Édition du 25 mars 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Pandémie et mesures étatiques contraignantes

Obliger ou ne pas obliger ? Là est la question.

« Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ». Platon.

En temps normal, en période d’accalmie, quand tout va bien et qu’il n’y a aucun risque grave pour la santé et la sécurité qui pointe à l’horizon pour quiconque, il est de mise de se montrer favorable à la maximisation de la capacité d’action des citoyennes et des citoyens et, par conséquent, il est parfaitement correct de militer en faveur d’un minimum d’entraves en provenance des acteurs étatiques.

En cette période dramatique où jusqu’à maintenant ce sont 417 832 personnes qui ont été infectées au Québec par le virus qui a pour nom le COVID-19 et 11 431 personnes qui ont perdu la vie depuis le 12 mars 2020, des mesures contraignantes et obligatoires sont nécessaires pour combattre la pandémie.

Il est facile pour quiconque d’observer qu’en ce moment il y a des personnes qui vivent et s’accommodent très bien avec la réglementation étatique qui vise à protéger la vie et à assurer le bien-être général de la population. Il y en a d’autres par contre qui sont réfractaires ou hostiles à se faire vacciner. L’Institut national de la santé publique du Québec nous indique ceci « 78,8% de la population a reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19. Chez les 12 ans et plus, ce pourcentage a maintenant atteint 90% et 86,8% sont adéquatement vaccinés[1]. »

Du côté du personnel du réseau de la santé et des services sociaux, 14 600 salarié.e.s ne sont pas vacciné.e.s et 7 800 n’ont reçu qu’une seule dose de vaccin contre la COVID-19[2].

Pour quelles raisons au juste 22 400 salarié.e.s de ce réseau névralgique ne sont-elles pas adéquatement vaccinées ? Il y en a un certain nombre qui le fait au nom de leur "liberté individuelle". L’occasion est donc bonne pour réfléchir autour de certaines notions comme : épidémie, pandémie, indépendance, liberté, société et mesure prophylactique.

Épidémie et pandémie

Il y a une différence majeure et fondamentale entre une épidémie et une pandémie. Une épidémie correspond, entre autres choses, à une « 1. Apparition accidentelle d’un grand nombre de cas (d’une maladie infectieuse transmissible) […] ». On parlera d’une pandémie quand l’épidémie « atteint un grand nombre de personnes, dans une zone géographique très étendue » (Le Petit Robert, 2017). Quel est le meilleur moyen pour combattre la propagation de la COVID-19 ? Selon l’Organisation mondiale de la Santé il faut continuer à porter un masque et à respecter une distanciation physique. Il faut se laver régulièrement les mains et éviter de se rendre sur les lieux abondamment fréquentés. Les vaccins sont également une « arme essentielle dans la lutte contre la COVID-19 »[3].

Indépendance, liberté, société et mesure prophylactique

En cette période de pandémie, certaines mesures obligatoires (c’est-à-dire contraignantes pour toutes et tous) s’imposent en vue de protéger la vie. La société n’est pas une addition de personnes libres et indépendantes les unes face aux autres. Il s’agit plutôt d’une association de personnes qui sont en relation les unes avec les autres. Des règles de conduite sont donc requises pour assurer à toutes et à tous une meilleure vie. Vouloir se soustraire aux mesures ou aux traitements prophylactiques relève d’un je-m’en-fichisme à proscrire.

Je partage l’avis de l’ancien président de la CSN, Louis Roy, qui écrivait sur son mur Facebook le commentaire suivant :

« Vaccination obligatoire ?

Pourquoi le Tribunal administratif du travail ne rend-il pas une décision préventive sur l’obligation des syndicats à défendre leurs membres (47.2) qui refusent de se faire vacciner ? Les syndicats sont POUR la vaccination ! Mais la loi les oblige à défendre leurs membres qui subissent des mesures disciplinaires. Si l’obligation d’être vacciné dans le réseau de santé n’est pas un motif d’obligation de défense, ça sera clair pour tout le monde, syndicats et membres. Si les syndicats DOIVENT défendre les anti-vaccins, le gouvernement devra proposer d’autres mesures préventives comme le port du masque N-95 en continu, les tests quotidiens et autres équipements pour les non-vaccinés. Tout cela éviterait les jugements injustes publiés sur les syndicats et même sur les personnes non vaccinées. Le réseau de la santé a été mis en danger par toutes les coupures, compressions, réformes et autres lubies comptables des gouvernements. On ne peut pas le fragiliser encore plus ! Trouvons des solutions au lieu de démoniser les syndicats et les travailleuses du réseau !!! »

Il reste à préciser jusqu’à quel point les syndicats sont tenus ou non de défendre des salarié.e.s syndiqué.e.s qui mettent en danger la santé et la vie d’autrui ? Laissons aux spécialistes du droit du travail la tâche de trouver la réponse à cette épineuse interrogation.

