Il ne fait aucun doute que l’absence de rémunération des stages est tout à l’avantage de la classe capitaliste. Les premières institutions qui bénéficient de cette aberration sont évidemment les banques qui profitent d’un endettement étudiant fortement gonflé par l’absence de salaire pour les stagiaires. De plus, la classe capitaliste bénéficie d’une main-d’œuvre supplémentaire qui doit vendre sa force de travail, souvent dans des emplois très mal payés, pour gagner de l’argent tout en effectuant des dizaines d’heures non rémunérées chaque semaine.
Une inégalité sexiste
La lutte pour la rémunération des stages a également le mérite de montrer très clairement comment s’imbriquent le capitalisme et le sexisme. Les stages non rémunérés se retrouvent principalement dans les domaines traditionnellement féminins associés aux services. Ces stagiaires effectuent du travail entièrement gratuit avec un horaire épuisant et fragilisant. Cette situation particulière a pour conséquence de pousser les étudiantes et les étudiants vers des emplois temporaires, souvent mal rémunérés où les syndicats ont de la difficulté à s’implanter. Ce n’est pas un hasard si cet aspect de lutte féministe se retrouve au cœur des assemblées générales des différentes associations étudiantes qui se dotent de mandats de grève.
Une lutte dans l’intérêt de tout le monde
Si les femmes sont les premières à bénéficier de la rémunération de tous les stages, une telle mesure est dans l’intérêt de tout le monde. La solidarité avec les étudiantes et les étudiants en lutte doit s’étendre au-delà des campus et des cégeps. Une telle solidarité peut servir de tremplin vers de nouveaux combats qui participeront à construire la conscience que nous appartenons toutes et tous à la même classe sociale. C’est ensemble que nous pourrons élaborer un projet de société exempte de toute forme d’exploitation, un projet de société socialiste.
Afin de garder nos intérêts communs bien en vue, le mouvement étudiant doit se prémunir contre un des principaux dangers qui guettent la lutte pour la rémunération de stages : la présence d’organisations et de discours « concertationistes ». Comme en 2012, ces groupes et ces individus opportunistes n’attendent que le bon moment pour s’asseoir à la table de négociation et proposer des demi-mesures telles que la rémunération de tel ou tel stage précis et présenter ces miettes comme des victoires suffisantes. En jouant sur cette corde, les représentants et les représentantes de ces groupes risquent d’affaiblir la solidarité dans le mouvement. Ces failles risquent d’être exploitées à la première occasion par l’establishment politique qui voudra opposer le camp des « respectables » et « raisonnables » à celui des « radicaux ». Il faudra rester à l’affût pour éviter la victoire de cette tendance dans le mouvement. Le meilleur moyen d’y parvenir demeure le travail de terrain : les membres des associations étudiantes doivent être au courant des enjeux, en débattre constamment et rester mobilisé·e·s.
Certes, la lutte pour la rémunération des stages ne constitue pas une fin en soi. Elle doit être vue comme un moment dans une lutte plus large, à la fois contre le capitalisme et contre le sexisme. La mobilisation sur cet enjeu a toutefois un fort potentiel pour le développement d’une conscience de classe et une conscience socialiste. Elle offre la possibilité de bâtir des solidarités nouvelles et de remettre sur pied un mouvement étudiant puissant et combatif. Les dernières années ont démontré que les étudiantes et les étudiants ont un potentiel critique très fort dans une économie capitaliste de plus en plus dépendante de la production de savoirs et où le secteur des services occupe autant de place. Il suffit d’imaginer ce que pourrait occasionner une grève générale illimitée des stages pour voir le rapport de force des étudiantes et des étudiants face aux capitalistes.
Charles C.
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