Édition du 18 juin 2024

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Arts culture et société

Phédon ou Sur l’âme ; genre éthique (Texte 52)

Qu’en est-il de l’âme après la mort ? Où Socrate meurt à la fin…

Ce dialogue[1] relate les derniers moments de Socrate, alors que Phédon raconte à Échécrate la dernière conversation que celui-ci a eue avec certains de ses fidèles[2] avant de boire la ciguë.

La discussion commence au moment où Socrate fut libéré de ses fers par ses gardiens, et le plaisir qu’il ressentit lui inspira la réflexion suivante : le plaisir et son contraire, c’est-à-dire la douleur, se suivent comme s’ils étaient nécessairement liés l’un à l’autre[3]. De là surgissent des questionnements : qu’en est-il de la vie et de la mort ? Quel lien existe-t-il entre ces deux phénomènes ou moments distincts de l’existence, aux apparences tellement opposées à première vue ? Un échange s’effectue par la suite de manière à mieux saisir la mort en général et plus particulièrement celle de Socrate, en espérant offrir une réponse à cette autre question : quelle doit être la position du philosophe face à la mort ? Dans ce livre, Platon tente donc de cerner, en même temps, le but ultime de la philosophie. À ce sujet, il affirme ceci : « ceux qui philosophent droitement s’exercent à mourir […] » (67e).

Faut-il craindre la mort ?

Le philosophe doit-il craindre ou non la mort ? Qu’est-ce que l’âme et le corps ? Comment ces deux composantes se distinguent-elles tout en étant liées, provisoirement ou temporairement, l’une à l’autre ? Pourquoi est-il important, pour l’exercice et la pratique de la pensée, de penser la mort ? Qui a la puissance de connaître et de décoder les réalités intelligibles ? Qu’est-ce qu’une cause ? Quel est le rapport entre la génération et la corruption ? Qui commande et qui obéit entre l’âme et le corps ? Qu’est-ce que la réminiscence ? Quelle est la place de l’Esprit dans la détermination des causes des phénomènes ? Qu’est-ce que l’essence des choses ? À quoi correspond le caractère immortel de l’âme ? Pourquoi donner un coq à Asclèpios ou à Esculape[4] ? Sans conteste, ce texte aborde plusieurs interrogations. Mais il porte plus particulièrement sur les liens entre l’âme, le corps, l’immortalité et l’importance de la philosophie dans la conduite de la vie en général et de sa propre vie en particulier.

Socrate ne craint pas la mort, il est même serein face à cette épreuve ultime (étape incontournable ou inévitable ?) de la vie. Il puise cette sérénité nulle part ailleurs que dans l’immortalité de l’âme. Nous sommes en présence ici d’un ouvrage protreptique, d’une véritable exhortation à la sagesse, pour ne pas dire d’un texte qui prépare à la mort et incite surtout à ne point la redouter. On se rappellera d’ailleurs de l’intervention de Socrate lors de son procès sur ce sujet :

Qu’est-ce, en effet, que de craindre la mort, citoyens, sinon se prétendre en possession d’un savoir que l’on a point ? En définitive, cela revient à prétendre savoir ce que l’on ne sait point. Car personne ne sait ce qu’est la mort ni même si elle ne se trouve pas être pour l’homme le plus grand des biens ; et pourtant les gens la craignent comme s’ils savaient parfaitement qu’il s’agit du plus grand des malheurs. Comment ne pas discerner là de l’ignorance, celle qui est répréhensible et qui consiste à s’imaginer ce que l’on ne sait pas ? (Apologie de Socrate, 29a-b).

Le corps, l’âme et la vérité

Dans Phédon, il ressort que le but du philosophe est de se détacher le plus possible des distractions du corps qui empêchent l’âme d’accéder à la vérité ; car pour accéder au bon en soi, au beau en soi et aux autres essences, le corps se dresse en obstacle à la pensée en raison du fait qu’il est pour les humains la « source de mille affairements » (66c). En revanche, la réalité pure n’est saisissable qu’avec la pensée et c’est au moment de la mort que l’âme, détachée du corps, accède pleinement à la vérité. Le philosophe ne doit donc point craindre la mort. Pourquoi ? Parce que toute sa vie il s’est exercé, via la pratique de la philosophie, à s’abstraire de son corps ; dit de façon tautologique, en pratiquant la philosophie, il s’est exercé à une chose : à mourir, synonyme de l’élévation de l’âme.

