Édition du 17 décembre 2024

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Israël - Palestine

Palestine : histoire d’un ethnocide

À la fin du 19e siècle, la Palestine constituait une province du vaste Empire ottoman, qui comptait environ 350 000 personnes de langue arabe. Largement majoritaires, en particulier dans les zones rurales et les déserts, les musulmanEs vivaient en très bonne entente avec les minorités religieuses, essentiellement concentrées à Jérusalem. Celles-ci étaient constituées de juifEs (environ 8 % de la population palestinienne) et de chrétienEs, qui représentaient environ 12 % des PalestinienEs et s’organisaient en une multitude d’églises de rites différents (grec, arménien, copte, ­égyptien, latin, éthiopien).

Hebdo L’Anticapitaliste - 680 (26/10/2023)

Par Laurent Ripart

Le sionisme : un projet colonial de destruction des Arabes de Palestine

Cet équilibre traditionnel fut remis en cause par la montée en Europe de l’antisémitisme. Alors que les pogroms se multipliaient à l’est de l’Europe dans les années 1890, un petit groupe de nationalistes appela les juifs d’Europe à émigrer en Palestine, dans l’objectif de recréer le royaume mythique de Salomon. Des dizaines de milliers de juifs, venuEs surtout de Russie et de Pologne, s’installèrent à Sion, autrement dit à Jérusalem. Ils bénéficiaient alors de la sympathie des puissances européennes, en particulier de l’Angleterre qui, dans le contexte du dépeçage de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, s’était vue reconnaître en 1920 un ­protectorat sur la Palestine.

Dans les années d’après-guerre, le développement en Europe de régimes antisémites assura le succès du sionisme, en suscitant une nouvelle vague d’émigration en Palestine, qui permit aux juifs de représenter environ 30 % de la population palestinienne dès 1939. D’origine européenne, ces émigréEs disposaient de richesses qui leur permirent d’accaparer les terres. Dépossédée, la population arabe se trouvait sous la menace du ­sionisme, ­autrement dit de la création d’un État juif sur ses terres historiques. Dès 1929, les populations arabes menèrent des pogroms antijuifs, qui firent une centaine de morts, avant qu’à partir de 1935 n’éclate une révolte générale. En difficulté, les Anglais réprimèrent férocement la révolte arabe, tout en essayant en vain de limiter l’émigration juive.

La Nakba

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les milices juives estimèrent qu’il était temps de faire aboutir leur projet d’État juif, en multipliant les attentats contre les Anglais et les Arabes. La situation devenant incontrôlable, les Britanniques annoncèrent en 1947 qu’ils souhaitaient mettre un terme à leur domination en Palestine. L’ONU et les quatre puissances qui la dominaient alors (USA, URSS, Angleterre et France) décidèrent de partager la Palestine en deux États, l’un pour les Juifs, l’autre pour les Arabes, tandis que Jérusalem se voyait dotée d’un statut international. Ce plan, qui dépossédait les Arabes de plus de la moitié de la Palestine suscita, leur colère : les agressions et les massacres se multiplièrent, avant de dégénérer en une véritable guerre, au cours de laquelle les milices juives prirent le dessus. Elles expulsèrent une grande partie des populations arabes dans les territoires qu’elles occupaient, donnant ainsi naissance à la « Nakba » (la Catastrophe).

En 1949, lorsque les combats s’arrêtèrent, le nouvel État d’Israël englobait 78 % de la Palestine historique. La grande majorité de la population arabe avait été contrainte à l’exil, dans les camps de réfugiéEs qui s’ouvrirent en grand nombre, en Égypte, en Syrie ou au Liban, tandis que leurs propriétés étaient confisquées et redistribuées à des émigrants juifs. Les rares terres palestiniennes restées sous le contrôle des Arabes furent envahies par les États voisins : la Cisjordanie, avec Jérusalem-Est, fut occupée par la Transjordanie, qui donna ainsi naissance à la Jordanie, tandis que la petite bande de Gaza était occupée par l’armée égyptienne.

