Alors qu’une fois de plus le gouvernement Berlusconi montre son incompétence, le maire insiste pour faire de la bataille des ordures le début d’une « révolution environnementale »
Hors d’Italie, l’incompréhension est de mise. Pourtant la crise napolitaine peut aisément s’expliquer. Les ordures s’entassent tout d’abord parce que Naples ne peut régler seule la récolte des déchets ; elle est subordonnée aux décisions de la province et de la région et à leur lenteur. Elles s’entassent ensuite parce que la seule solution qui s’impose est celle d’un décret gouvernemental qui permette aujourd’hui à la ville de transporter les ordures dans toute l’Italie, afin qu’elles soient traitées ; solution à laquelle s’oppose bien sûr la Ligue du Nord de Bossi qui alimente la tension.
Enfin, les ordures s’entassent parce que c’est le seul moyen de pression pour que la ville accepte, contrainte et forcée, la construction d’un incinérateur (évalué à quelque 400 millions d’euros), source de profits d’autant plus juteux que l’électricité produite grâce à celui-ci bénéficierait de prix de vente particulièrement avantageux.
Camorra et Ultras
Depuis que Naples s’enfonce sous les ordures, une zone grise bien implantée dans le panorama napolitain se développe ; pensons aux entreprises qui louent leurs services pour nettoyer les rues. A celle-ci s’ajoute la petite criminalité souvent appuyée par l’extrême droite, ravie d’avoir l’occasion de nuire à la nouvelle administration de centre gauche. Ceux que l’on appelle les Ultras ont ainsi ces derniers jours mis le feu aux ordures à des endroits stratégiques de la ville (comme la très centrale rue Toledo), provoquant non seulement un ralentissement du ramassage des déchets, mais aussi la diffusion de dioxine au mépris de la santé des Napolitain·e·s, déjà soumise à rude épreuve.
Une révolution environnementale
L’administration publique, appuyée par un réseau d’associations, de comité de quartiers (y compris des quartiers « espagnols », quartiers pauvres du centre de Naples) et le rassemblement des précaires (qui demandent à être engagés pour ramasser les ordures ménagères) est pourtant bien décidée à tenir. Il ne s’agit pas seulement de résister à la pression, mais aussi de mener une véritable bataille pour moderniser la récolte des déchets (tri sélectif), pour promouvoir la construction d’installation pour le compostage des ordures ménagères, pour mettre en place des îlots écologiques mobiles (déchets encombrants). Naples loin d’être aujourd’hui à genou semble une fois de plus se réveiller. La bataille des ordures ne fait que commencer : Simm ‘e Napule, paisà ! [ 1]
1 Chant napolitain d’espoir, très populaire après la Deuxième Guerre mondiale, lorsqu’il s’agissait de déblayer les décombres et de reconstruire Naples (réd).
PREZIOSO Stéfanie
* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n°191 (08/07/2011), p. 8