Édition du 17 décembre 2024

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Canada

Pour la paix… Que faut-il regarder du côté du gouvernement canadien ?

Parmi les clichés du début d’une nouvelle année, on souhaite la paix, mais la paix angélique et individuelle sans portée sociale ou politique. C’est trop dérangeant de regarder le portrait actuel dans notre miroir et celui de nos sociétés riches, organisées et bien pensantes. À l’orée de l’année 2022, il reste plusieurs zones d’ombre quant aux enjeux cruciaux au sujet du développement de la culture de la paix, tout particulièrement si l’on analyse un peu les positions du gouvernement du Canada.

8 janvier 2022 | tiré du site les Artistes pour la paix

Première zone d’ombre : la propagande belliqueuse pour bâtir l’image d’un ennemi.

Sur le plan géopolitique, une propagande en continu inculque la peur d’ennemis (Chine et Russie) réduits à des stéréotypes dignes des parfaits méchants de n’importe quel film de guerre hollywoodien. Tous les pouvoirs financiers du monde, se drapant de vertus dites démocratiques, se présentent comme des donneurs de leçons à ces deux pays. Quel est le fondement d’une telle position guerrière ? Selon les stratèges des communications du Pentagone, elles sont multiples multiples : 1) non-respect des dogmes du néolibéralisme économique à la manière américain ; 2) non-conformité à la conception de la démocratie à la manière américaine ; 3) non-respect des droits de la personne ; 4) développement d’une économie qui serait préjudiciable à la puissance économique américaine ; 5) exportation massive de biens dans des sphères d’influence américaines ; 6) développement militaire qui constitue une menace à l’hégémonie américaine. Et nous pourrions allonger la liste à l’infini tellement les trouvailles sont nombreuses. Devant cette logorrhée de mots, les citoyens et les citoyennes des pays dits développés en arrivent à se croire du bon côté de l’histoire avec arrogance contre ces ennemis qui menaceraient l’ordre du monde. Mais reste à voir à quels intérêts et à qui servent les stratégies de cette propagande. À bâtir une culture de la paix ? Certainement pas.

Noircir le portrait d’un ennemi supposé en fondant le noyau central de la propagande sur le non-respect des droits de la personne correspond à une stratégie usée pour justifier les vraies motivations : développer l’esprit et le patriotisme guerrier, les velléités belliqueuses, le maintien et le renforcement des arsenaux militaires, incluant les armes nucléaires, l’augmentation constante des budgets militaires, le camouflage des vraies politiques étrangères orientées vers la recherche de la paix et un développement coopératif durable, etc. Les mensonges de la propagande résistent mal à l’épreuve des faits : autant le gouvernement de Donald Trump que celui de Jos Biden augmentent les budgets militaires d’une manière fulgurante et exigent que les pays membres de l’OTAN et de l’OCDE (donc du Canada) attribuent 2 % du PIB au budget militaire ; les États-Unis poursuivent l’implantation de leurs bases militaires même s’ils en comptent plus de 800 en mesure d’encercler la Russie et la Chine avec une force de frappe incommensurable jamais égalée dans l’histoire de l’humanité.

Bien sûr, un tel portrait semble pessimiste, pérenne et surtout antiaméricain, mais pas vraiment ; il s’agit surtout de faire ressortir que le centre névralgique des stratégies militaristes et bellicistes se trouve au Pentagone. Sur la scène internationale, les arsenaux militaires, les forces dissuasives, les budgets consacrés à la défense et à la sécurité nationale et, finalement, les positions par rapport aux armes nucléaires occupent une place prépondérante dans les débats en coulisse, mais peu sur la place publique, surtout pas dans les médias de communication.

Deuxième zone d’ombre : les silences du gouvernement canadien.