La vie et le jeu des contraires

La vie naît du jeu des contraires ; la vie naît de la mort et la mort de la vie. C’est par la théorie de la réminiscence que la preuve par les contraires est validée. Apprendre, c’est se souvenir et lorsque nous interrogeons de manière convenable les personnes, elles découvrent par elles-mêmes la vérité par rapport aux choses. Pour se souvenir d’une chose, il faut l’avoir apprise jadis. D’où une constante : l’âme survit à la mort, car elle doit revenir à la vie. Puisque les essences sont réputées indissolubles, l’âme, appartenant à l’espèce des essences, l’est aussi par définition. C’est donc l’âme qui commande au corps qui lui obéit ; le divin commandant et le mortel obéissant. Dans un corps déréglé, les soucis terrestres gagnent en expansion dans notre tête, au point même d’occuper tout le temps de la vie. C’est de la multiplicité des désirs des objets et en retour de leur soif insatiable de combler des désirs illimités que naissent les perturbations intérieures, les conflits avec autrui et les guerres avec les autres communautés ou regroupements sociaux, économiques ou politiques (66c). Socrate soulignait d’ailleurs l’aptitude du philosophe authentique à se former une opinion en ce sens, c’est-à-dire :

[…] tant que nous aurons le corps, et qu’un mal de cette sorte restera mêlé à la pâte de notre âme, il est impossible que nous possédions jamais en suffisance ce à quoi nous aspirons ; et, nous l’affirmons, ce à quoi nous aspirons, c’est le vrai. Le corps en effet est pour nous source de mille affairements, car il est nécessaire de le nourrir ; en outre, si des maladies surviennent, elles sont autant d’obstacles dans notre chasse de ce qui est. Désirs, appétits, peurs, simulacres en tous genres, futilités, il nous en remplit si bien que, comme on dit, pour de vrai et pour de bon, à cause de lui il ne nous sera jamais possible de penser, et sur rien. Prenons les guerres, les révolutions, les conflits : rien d’autre ne les suscite que le corps et ses appétits. Car toutes les guerres ont pour origine l’appropriation des richesses. Or ces richesses, c’est le corps qui nous force à les acquérir, c’est son service qui nous rend esclaves. Et c’est encore lui qui fait jamais de temps libre pour la philosophie, à cause de toutes ces affaires. […] Pour nous, réellement, la preuve est faite : si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il faut que nous nous séparions de lui et que nous considérions avec l’âme elle-même les choses elles-mêmes. Alors, à ce qu’il semble, nous appartiendra enfin ce que nous désirons et dont nous affirmons que nous sommes amoureux : la pensée. […] Car s’il est impossible, en la compagnie du corps, de rien connaître purement, de deux choses l’une : ou bien il n’existe aucune manière possible d’acquérir le savoir, ou bien c’est une fois qu’on en aura fini, puisque c’est alors que l’âme, elle-même en elle-même, sera séparée du corps, mais pas avant (66b-68b).

Exorciser la pensée de la mort

La mort est un fait qui en soi est impensable, mais qui pourtant représente un processus naturel, inhérent à la vie. L’âme se détache du corps et, puisqu’elle pense, s’exerce nécessairement à mourir. Penser la mort consiste donc pour la pensée à se penser elle-même ; en bref, la mort délivre l’âme du corps auquel elle est attachée. Alors que chez la plupart des mortels la croyance veut que la mort détruise l’âme, chez les philosophes il n’en est pas ainsi : il ne faut ni la craindre ni la redouter.