Pour conclure

Tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas vaincu le virus COVID-19, une inscription devrait apparaître au fronton de la totalité des établissements de la santé et des services sociaux (et ailleurs également) :
« Nul n’entre ici s’il n’est vacciné adéquatement ».

Yvan Perrier

15 octobre 2021

11 heures

yvan_perrier@hotmail.com

Texte également consulté :

https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-09-16/20-000-travailleurs-de-la-sante-non-vaccines/le-reseau-doit-se-preparer-a-les-remplacer-tranche-dube.php. Consulté le 15 octobre 2021.

[1] https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/bilan-quebecois-de-la-covid-19-du-14-octobre-2021-acfa14cfe9d1fcfbbcc711119dd3915d. Consulté le 15 octobre 2021.

[2] https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/episodes/576930/rattrapage-du-jeudi-14-octobre-2021/14. Consulté le 15 octobre 2021.

[3] https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/covid-19-vaccines. Consulté le 15 octobre 2021.

Ajout
16 octobre 2021
11h30

1) Un évaluateur anonyme m’écrit :

«  Pour élargir la réflexion, il faut prendre en compte les éléments suivants :

En mars et avril 2020, les personnes oeuvrant dans le réseau de la santé et des services sociaux ont été laissées à elle-même, sans protection adéquate, sans directives claires et plus de 45,000 d’entre elles ont attrapé la Covid.
Le port du masque dans les lieux publics a été « proscrit » par le directeur de la santé publique, étant même qualifié de « dangereux ». Il va sans dire que les salarié.e.s de la santé ont alors « décroché » des recommandations de l’INSPQ...

Aucun test pour vérifier si les gens qui avaient été infectés par la Covid l’ont été à nouveau. Ce qui peut expliquer pourquoi aujourd’hui des personnes considèrent qu’elles ont été infectées et qu’elles sont par conséquent « protégées »...

Les gens doublement vaccinés peuvent être contagieux sans présenter aucun symptôme. Cela signifie qu’il faut donc continuer à se protéger par des équipements adéquats. Or, l’été dernier, le gouvernement a réduit les mesures de prévention en institution. Là encore, certaines travailleuses se sont senties « manipulées » par des institutions qui devaient les protéger tout autant que les personnes malades ou hospitalisées...

Aujourd’hui encore, on n’oblige pas le port du masque N-95 dans des zones « dangereuses » comme les soins intensifs et l’urgence. Certaines travailleuses en déduisent que vaccinées ou non, elles courent les mêmes risques et que la vaccination n’est qu’un élément factice qui pourrait être remplacé par une meilleure ventilation, des EPI (équipements de protection individuels) accessibles et adéquats et l’application stricte des autres mesures de désinfection.

Loin de moi l’idée d’excuser les personnes non vaccinées qui travaillent dans le réseau. Mais, à notre connaissance, il n’y a eu qu’une seule éclosion mortelle dans les établissements de la santé depuis juin. Or, toutes les personnes qui sont décédées depuis se sont infectées ailleurs qu’à l’hôpital ou en institution d’hébergement. Pourtant, on réduit encore les mesures de prévention dans les bars, lieux de culte et de culture et dans la population en général... Pour quelqu’un qui refuse la vaccination, il n’y a rien là pour le convaincre que SA vaccination est essentielle... »

Il est très juste de mentionner que le gouvernement Legault a connu des ratés importants dans la gestion de la présente crise sanitaire. Il n’est donc pas question de minimiser ou de passer sous silence les incohérences du premier ministre, de certains ministres et celles également de la Direction de la santé publique. Incohérences qui ont eu pour effet d’envoyer des signaux contradictoires au personnel du réseau de la santé et des services sociaux.

2) Et pendant ce temps au Canada et en Italie…

Le premier ministre Justin Trudeau, a décidé d’imposer la vaccination obligatoire à la totalité des fonctionnaires du gouvernement fédéral.
Le gouvernement italien a décidé pour sa part de rendre, à partir du 15 octobre 2021, la passe sanitaire obligatoire pour la totalité des salariées des secteurs « privé et public ». Vous avez bien lu, « la totalité ».

Bref, tant et aussi longtemps que nous serons en présence d’une pandémie (c’est-à-dire une crise sanitaire mondiale), il faut mettre la pédale douce sur les allégements ou les mesures d’assouplissement. Les politiques publiques doivent s’aligner sur la science, même si cela a pour effet de restreindre certaines libertés.

https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20210916-covid-19-l-italie-rend-obligatoire-le-passe-sanitaire-pour-tous-les-salariés-du-public-et-du-privé. Consulté le 15 octobre 2021.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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