Tiré de MondAfrique.
Chéri Samba, né en 1956 au Zaïre devenu le Congo, étudie à l’école de son village et devient -forcément- le meilleur dessinateur de la classe. Il quitte les siens à seize ans pour Kinshasa et travaille dans la publicité et la bande dessinée. Jusqu’au jour où en 1975 il décide de se mettre à son compte. L’ami Samba chronique alors la vie locale et accroche ses tableaux sur le mur extérieur de son atelier en créant des attroupements. Et d’ajouter des textes en lingala, kikongo et français. « Que les gens, plaide-t-il, restent plus longtemps devant mes toiles ». Son travail est fait pour à la fois être vu et lu, lui qui se présente comme « un peintre journaliste ». C’est là « cette griffe sambaïenne » que Samba gardera toute sa vie.
Le peintre est repéré par André Magnin qui recherche en Afrique pour l’exposition les Magiciens de la terre les nouveaux talents. Cette exposition présente l’art contemporain « non occidental » dans un musée national de réputation internationale. Samba y rencontre un grand succès. Désormais « il invente, commente et critique le monde », les mœurs, les conflits sociaux moraux et politique. Il laisse parler l’image bien loin des modèles académiques. Et même si ces tableaux peuvent sembler naïfs, ils sont complexes et riches et interpellent la société même dans ses autoportraits.
« Un deuxième bureau » en Afrique
Adorateur de sa mère, le peintre ridiculise l’homme non sevré au lait maternel. Il préconise l’attachement à une seule femme. « La cuisine est parfois l’une des causes de divorce ». Reste la possibilité d’avoir « un deuxième bureau », une maitresse en Afrique francophone. Qui produit le plus de travail ? l’employeur ou l’employé ? « Toutes les nanas sont pareilles, jaunes, blanches, rouge ou noires, grosse ou maigre, grande ou petite, il suffit seulement qu’elles se soignent bien. C’est le constat de mes 40 ans d’âge. »
Il y a encore et toujours l’humour. « Peut-être nous sommes pour quelque chose, nous les femmes au sujet du réchauffement climatique, nos corps chauffent trop, surtout après notre période, mais que voulez-vous que nous fassions ? » La sirène séductrice Mami Wata est très présente dans l’art populaire car elle promet richesse et réussite sociale aux hommes qu’elle rencontre. Mais Samba mets en garde : « 0n ne peut compter que sur soi-même, son propre travail et sa propre sagesse ».
Pour la paix et … les armes
À Kinshasa Au Congo où il habite, le peintre écrit des chroniques humoristiques, joyeuses, mais il est un artiste engagé. Dans Ultimatum, il conteste le pouvoir autoritaire du Marechal Mobutu, questionne la traite négrière, dénonce le manque de solidarité africaine, les ambiguïtés de l’armement avec « Je suis pour la paix, c’est pour ça que j’aime les armes ».
Il est aussi un « universel » alors que son œuvre est de plus en plus reconnue. Dans le monde vomissant, plusieurs pays recrachent sur les États Unis leur arsenal et leurs mensonges concernant la présence d’armes de destruction massive lors de l’invasion de l’Irak. Les titres sont évocateurs, Lutte contre l’insalubrité, Réfléchir avant d’agir, un regard sur l’histoire dans A qui la traite négrière a t’elle vraiment profitée ?
Dans les années 1990, il devient le peintre africain le plus connu, présent dans les musées internationaux et il questionne l’histoire de l’art. Ce qu’il célèbre avec Enfin ! après tant d’années. Dans Quel avenir pour notre art ? Il est avec Picasso, noir comme lui, qui s’est inspiré de l’art africain dans ses débuts cubistes. Ils sont chacun avec un tableau sous le bras, tous les deux décidés à entrer au musée d’art moderne. Serait-il un artiste africain comme les autres ? Et il défend aussi les artistes traditionnels dans Hommage aux anciens créateurs qui sont présents dans les collections occidentales mais pas dans leur pays du fait du faible nombre de musée.
Cheri Samba voulait un « un art universel qui doit s’adresser au peuple ». Pari gagné en couleur avec gravité, sensibilité et humour.
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