Refondation du système de santé : plan ambitieux ou simple façade ?
Le 29 mars 2022, le ministre de la Santé, Christian Dubé, présentait en grande pompe son « Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé[1] ». Un plan en 50 points, concernant autant le personnel et les organismes communautaires que les infrastructures et le financement. Ce plan répond-il réellement aux besoins ou sert-il de façade permettant au gouvernement d’agir comme bon lui semble ? Depuis plusieurs mois déjà, la dichotomie entre le discours et les actions est notable.
En octobre dernier, le premier ministre nommait déjà la volonté de mettre sur pied un système de santé plus « humain » et plus « performant », deux termes pourtant difficiles à concilier, et annonçait son désir de s’affranchir des agences privées.
À ce jour, les actions faites par le gouvernement n’atteignent que très partiellement les objectifs. Certaines mesures incitatives visant à combler en partie la pénurie de personnel ont en effet été offertes, mais plusieurs se sont avérées impopulaires en raison des nombreuses conditions imposées et n’ont pas permis d’attirer la main-d’œuvre escomptée. De plus, l’arrêté ministériel encadrant et limitant les privilèges accordés au personnel des agences privées n’a pas été appliqué uniformément dans toutes les régions du Québec, démontrant toute la complexité du problème. On peut aussi douter de l’efficacité des mesures envisagées dans le plan Dubé.
S’affranchir du privé tout court
Le nombre croissant de contrats de gré à gré, sans appels d’offres publics, justifiés par l’état d’urgence sanitaire coûte collectivement de plus en plus cher. Ces contrats sont financés à même les fonds publics et grugent le financement déjà insuffisant du système public. Pour bâtir un réseau public fort il faut non seulement s’affranchir des agences privées, mais aussi du privé tout court.
Le défi du gouvernement est donc d’améliorer les conditions de travail, de stabiliser les équipes, de diminuer la mobilité et d’agir concrètement sur les facteurs d’attraction et de rétention du personnel dans le réseau public tout en assurant la qualité et la continuité des services et des soins offerts.
Le Plan santé énonce des idées maîtresses sans prévoir d’échéancier ni de moyens concrets afin d’atteindre les objectifs énoncés. Pourtant, il semble que des échéanciers et des plans d’action existent, mais le sous-ministre adjoint responsable de l’accès à la documentation entourant le Plan santé, M. Daniel Desharnais, refuse de les diffuser sous prétexte de préserver la confidentialité[2]. Ce manque de transparence constitue un grave affront à la démocratie et prive la population de données précieuses pour juger du plan.
Les organismes communautaires inquiets
Le plan inquiète aussi les organismes communautaires qui ne veulent surtout pas être réduits à de simples prestataires de soins et de services sous-traitants de l’État. Ils ne veulent pas être comptabilisés parmi les installations du réseau et intégrés aux services de première ligne. Les organismes communautaires sont autonomes et indépendants et tiennent à le demeurer. Est-ce que, pour le gouvernement Legault, innover signifie vraiment de sous-traiter davantage au communautaire ?
Une refondation, vraiment ?
La Coalition Solidarité Santé maintient que la solution réside dans un réinvestissement massif afin de renforcer le système public universel, accessible et de qualité. Pour y arriver, il faut :
– Rendre publics dès maintenant les échéanciers et les plans d’action reliés au Plan santé
– Décentraliser les processus décisionnels et favoriser une réelle participation démocratique
– Réitérer l’indépendance des organismes communautaires autonomes
– Améliorer rapidement les conditions de travail et d’exercice du personnel de la santé afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre dans le réseau public et assurer l’accès, la qualité et la continuité des soins
– Réinvestir massivement dans le système public et diminuer significativement l’apport du privé dans le système de santé
– Octroyer les contrats exclusivement par le biais du processus d’appels d’offres public
– Réaliser un audit public des contrats de gré à gré octroyés durant la pandémie
La Coalition Solidarité Santé souhaite que le Plan santé soit davantage qu’une plateforme politique partisane et qu’il en ressorte une réelle volonté de changement ainsi que des actions concrètes pour améliorer le réseau public de santé et de services sociaux.
Notes
[1] Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé (quebec.ca)
[2] “Québec refuse de publier son échéancier pour réformer le système de santé.” Radio-Canada.ca, 27 April 2022, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1878103/sante-quebec-ministre-reforme-protecteur-suivi-plan-refus-acces?utm_campaign=Revue%20de%20presse%20de%20l%27Ordre%20des%20travailleurs%20sociaux%20et%20des%20th%C3%A9rapeutes%20conjugaux%20et%20familiaux%20du%20. En ligne, 4 mai 2022.
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