Édition du 19 novembre 2024

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Environnement

Nature Québec rend public un mémoire étoffé sur le Port de Québec - Un projet injustifié, destructeur pour le fleuve et à risques pour les résidents de Québec

Le projet Beauport 2020 est destructeur pour le fleuve et ses habitats, est à forts risques pour les résidents de Québec et les usagers de la Baie de Beauport, en plus de ne pas être justifié économiquement, selon l’organisme Nature Québec qui rend aujourd’hui public un imposant mémoire déposé à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE).

Le document de plus de 80 pages a été acheminé à l’Agence dans le cadre d’un processus où organismes et citoyens étaient invités à commenter l’étude d’impact environnemental que l’Administration portuaire de Québec (APQ) a déposée sur son controversé projet en janvier dernier.

Outre plusieurs manquements relevés dans l’étude d’impact du Port, le mémoire de Nature Québec, auquel ont contribué des experts en économie, en biologie aquatique, en gestion des sédiments et en design urbain, met en lumière des problèmes majeurs associés à l’empiétement sur les milieux naturels, à la gestion des sédiments contaminés, à la plage de la Baie de Beauport et à l’impact visuel des installations projetées.

L’équivalent de 72 terrains de football perturbés

Selon l’analyse menée par Nature Québec, le projet Beauport 2020 représente dans son ensemble, plus de 38 hectares de milieux perdus ou modifiés au niveau du fleuve Saint-Laurent et des battures de Beauport, soit un empiétement qui dépasse largement les 17,9 hectares qu’occuperont les projets de quai et d’arrière-quai actuellement sur la table.

« C’est l’équivalent de 72 terrains de football, c’est énorme ! », indique Guy Trencia, expert sénior des écosystèmes aquatiques qui a contribué au mémoire. « Ce projet aura des impacts négatifs permanents sur le fonctionnement d’un écosystème estuarien d’une richesse exceptionnelle et sur de nombreuses espèces, notamment l’alose savoureuse, l’esturgeon jaune, le bar rayé et l’hirondelle de rivage. Pourtant, l’étude d’impact du Port de Québec persiste à banaliser l’importance de ce milieu et à prétendre que les mesures de compensation proposées – pour lesquelles on ne mentionne ni cible, ni ressources financières - vont miraculeusement tout régler » ajoute M. Trencia.

Sédiments contaminés et menace pour le béluga

L’étude d’impact environnemental du Port de Québec est également fautive en ce qui a trait à l’estimation du volume de sédiments contaminés. Alors qu’on sait que l’aménagement du nouveau quai nécessitera l’excavation jusqu’à une profondeur de 16 mètres, les analyses de contamination effectuées dans l’étude d’impact du Port se basent sur des prélèvements à seulement 20 centimètres sous le fond marin. Or, les sédiments en surface sont généralement beaucoup moins contaminés que ceux en profondeur, vu les activités industrielles passées dans le secteur de l’estuaire de la Saint-Charles.

« C’est tout simplement irresponsable ! On s’en va brasser des tonnes de sols dont on ignore ou tait la composition et on se croise les doigts pour que ça n’ait pas d’impact sur le fleuve », indique Christian Simard, directeur général de Nature Québec, qui rappelle également que le Port de Québec reste vague sur plusieurs points concernant la méthode de dragage et de décantabilité des sédiments utilisés, leur manutention et leur gestion, ainsi que le pourcentage de ceux-ci qui s’échapperaient dans le fleuve lors des opérations.

« De plus, la méthode de traitement dit de stabilisation/solidification proposée par le Port de Québec pour disposer des sédiments contaminés est inapplicable et même dangereuse pour ce lieu et pour le type de sédiments. Elle n’a été testée que deux fois au Québec, pour des matières différentes. Son échec prévisible aura pour effet de redistribuer des contaminants dans l’ensemble de la chaîne alimentaire dans le Saint-Laurent, affectant au passage plusieurs espèces en péril, dont le béluga », ajoute M. Simard.

Les usagers de la Baie de Beauport privés de leur plage ?

Le mémoire de Nature Québec rappelle par ailleurs que bien qu’elles demeurent encore floues, les activités de transbordement prévues lors de l’exploitation du nouveau quai comprendront fort probablement la manipulation d’hydrocarbures et de matières dangereuses. Or, la firme JP Lacoursière INC. dont l’expertise a été sollicitée par l’APQ pour son étude d’impact indique qu’il « est impératif de ne pas faire de déchargement de navires lorsque le parc de la baie de Beauport est occupé », pour des raisons de sécurité.

Comme Nature Québec l’indique dans son mémoire, si l’APQ a assuré qu’aucun transbordement de matières dangereuses n’aurait lieu durant les heures d’ouverture des installations balnéaires de la Baie de Beauport, elle a été incapable, lors des consultations publiques de l’ACEE du 2 février dernier, de garantir que son projet ne limiterait pas les heures d’ouverture de la plage, admettant qu’elle n’avait aucun contrôle sur les horaires de livraison de marchandises de ses clients.

De fait, il apparaît de plus en plus clairement que le projet Beauport 2020 occasionnera la fermeture de la plage de Beauport pendant de longes périodes, notamment durant la construction qui devrait s’étaler sur 3 ans. Le Port pourrait donc limiter l’accès à la baignade, à la plage et à la navigation de plaisance dans la Baie de Beauport, non seulement durant la construction, mais également lors de l’exploitation du projet, pour des raisons de sécurité.

Un projet pour le moins questionnable

En outre, le mémoire de Nature Québec s’interroge sur les arguments économiques avancés par l’APQ pour défendre son projet. En effet, celui-ci se fonde sur l’hypothèse incertaine d’une forte croissance des échanges internationaux et du prix des matières premières et ses retombées économiques sont évaluées en fonction d’une hypothèse maximisée d’investissements de 590 millions de dollars, alors que le projet déposé à l’Agence est de 190 millions.

De plus, rien ne laisse croire que le Port de Québec réinvestirait d’éventuels profits dans la modernisation de ses infrastructures.

« Depuis le début, le Port nous dit qu’il a besoin de ce projet et de croissance pour entretenir ses infrastructures vieillissantes. C’est vrai, on a probablement les équipements les plus désuets au pays. Par contre, entre 2000 et 2012, le Port a connu une croissance de ses tonnages de 80 % qui ferait rougir d’envie bien des entreprises. Où est passé l’argent de cette croissance ? N’aurait-on pas pu moderniser les équipements avec ? Ça soulève plusieurs questions quant à la gestion actuelle du Port », termine M. Simard.

Dans les prochains jours, Nature Québec entend dévoiler plus en détail plusieurs parties de son mémoire, ainsi que des expertises connexes qui ont servi à sa réalisation, notamment une étude d’impact sur les paysages de la Capitale-Nationale.

Nature Québec continuera en outre de participer à l’actuel processus d’évaluation du projet sous l’ACEE, bien que l’organisme estime que Beauport 2020 devrait minimalement faire l’objet d’une évaluation fédérale-provinciale conjointe.

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