La campagne électorale lancée par le gouvernement dirigé par le premier ministre Justin Trudeau s’est avérée une mise en scène théâtrale pour se mettre en valeur dans l’opinion publique. Sur le fond des choses, il ne s’est agi que d’un brassage des cartes sur les sujets de l’heure, sans plus, avec des entourloupettes communicationnelles pour laisser croire à des changements significatifs. En ce qui a trait aux dépenses militaires, motus et bouche cousue ; par crainte d’effrayer l’électorat et encore moins lui permettre de soulever des questions sur les enjeux et les coûts des dépenses militaires. Les sommes s’avèrent pourtant astronomiques ; le ministère de la Défense résume clairement la situation : « Pour répondre aux besoins du Canada en matière de défense au pays et à l’étranger, le gouvernement augmentera les dépenses militaires annuelles au cours des 10 prochaines années, en les faisant passer de 17,1 milliards de dollars en 2016-2017 à 24,6 milliards de dollars en 2026-2027 dans la comptabilité d’exercice, ce qui se traduit par une hausse des dépenses annuelles de défense dans la comptabilité de caisse de 18,9 milliards de dollars en 2016-2017 à 32,7 milliards de dollars en 2026-2027, c’est-à-dire une augmentation de plus de 70 p. cent. »

Ces dépenses ne couvrent pas seulement les armes, mais bien toutes les dépenses militaires (salaires, armes, matériels, déplacements, approvisionnement, questions juridiques et administratives, activités diverses comme les défilés et les événements commémoratifs, etc.). La justification d’une telle augmentation correspond surtout aux demandes pressantes des États-Unis et de l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN). Comme le signale le site du ministère de la Défense, la direction du gouvernement canadien va clairement en ce sens :

L’engagement du Canada envers l’OTAN est inébranlable.

Au cours des 70 dernières années, nous avons honoré cet engagement en participant à chaque opération de l’OTAN.
Actuellement, le Canada dirige un groupement tactique en Lettonie, la mission d’entraînement de l’OTAN en Iraq et la force opérationnelle maritime de l’OTAN en mer Méditerranée.
Par l’entremise de sa politique de défense, le gouvernement s’est engagé à augmenter les dépenses de la Défense nationale de 70 % sur 10 ans.
Nous continuerons, de concert avec nos alliés de l’OTAN, à renforcer notre sécurité collective et à promouvoir la paix et la stabilité dans le monde.

Si nous transposons la logique de la construction d’ennemis pour justifier la militarisation rapide et en continu, il suffit de constater que le Canada, dans le cadre de l’OTAN, dirige un groupe tactique en Lettonie, donc à la porte de la Russie ; considérant ce pays comme un ennemi, on lui montre qu’une présence militaire le surveille. Le Canada se prête ainsi au jeu des États-Unis, pays qui se targue de jouer le rôle de principal maître d’œuvre de l’OTAN. Nous devons nous interroger sur les choix politiques du Canada. La politique suiviste du pays doit être soumise à un débat public.

Troisième zone d’ombre : le maintien des armes nucléaires.

Le Traité d’interdiction des armes nucléaires est entré en vigueur le 22 janvier 2021. Comme le mentionnait le professeur de droit, Rémi Bachand, dans La Presse du 22 janvier 2021, ce traité comporte « l’obligation qui est faite à tous les États signataires, y compris le Canada, de s’engager dans des négociations de bonne foi de mesures efficaces en vue du désarmement nucléaire. » Par contre, ce traité est contraignant seulement pour les pays qui l’ont ratifié. Or, le Canada ne l’a toujours pas fait, ce qui fait dire à monsieur Bachand que « d’aucuns pourraient s’attendre à ce que le Canada fasse partie des États qui ont appuyé l’initiative et qui ont ratifié le traité. Or, non seulement Ottawa n’a ni signé ni ratifié le TIAN, mais de plus, il en a boycotté tout le processus de rédaction, comme 28 des 29 pays membres de l’OTAN. Et tout cela sans le moindre débat public.

