Édition du 17 décembre 2024

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Débat sur la question nationale

Pseudo-convergence et contentement de soi

Mon grain de sel sur la « pseudo-convergence progressiste » proposée par Jean-François Lisée dans Verdun. Outre les détails techniques qui rendent une convergence autour d’une candidature indépendante hautement improbable (et non il ne s’agit pas uniquement d’ego ou de partisanerie), cette tactique du PQ est hautement stratégique parce qu’elle vise à montrer l’impossibilité d’une alliance avec Québec solidaire qui sera alors perçu comme un parti sectaire. Mais au fond, ce n’est pas QS que convoîte sérieusement Lisée, car même une alliance « progressiste » PQ-QS aurait trop peu de chances de battre les libéraux en 2018.

tiré du blogue Ekopolitica - http://ekopolitica.blogspot.ca

Le seul et unique objectif de Lisée, c’est de renverser Couillard et de prendre le pouvoir aux prochaines élections. Pour ce faire, il est prêt à utiliser tous les stratagèmes et manger à tous les râteliers. Et le seul moyen pour Lisée de former une majorité électorale d’ici deux ans, c’est de forger une alliance avec la CAQ (voir les derniers sondages). Après avoir tenté la « convergence souverainiste » avec PKP et le Oui-Québec, puis la convergence progressiste avec QS, le PQ n’aura pas d’autre choix que d’opter pour une « convergence nationaliste » afin d’éviter une défaite électorale qui serait extrêmement coûteuse pour l’avenir du parti. Et ça tombe bien, car l’élection de Lisée est précisément ce qui rend possible une telle alliance. Vous me direz que Lisée est pour la « gauche efficace » et la CAQ est de droite, le PQ souverainiste et Legault autonomiste, mais détrompez-vous. Lisée est pour l’efficacité avant tout, tout comme son ami Legault, et le point de jonction entre les deux formations est le nationalisme, qui consiste à préserver l’unité nationale en misant sur la langue, l’affirmation culturelle et un meilleur contrôle de l’immigration, et non à faire l’indépendance aux prochaines élections.

Cette fenêtre d’opportunité est trop évidente pour que Lisée et Legault n’y aillent pas songé. Tout est planifié et inscrit dans le ciel, c’est même le souhait le plus cher de Mathieu Bock-Côté et de Stéphane Gobeil qui travaillent déjà activement à faciliter cette convergence, que ce soit dans l’espace médiatique pour le premier, ou à l’intérieur des appareils pour le second. Il ne reste que le cadrage des enjeux à fignoler pour faire avaler la pilule aux bases militantes de chaque parti. Il semble que le martelage de l’idée « il faut battre les libéraux à tout prix » contribue déjà à préparer les esprits, qui verront une telle alliance « contre-nature » comme un moindre mal devant l’échec retentissant de leur parti. C’est là l’intérêt objectif qui se dresse comme une nécessité, ancrée dans la peur de perdre les élections, de devenir maginalisé, voire de disparaître.

Mais il y a également la « promesse » d’un monde meilleur, celle où le rêve vénérable mais improbable de l’indépendance pourrait faire place à un projet moins glorieux mais plus accessible, celui d’une société « protégée » contre les ravages de la mondialisation et du multiculturalisme, et qui pourrait « garder vivante l’idée nationale ». Le projet de « souveraineté culturelle », comme préservation d’un monde menacé de disparition, permet donc de réconcilier le sujet moderne déraciné avec la grande trame du passé, contre l’espoir déraisonnable d’une nouvelle révolution politique et économique devenue impossible. Comme le souligne MBC dans ses Confessions d’un souverainiste triste : « pour que la nation veuille un jour son indépendance, encore faut-il qu’elle sache qu’elle est une nation et non pas seulement une population aux repères confus faites d’individus dispersés plongés dans l’euphorie déréalisante du présent perpétuel, sans racines ni projet. En gros, il fallait des hommes et des femmes pour conserver l’idéal national, pour s’assurer qu’il ne disparaisse pas : nous en serions ! ». Ainsi, la convergence nationaliste à venir sera l’expression politique directe de ce climat intellectuel, d’une souveraineté triste et décevante, qui confond non pas l’ouverture à l’autre et le reniement de soi, mais l’affirmation nationale et le contentement de soi.

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