À la conquête de la Palestine

L’État d’Israël était ainsi né d’une guerre de conquête, qui l’avait conduit en dehors du droit international à conquérir un vaste territoire et à en éliminer la grande majorité de sa population. L’acceptation par les grandes puissances de ce crime originel en entraîna bien vite de nombreux autres : en 1967, l’État d’Israël envahissait la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, ­s’emparant de toute la Palestine, et occupait aussi les étendues désertiques du Golan syrien et du Sinaï égyptien. L’ONU se refusa à reconnaître ces annexions et toute une série de résolutions ordonnèrent à Israël d’évacuer ces « territoires occupés ». Dans le contexte de la guerre froide, les États-Unis parvinrent toutefois à assurer l’impunité totale de l’État d’Israël, qui constituait un fidèle allié.

Ainsi protégé, le gouvernement israélien effectua un nouveau pas, en annexant Jérusalem-Est. Il installa aussi les nouveaux émigrantEs dans les territoires occupés, créant ainsi des colonies juives au sein des territoires arabes. La montée en puissance des mouvements de résistance palestinienne, regroupés dans l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), leurs actions, militaires et non-militaires, soutenues par la solidarité internationale, amenèrent les États-Unis à imposer une paix en Palestine, au lendemain de la guerre du Golfe. En 1993, les accords d’Oslo contraignirent Israël, en échange de sa reconnaissance par l’OLP, à accepter la future mise en place d’un État palestinien, autorisant dans l’immédiat l’OLP à administrer les villes de Gaza et de Jéricho et les territoires environnants.

Le projet criminel du « Grand Israël »

L’arrivée au pouvoir en 2001 d’Ariel Sharon, un militaire ultra-nationaliste, mit ­définitivement fin au processus de paix. Entamant une dérive de plus en plus droitière, les gouvernements israéliens travaillaient ouvertement à la mise en place d’un « Grand Israël », autrement dit d’un État juif qui s’étendrait jusqu’au Jourdain. Limitant drastiquement les marges d’action de l’autorité palestinienne en Cisjordanie, qui perdit rapidement tout crédit, l’État d’Israël y amplifia sa politique d’implantation de colonies juives. Évoquant de plus en plus clairement leur volonté d’annexer tout ou partie de la Cisjordanie, les IsraélienEs y enfermèrent les populations palestiniennes dans de petites enclaves séparées par de hauts murs. Cette politique de création de bantoustans palestiniens trouva son apogée dans la bande de Gaza, que les IsraélienEs évacuèrent en 2005, pour enfermer la population dans ce vaste camp à ciel ouvert de seulement 360 km2.

L’ONU a plusieurs fois pris acte de l’avancée de la colonisation. En 2016, le Conseil de sécurité avait réaffirmé qu’il ne reconnaîtrait « aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations  » (1). Le 12 février dernier, le Conseil de sécurité exprimait sa «  consternation face à l’annonce par Israël de la poursuite de la construction et de l’expansion de colonies de peuplement et de la ­“légalisation” des avant-postes de colonies  » (2) et s’inquiétait de la situation des PalestinienEs.

L’attaque du 7 octobre 2023 constitue une aubaine pour le gouvernement d’extrême droite qui dirige Israël, une possibilité d’effectuer un nouveau pas vers son projet de création d’un « Grand Israël ». Dans la mesure où l’État d’Israël se définit comme « l’État-nation du peuple juif », ce projet, qui constitue l’aboutissement de la logique sioniste, ne peut passer que par l’éradication physique, la subordination absolue ou encore l’enfermement des populations arabes de Palestine. Seule la résistance du peuple palestinien et le soutien que peuvent lui apporter tous les peuples du monde peuvent empêcher cette nouvelle étape annoncée de l’ethnocide palestinien.

1. https://documents-dds-ny…
2. https://press.un.org/fr/…

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