Dès l’été 2014, le gouvernement préparait le terrain législatif en promulguant discrètement, pendant la période des vacances, son Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) qui protège le droit des pétrolières et des gazières de pratiquer la fracturation hydraulique au détriment des sources d’eau potable des citoyens, des entreprises et des communautés. Des membres d’un collectif de scientifiques indépendants qui ont étudié le RPEP utilisent des termes tels que laxiste, absurde, farfelu et irréaliste, pour qualifier ses dispositions [1] [2]. Plus de 300 municipalités ont demandé au gouvernement le droit de déroger de ce règlement afin de se doter de règles plus sévères permettant de protéger vraiment leurs sources d’eau potable. Ce droit leur a été refusé [3].
À l’automne 2015, le gouvernement québécois a organisé des pseudo-consultations publiques sur les Études environnementales stratégiques (ÉES) qui devaient orienter ses politiques en matière d’énergie fossile. Les consultations ont commencé avant que la totalité des études ne soient rendues publiques et le processus a été marqué par le préjugé favorable du gouvernement envers les hydrocarbures [4]. Non seulement la transition vers des énergies alternatives ne faisait pas partie des options envisageables, mais l’analyse coûts-bénéfices des projets liés aux hydrocarbures était biaisée en faveur de l’industrie, voire carrément fausse [5].
Même si la très grande majorité des mémoires déposés par les citoyens et les organisations qui ont participé aux consultations sur les ÉES sont défavorables aux hydrocarbures au Québec [6], et malgré le rapport des ÉES qui mentionne que le développement de cette filière énergétique est « difficilement conciliable avec les objectifs du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques [7] », la nouvelle politique énergétique dévoilée le 7 avril dernier marque un tournant décisif vers l’exploitation, le traitement et le transport pour l’exportation des combustibles fossiles non conventionnels, notamment le gaz de schiste rebaptisé, pour ne pas trop choquer l’opinion publique, gaz naturel liquéfié ou GNL [8]. Le gouvernement va jusqu’à qualifier cet hydrocarbure, qui compte parmi les plus polluants et émetteurs de gaz à effet de serre, d’« énergie de transition ».
La politique agressive du gouvernement en faveur du développement des énergies fossiles vire carrément à la violence envers les citoyens avec le nouveau projet de loi 106 sur les hydrocarbures [9]. Rien n’a été épargné dans ce morceau législatif digne du 19ème siècle pour avantager l’industrie : autoréglementation, culture du secret, simulacres de normes d’acceptabilité sociale, droit prioritaire d’accès au territoire et droit d’expropriation, droit de poursuivre les propriétaires fonciers en cas d’accident, maintien du RPEP, autorisation de la fracturation hydraulique, flou sémantique, etc.
Si la crise climatique n’était pas déjà indéniablement grave, si les énergies renouvelables n’étaient pas si disponibles et abordables, si les combustibles fossiles non conventionnels n’étaient pas décriés internationalement, on pourrait peut-être comprendre le virage du gouvernement vers les hydrocarbures. Ce n’est certes pas la première fois dans l’histoire qu’une population est aux prises avec la folie de ses dirigeants. La politique énergétique du gouvernement de Philippe Couillard et le projet de loi 106 sur les hydrocarbures n’ont plus rien à voir avec la recherche du bien commun ou la raison d’État.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
20 juin 2016