Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal
Jean-Pierre Finet, analyste et porte-parole, Regroupement des organismes environnementaux en énergie
À elle seule, Northvolt occasionnera un effet à la hausse de près de 1% (0.96%) sur la facture de la clientèle d’Hydro-Québec selon les données provisoires de la société d’État recueillies et colligées par l’analyste indépendant en énergie Jean-François Blain. En effet, l’usine de batteries devra s’alimenter à partir d’énergie post patrimoniale. En présumant un coût d’approvisionnement à 10 cents par kilowattheure (kWh) et un prix de vente à 5 cents par kWh au tarif L pour la grande industrie, il en résulte un déficit de 5 cents par kWh qui devra être épongé par l’ensemble de la clientèle, incluant les clients à faible revenus. Considérant une consommation annuelle de près de 3 milliards de kWh à elle seule, Northvolt nous coûtera donc très cher. Les 127 premiers millions de dollars de profits annuels de Northvolt proviendront donc de la clientèle d’Hydro-Québec. C’est d’ailleurs le genre d’information qui serait publique s’il y avait une évaluation environnementale indépendante et des audiences publiques par le BAPE telle que l’ont demandé plus de 180 groupes et signataires.
Qui doit payer pour la transition énergétique et le développement de l’économie ?
La question se pose. Pour le ministre Fitzgibbon, l’usine de batteries Northvolt est un projet phare pour la transition énergétique et pour le développement de l’économie. Pour lui, investir dans Northvolt et la filière batterie équivaut à créer de la richesse collective et à assurer la décarbonation de l’économie. Pourtant, rien n’est moins sûr. Nous n’avons aucune idée de la mesure dans laquelle cette usine de batteries réduira la consommation de pétrole au Québec. De même, nous ne savons toujours pas comment les retombées économiques hypothétiques futures de cette industrie compenseront les subventions initiales du gouvernement et les subventions tarifaires perpétuelles que nous lui accorderons collectivement. Pour l’instant, en l’absence d’études et de comparatifs, la seule chose que l’on puisse conclure, c’est que ce sont, en bonne partie, les ménages qui financent et créent la richesse pour l’industrie.
Décarboner l’économie et promouvoir le développement économique, ce n’est pas la responsabilité des clients d’Hydro-Québec. Le gouvernement s’est déjà trop souvent servi des tarifs d’électricité pour financer ses programmes de développement économique et ses projets environnementaux. Pensons à l’installation de bornes électriques, à l’achat d’électricité provenant d’éoliennes privées ou à l’entente sur la biénergie électricité-gaz signée avec Énergir. Il ne faudrait pas ajouter les coûts de la filière batterie en plus. La réduction des émissions de gaz à effet de serre bénéficie à la société en général et pas seulement aux clients d’Hydro-Québec. La transition énergétique doit donc être financée par l’ensemble de la société et par les grands pollueurs en raison desquels la décarbonation est aujourd’hui nécessaire.
Le premier ministre demande aux Québécois de « changer d’attitude » envers des projets comme Northvolt. Alors qu’un nombre effarant de ménages québécois (1 personne sur 7) peine déjà à payer leurs factures, financer des projets politiques à partir des factures d’électricité est sans contredit régressif. Il serait donc plus judicieux d’effectuer une planification intégrée des ressources énergétiques avant d’octroyer une quantité aussi importante de capacité électrique à l’industrie, de sorte à s’assurer que leur consommation ne se répercute pas sur la facture des consommateurs résidentiels d’électricité. L’utilisation des tarifs d’électricité pour financer la transition fait porter une proportion injuste des coûts de la transition sur les ménages les plus pauvres.
Les choix que nous allons faire dans le domaine de l’énergie seront déterminants pour notre avenir commun. C’est pourquoi ils doivent impliquer toute la population. C’est ensemble que nous devons déterminer ce qu’il convient de faire de nos ressources énergétiques. La justice sociale et climatique doit être au cœur de la lutte contre les changements climatiques. Le moment est maintenant venu de mettre l’économie au service de l’amélioration des conditions de vie de tous et toutes.
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