En ce sens, le travail des philosophes consiste à exorciser la peur de la mort. Oui, mais comment ? À travers une réflexion critique au sujet des causes de la génération et de la corruption. Car la cause n’engendre rien, tout au plus permet-elle de rendre intelligible un phénomène. La clef qui ouvre la porte à la compréhension d’un phénomène se situe du côté de la dynamique inhérente à une essence. Et l’essence résulte de la participation à une Idée. Par conséquent, perdre une partie s’explique par une non-participation, mais l’âme est indissociable de l’Idée même de la vie. Impossible donc de parler d’une âme morte. Dans ce cas, la dynamique causale à l’origine des Idées démontre hors de tout doute l’immortalité de l’âme et suppose la capacité de discuter d’une manière philosophique de la mort comme moyen d’approfondir la connaissance compréhensive de l’âme elle-même et de ce qui l’entoure.

Esculape (ou Asclèpios[5]), nous ayant guéris de la crainte de la mort, de la peur d’une vie collée au corps et de la détestation des raisonnements, est rappelé par Socrate qui nous impose de lui devoir un coq (118a). Aucune crainte ou aucune peur ne doivent alors avoir pour effet de nous détourner de la philosophie, mais plutôt de nous pousser à accueillir la mort sans se faire violence à soi-même, autrement dit sans se donner la mort à soi-même en songeant au suicide ; en l’occurrence, il est interdit au philosophe de se suicider. Nous sommes sur la terre dans une position voulue par les dieux. Il faut attendre son heure venue pour mourir, sans en vouloir à quiconque. Pour sa part, le philosophe espère trouver dans l’au-delà d’autres dieux bons et des hommes meilleurs que ceux qu’il a croisés durant sa vie ici-bas. Il ne faut donc jamais oublier qu’une chose naît de son contraire : la vie naît de la mort et la mort de la vie. Voilà pourquoi il ne faut pas redouter la mort.

Cause et esprit

L’Esprit est la cause de toutes choses, selon Anaxagore, qui le campe toutefois dans l’air, dans l’eau et dans l’éther (98c). Aux dires de Platon, ce dernier confondait les conditions de l’existence avec ses causes ; la cause se situe plutôt dans les Idées, comme le Bien en soi, le Beau en soi, le Bon en soi… Les choses sensibles ne sont bonnes, belles et bien qu’en raison de leur participation à l’Idée du beau, à l’Idée du bon et à l’Idée du bien en soi[6]… Toutes choses vivantes contiennent en plus des contraires qui les font dépérir, mais l’âme, elle, reste indestructible. Car l’âme est immortelle (105e-106b), ce qui justifie pourquoi il ne faut jamais cesser de la rendre meilleure (107c). Ainsi, le philosophe doit toute sa vie durant pratiquer la tempérance et la justice, puis venu à terme, rendu chez Hadès, il aura le loisir d’aller goûter les félicités des bienheureux.

Conclusion

« La mort, pensons-nous que c’est quelque chose ? » (64c)

Dans ce dialogue, Socrate s’entretient avec ses fidèles au sujet de la mort et de ses rapports à la fois avec l’âme, le corps et l’immortalité. Son attitude sereine face à sa propre disparition en étonne plusieurs. Or, il cherche à prouver l’existence de l’immortalité de l’âme, de la réminiscence et de l’indivisibilité de l’âme, à savoir des choses auxquelles les modernes et les post-modernes sont peu nombreux à adhérer. Il est certes important de réaliser jusqu’à quel point les contraintes du corps et les angoisses qui le hantent durant ses périodes d’insatisfaction se dressent comme un empêchement à accéder librement à la pensée. Certes, difficile est pour quelqu’un de se concentrer dans des moments de vives douleurs, de soif intense, de faim à combler et de sommeil à récupérer. Mais le corps se divise en plusieurs parties, en incluant l’esprit qui lui ne fait qu’un avec lui-même. Qui se laisse dominer par ses désirs et ses besoins joue avec les tables de calcul des avantages et des inconvénients. Choisir la philosophie, c’est construire sa vie selon l’Esprit et non la nécessité des choses contingentes.

Penser la mort revient pour la pensée à se penser elle-même. La mort et la philosophie travaillent de la même manière, puisqu’elles se destinent, l’une comme l’autre, à délier l’âme du corps qui se dresse en obstacle à la pensée. Ce corps dont les besoins pressants et urgents (ou non) à combler détournent la pensée de son potentiel réel. Car combien de temps ne perdons-nous pas à prendre au sérieux des choses insignifiantes, à adhérer à de fausses certitudes, à des valeurs bancales ou encore à croire que nous sommes complètement dépendants de ce corps dont la mort sera la fin de tout ?

