennemi n’est pas la COVID-19, pas plus que celle-ci ne s’attaque
à notre démocratie. Le véritable danger provient plutôt de la réponse des
gouvernements à la pandémie.
La démocratie consiste, notamment, à mettre à l’avant-plan la parole
d’experts et d’autorités. Mais pour éviter une communication
unidirectionnelle qui pointe vers la dictature, la démocratie doit aussi
permettre aux personnes sans-voix et plus vulnérables d’exprimer leurs
craintes, leurs souffrances, leurs aspirations. Bref, d’avoir voix au
chapitre. Les gouvernements clairvoyants qui se réclament de la démocratie
doivent savoir écouter les bruits de la détresse afin d’y remédier, car
c’est aussi beaucoup cela la démocratie.
Line Lamarre
Présidente
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