L’entrée en vigueur du TIAN offre l’occasion aux mouvements citoyens d’exiger un tel débat, puis de forcer les gouvernements à agir de façon décisive pour la survie de l’humanité. C’est pour cette raison qu’une coalition pancanadienne demande la tenue d’audiences publiques pour faire la lumière sur le refus du Canada d’adhérer au TIAN et que le collectif Échec à la guerre s’est joint à cette coalition. » Malgré diverses pressions, le gouvernement canadien reste toujours coi et a, à ce jour, refusé tout débat public.

En somme, le gouvernement de Justin Trudeau se tient fermement debout à côté du gouvernement américain, première puissance nucléaire au monde selon le SIPRI, avec 6 550 têtes nucléaires ; la Russie suit de près avec 6 375 têtes nucléaires alors que la Chine en a 350. Que faudra-t-il pour qu’il modifie sa position ? Seules les pressions citoyennes et une meilleure conscientisation collective, donc de l’électorat, pourraient faire bouger l’aiguille de l’irresponsabilité du gouvernement libéral.

Quatrième zone d’ombre : le commerce d’armes.

Comme dans les autres dossiers qui devraient interpeller la politique étrangère, la fabrication et le commerce des armes devraient faire l’objet de débats publics, mais là aussi le gouvernement canadien reste silencieux.

L’augmentation faramineuse et constante des dépenses militaires dans le monde et au Canada inclut le soutien des États au développement d’armes conventionnelles et surtout de puissantes machines de destruction hypersoniques en mesure de dépasser six fois la vitesse du son et de détruire des cibles multiples avec une force dépassant tout entendement.

Bien que le Canada ait adhéré au Traité international sur le commerce des armes, subsistent des zones d’ombre. En 2019, des organismes (Oxfam-Québec, Amnesty International (section anglophone), Oxfam-Canada, Project Ploughshares et Canadians for Justice and Peace in the Middle East) ont rappelé au gouvernement que « l’adhésion au Traité sur le commerce des armes n’aura de sens que si le Canada « passe de la parole aux actes » et veille à ce que, dorénavant, ses exportations d’armes soient strictement conformes aux normes mondiales établies dans ce Traité. »

Est-ce que le Canada a respecté les exigences de ce traité ? Rien n’est moins sûr. Dans un reportage à Radio-Canada du 22 septembre 2020, Marc Godbout soulignait qu’un rapport détaillé de Project Ploughshares relatait la vente de capteurs électro-optiques sophistiqués fabriqués par l’entreprise L3Harris Wescam de Burlington, en Ontario, au gouvernement turc suite à des pourparlers entre le premier ministre Trudeau et le président Erdogan. Selon Project Ploughshares, une telle entente contrevenait aux exigences du traité. Le même organisme est revenu à la charge le 13 décembre 2021 en rappelant au gouvernement de Justin Trudeau son opposition à la vente d’armes à l’Arabie saoudite parce que ce contrat soulève divers enjeux importants sur le plan éthique, légal, les droits humains et les implications humanitaires. On souligne aussi le fait que le ministre de la Défense ne répond même pas aux demandes répétées de Project Ploughshares.

Les silences du gouvernement canadien restent une approche récurrente dans la politique étrangère en ce qui a trait à la participation à l’OTAN, à l’augmentation des budgets militaires et surtout à l’adhésion et au respect des divers traités sur le développement des armes dans le monde.

Nous pouvons regretter ces silences complices de la militarisation durant la campagne électorale de 2021, mais il faut imaginer que les groupes de pression vont poursuivre leur travail et contribuer à sensibiliser les citoyens et les citoyennes malgré l’omertà de notre gouvernement sur tous ces enjeux cruciaux pour l’avenir du pays. Force est de constater que les pacifistes auront du pain sur la planche pendant encore longtemps avant d’en arriver à faire modifier le cours des choses dans le sens du développement d’une culture de la paix.

Nous ne sommes pas seuls. Ne baissons pas les bras !

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