De ce dialogue indirect, raconté par Phédon, nous retiendrons que l’immortalité ne signifie pas qu’une chose est en soi indestructible. La théorie de la réminiscence (75c-d) et l’affirmation de l’existence de l’âme (76c-d) avant notre naissance ne sont que des postulats qui demeurent indémontrés (voire peut-être indémontrables), même chez Platon dont la rigueur laisse à désirer et qui omet en plus à fournir des explications sur l’origine du premier souvenir. Une certitude demeure néanmoins chez ce philosophe : la cause des choses est ancrée dans les Idées ou dans l’Esprit. En définitive, la morale de cette histoire se résume à dire que nous vivons pour mourir, et mourir se révèle être une bonne chose.

Et la politique dans tout ceci ?

Devant Phédon nous pouvons nous demander jusqu’à quel point ce dialogue rédigé par Platon se distingue des autres textes qui ont pour vocation de former des philosophes rois ou encore leurs conseillers. Phédon expose la philosophie comme n’étant rien d’autre qu’une réflexion-méditation sur la mort. Quand nous y regardons de plus près, nous remarquons qu’il y a dans cet ouvrage la vision ordonnée et hiérarchisée de la Cité idéale qui apparaîtra ultérieurement dans la République. Au final, la pensée doit être détachée le plus possible des besoins du corps (67a) pour être en mesure d’être dirigée par l’exercice de la raison pure. Voilà l’éloge de la raison qui déterminera largement la pensée occidentale.

Guylain Bernier

Yvan Perrier

9 octobre 2022

yvan_perrier@hotmail.com

Références

Dixsaut, Monique. 1998. « Platon ». Dans Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel.

Graves, Robert. 1967. Les Mythes grecs. Paris : Fayard, 1 185 p.

Heuzey, Léon. 1890. « Un dieu carthaginois coiffé de la dépouille d’un coq ». Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 34e année, (2), p. 119-121.

Platon. 1965. Apologie de Socrate — Criton — Phédon. Traduction, notices et notes par Émile Chambry. Paris : Garnier Frères, 187 p.

Platon. 1991. Phédon. Présentation et traduction par Monique Dixsaut. Paris : GF Flammarion, 448 p.

Platon. 2020. « Phédon ou Sur l’âme ». Dans Luc Brisson (Dir.), Platon oeuvres complètes. Paris : Flammarion, p. 1171-1240.

Vocabulaire

Misologue : mépris des raisonnements (89d).

Philotime : Celui qui recherche les honneurs, homme ambitieux (68c).

Annexe

Voici la division du texte établie par Monique Dixsaut (1991) :

Introduction du récit (58e-61c)

L’apologie (61c-69e)

L’absurdité remise à sa place (61c-63e)

L’opinion des philosophes (63e-68b)

Vertus illusoires et vertus véritables (68b-69e)

Le devenir, passage entre deux contraires (69e-72e)

La réminiscence (72e-77a)

Intermède (77a-78b)

L’alternative (78b-84b)

Intermède (84b-85b)

L’objection de Simmias (85b-86d)

L’objection de Cébès (86e-88b)

Intermède (88c-91c)

Interruption (88c-89c)

La misologie (89c-91a)

Le pari (91b-c)

Reprise (91c-92a)

Réfutation de l’objection de Simmias (92a-95a)

Transition (95a-e)

L’autobiographie (95e-102a)

La science de la nature (95e-97b)

Anaxagore : espoir et déception (97b-99c)

La seconde navigation (99c-d)

Les vraies causes (99d-101c)

Les conseils à Cébès (101d-102a)

Interruption (102a-b)

Le dernier raisonnement (102b-107a)

Le paradoxe de la double relation et le principe de l’exclusion des contraires (102b-103a)

L’objection de l’anonyme (103a-c)

Extension du principe d’exclusion des contraires (103c-105b)

