La délégation du SCFP ont reconnu que les députés de Québec solidaire étaient pleinement « conscients des immenses bénéfices du caractère public d’Hydro-Québec et de la nécessité de le conserver pour la transition énergétique et la pérennité du modèle québécois ». [2]
Pourtant, la question de l’énergie n’a pas été soulevée durant la dernière campagne électorale de QS. Le fameux plan climatique de Québec solidaire Vision 2030 ne contenait pas un seul mot sur le secteur de l’énergie. Et cela malgré le fait que le Congrès du parti avait adopté la résolution suivante : Québec solidaire s’engage à nationaliser sous contrôle régional l’ensemble des industries produisant des énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.) afin de compléter la nature publique de la production de l’énergie au Québec et de planifier son développement. [3] Dans la campagne électorale, il n’a jamais été fait mention de cette proposition stratégique et structurante.
Pourtant le débat sur la question de l’énergie est maintenant au centre de l’actualité. C’est là un débat essentiel, et il faut que Québec solidaire élabore une proposition globale à ce niveau.
La privatisation du secteur de l’énergie et la contribution d’Hydro-Québec à ce recul
Le danger devant le système énergétique du Québec, c’est que les énergies renouvelables se font sous la houlette du secteur privé, et qu’au fur et à mesure que ces énergies occuperont une place plus importante du système énergétique québécois, une partie de plus en plus importante de ce dernier sera privatisée et échappera au contrôle public.
Ce n’est pas une Révolution tranquille 2.0 qui est devant nous, mais, comme l’écrit le SCFP, une véritable Démolition tranquille [4]. Et Hydro-Québec sous la direction de Sophie Brochu est partie prenante d’une telle démolition. D’une part l’entente Hydro-Québec-Energir, « cadenasse le Québec dans l’énergie fossile » jusqu’en 2050. Elle propose de « remplacer le chauffage au gaz des bâtiments par un système de chauffage biénergie : électricité et chauffage au gaz naturel et permet que les nouvelles constructions soient admissibles à ce programme, augmentant ainsi le nombre de chaudières au gaz dans le parc immobilier ». [5]
Une privatisation rampante est déjà importante. « En 2021 , Hydro-Québec s’approvisionnait auprès de 56 centrales hydro-électriques appartenant à des producteurs privés, ce qui représente 705 mégawatts (MW) soit la production de la centrale hydro-électrique de Carillon » [6] au lieu qu’elle produise elle-même l’énergie propre. La population du Québec sera obligée, à subventionner une grande entreprise privée pour qu’elle continue à brûler inutilement (mais en moins grande quantité) du gaz fossile.
Mais cette privatisation a commencé depuis longtemps. En 2004, le gouvernement Charest a confirmé l’interdiction faite à Hydro-Québec de développer la filière de l’énergie éolienne. Hydro-Québec « s’approvisionne auprès de 43 parcs éoliens privés du Québec pour 3906 MV. En tout la puissance électrique provenant du privé s’avère donc plus du double de l’électricité produite par le barrage Manic-5. Plus grave encore, Hydro-Québec s’engage à acheter de l’énergie à des tarifs excessifs. » [7]
Éviter toute illusion attentiste face au gouvernement Legault
Lors de sa rencontre avec le premier ministre à la mi-janvier, Gabriel Nadeau-Dubois formulait 5 propositions visant à « accélérer la transition énergétique » : 1) Accélérer l’électrification des transports grâce à une cible de 100% de vente de véhicules neufs électriques dès 2030 ; 2) Adopter une loi pour accélérer l’électrification du transport des marchandises (norme VZE) ; 3) Accélérer l’électrification des bâtiments chauffés aux énergies fossiles via un programme incitatif ambitieux ; 4) Instaurer des mesures d’écoconditionnalité pour les aides publiques (exiger des entreprises aidées par le gouvernement du Québec à identifier et à adopter progressivement des technologies québécoises propres) ; 5) Procéder à un réinvestissement d’urgence des sociétés de transport collectif pour éviter toute diminution de service, notamment à la STM . [Gabriel Nadeau-Dubois rencontre le premier ministre : « François Legault n’a plus d’excuses, il doit livrer la marchandise »]
Notre porte-parole présentait ces mesures comme des mesures raisonnables pouvant éventuellement être acceptées par le gouvernement Legault. Malheureusement, aucune s’adressait au débat de l’heure, concernant le débat sur l’énergie et la nécessité de s’opposer à la privatisation rampante en cours de ce secteur comme en éducation et en santé d’ailleurs. Cette approche évite de poser les tâches politiques essentielles favorisant la rupture avec les politiques néolibérales de ce gouvernement. Elle crée des attentes inutiles envers un gouvernement voué à défendre les intérêts du patronat. Il est donc nécessaire d’élaborer d’autres perspectives. Haroun Bouazzi pose des questions essentielles à cet égard : a. devrait-on vendre notre électricité à rabais à des industries énergivores ; b. Devrait-on construire de nouveaux barrages ; c. comme tenir compte de ce que pensent les peuples autochtones ; d. Comment amener les entreprises à assumer une véritable transition énergétique. Québec solidaire doit répondre sur ses propres bases à ces questions, et particulièrement à celle-ci : comment en finir avec la privatisation de plus en plus importante du secteur énergétique ? [8]
Nos perspectives et nos tâches
La proposition adoptée par le congrès de Québec solidaire proposait de réaligner Hydro-Québec sur sa mission première de monopole public de production de l’électricité et d’assurer l’accessibilité de l’électricité à un bon tarif tout en contribuant aux services publics de santé et d’éducation.
Nationaliser l’ensemble des industries produisant des énergies renouvelables c’est la seule façon de garantir la gestion publique adossée à une démocratie citoyenne pouvant s’organiser localement, régionalement et nationalement et orienter ces industries vers la satisfaction des besoins de la population et non de la soumettre à la logique de recherche des profits, à une logique croissanciste faisant de cette production d’énergie un produit d’exportation comme les autres. Compléter la nature publique de la production de l’énergie au Québec, c’est ouvrir de vastes chantiers écologiques de différents types d’énergies renouvelables visant l’efficacité et la sobriété énergétiques et permettant de multiplier la création d’emplois verts.
La planification démocratique de la production de l’énergie aux niveaux national, régional et local reposant sur une socialisation du secteur doit être l’axe de notre combat. Au niveau national, on ne peut accepter de confier la gouvernance du secteur à un premier ministre tout puissant. La relocalisation de l’économie pour éviter les coûts énergétiques du transport des marchandises, le développement de transports collectifs dans toutes les villes et sur le territoire du Québec, nécessite la définition démocratique des priorités des usages énergétiques, y compris la fin des productions inutiles. Cela nécessitera la mise en place d’une société publique d’énergie sous le contrôle citoyen. Au niveau local et régional, les coopératives de production et de consommation seront appelées à définir les besoins des différentes communautés et des contributions possibles des différentes régions au plan national de production de l’énergie.
Ce sont des perspectives qui restent à concrétiser afin de reprendre notre débat sur Le PLAN CLIMAT DE QUÉBEC SOLIDAIRE, pour compléter ce PLAN concernant le développement du secteur de l’énergie et pour préparer une campagne contre la privatisation rampante du secteur de l’énergie et pour une planification démocratique, nationale, régionale et locale de ce secteur afin de parvenir à une véritable sobriété énergétique.
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