Aux contraires indirects (103c-104e)

Aux choses qui apportent toujours avec elles un contraire (104e-105b)

Les affaires raffinées (105b-c)

Donc, l’âme est immortelle (105c-e)

Si l’immortel est indestructible, l’âme est indestructible (105e-107a)

Transition : suivre le raisonnement, raconter une histoire (107a-108e)

Le mythe (108e-115a)

La Terre, allégorie (108e-111c)

L’intérieur du corps de la Terre (111c-113c)

La destinée des âmes (113d-114c)

Conclusion (114c-115a)

Socrate meurt (115a-118a)

[1] Phédon est un dialogue raconté par Phédon lui-même.

[2] Le groupe des fidèles ayant assisté au dernier jour de Socrate était composé des personnes suivantes : les Athéniens Apollodore, Criton et son fils Critobule, Hermogène, Épigène, Eschine, Antisthène, Ctèsippe, Ménexène, et parmi les étrangers il y avait Simmias de Thèbes, Cébès et Phaidondès et finalement Euclide et Terpsion de Mégare. Platon était absent en raison du fait qu’il était malade.

[3] Dans Phédon, Platon postule clairement que les états contraires (ex. « dormir » ou « être éveillé ») « proviennent l’un de l’autre » (71c).

[4] À Asclèpios ou à Esculape effectivement, car si les deux désignent des dieux de la médecine, le premier dit « l’infiniment bon » possède « un nom respectueux donné à tous les héros médecins dans l’espoir de s’attirer leur bienveillance », et ce chez les Grecs, tandis que le second dit « ce qui pend du chêne comestible », à savoir le gui, son nom constitue la forme latine d’Asclèpios (ou Asclépios) (Graves, 1967, p. 283) ; autrement dit, les deux noms sembleraient être interchangeables. D’ailleurs, dans les versions du Phédon consultées, celles de Monique Dixsaut (Platon, 1991) et de Luc Brisson (Platon, 2020) font référence à Esculape, tandis que celle d’Émile Chambry (Platon, 1965) fait mention d’Asclèpios. Mais serait-il possible d’en préférer l’un par rapport à l’autre ? Pour départager, deux possibilités se présentent : tout d’abord, puisque Phédon, Échécrate et Socrate, soit les principaux personnages du récit, sont d’origine grecque, alors la logique pousse à prioriser Asclèpios ; mais ensuite, la suggestion de sacrifier un coq mérite attention. Chez les Grecs, le symbole du coq serait double : d’une part, un oiseau de combat consacré au dieu de la guerre, et d’autre part, un annonciateur du jour associé à Apollon (Heuzey, 1890, p. 120) ; il n’est alors plus question ici du dieu de la médecine. Lors d’une séance de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1890, on se questionna d’ailleurs sur la raison pour laquelle un coq serait consacré à Esculape, en faisant référence à Socrate dans le Phédon. Une hypothèse est alors avancée sur une possible association aux « idées orientales du triomphe sur les influences malignes ; car la première médecine, la médecine orientale surtout, avait un caractère de conjuration superstitieuse et magique », ce qui a permis de faire le lien avec le dieu Eshmoun, « l’Esculape phénicien, dont le temple était le principal sanctuaire de Carthage » (Heuzey, 1890, pp. 120-121). D’ailleurs, la cité de Carthage aurait été fondée par des Phéniciens vers le VIIIe siècle av. J.-C, justifiant alors la présence d’un dieu oriental en Afrique du Nord. Par conséquent, cette hypothèse suggère que Socrate ne faisait point référence au dieu grec Asclèpios, mais à un alter ego dont Esculape représente l’un des noms étrangers connus et auquel le coq peut être mieux associé. Peu importe, Asclèpios ou Esculape, l’intention de Socrate demeure de se référer au dieu de la médecine aux nombreux talents, dont celui de ramener les morts à la vie — ce qui coûta d’ailleurs très cher à l’Asclèpios de la mythologie grecque, si nous préférons nous focaliser exclusivement sur ce récit.

[5] Voir les explications données à la note 4.

[6] « […] c’est par le beau que les belles choses deviennent belles. » (100e)

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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